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mercredi 25 mai 2016

Wrocław. Histoire de la ville

Wrocław [Vrotsouaf ou ˈvrɔt͡s.waf] ou Vratislavie
Brassel ou Prassel (en silésien), Breslau (en allemand), Breslavia (en italien et en espagnol) mais Vratislavia (en latin), Vratislav en tchèque.


Le site attesté depuis la fin de l’Antiquité et du début du haut Moyen Age servait de lieu de passage de l’Oder aux marchands et aux peuples, Celtes, Vénètes, Goths, Burgondes, Marcomans et enfin les Slaves dont la tribu des Slézanes (d'où le nom de la Silésie) qui construisit ici un premier fortin, au début du Xe siècle, en bois et terre sur l'Ostrów Tumski (île de la cathédrale). Ces peuples vécurent ici ou traversèrent ces contrées lors de grands mouvements migratoires de la fin de l’Antiquité.
Selon la tradition c'est le duc de Bohême, Vratislav (915-921) qui aurait été le fondateur de la ville, d'où son nom. Le fleuve se divise ici en plusieurs bras créant des îlots ce qui donne à la ville un aspect particulier où l’eau et les ponts jouent des surprises au promeneur non averti, ce qui permet à certains enthousiastes de parler de la Venise polonaise.



La région appartint d’abord à l’État morave (IXe et Xe siècles, la Grande-Moravie étant le premier État slave évangélisé par les moines byzantins, Cyrille et Méthode), puis aux princes tchèques de la dynastie des Přemyslides, ses héritiers de Bohême. Le plus ancien objet archéologique d'origine tchèque trouvé dans le "Bourg insulaire" comme appellent les archéologues cet endroit, est une monnaie avec l'inscription "Vratsao" datée du temps du prince tchèque Boleslav le Cruel (935-967) et qui confirme l'autorité de la Bohême sur la Silésie. En 950, Boleslav dut reconnaître la suzeraineté de l'empereur germanique. La christianisation des Tchèques par les Allemands signifiait dans l'avenir l'existence de l’État de Bohême dans le cadre du Saint Empire. Le prince des Polanes qui vivaient plus au nord (d’où le nom des Polonais), Mieszko (le premier souverain connu de la dynastie des Piast et premier duc historique de Pologne), dut affronter le même problème. Son mariage avec la princesse tchèque Dobrava lui permit de se soustraire au pesant pouvoir du Saint Empire. Il dut néanmoins envoyer en 973 son fils Boleslas en otage à la cour de l’empereur Otton II mais il plaça son fils sous la protection pontificale puis dénonça le traité de vassalité en arrêtant de payer un tribut à l’empereur. Le chroniqueur allemand Thietmar de Merseburg (975-1018) signale dans son texte le "Bourg insulaire" pour la première fois à propos de Jean (Johannes Wrotizlaensis episcopus, Wortizlava civitate) à la tête d'un évêché (dont la création est confirmée par la bulle du pape Sylvestre II), créé lors de la rencontre à Gniezno, entre le prince polonais Boleslas Ier le Vaillant (992-1025, fils de Mieszko Ier) et l'empereur Otton III, où ils consacrèrent les reliques du martyr tchèque Adalbert (tué par les Borussiens païens) en l'an 1000. Cette rencontre fut fondamentale car elle prenait acte de l'indépendance de la Pologne englobant à peu près les territoires d'aujourd'hui à l'exception de la Prusse orientale. Le prince reçut le titre royal et on décida la création d'autres évêchés en reconnaissant leur dépendance de la nouvelle métropole de Gniezno. L'évêché de Wrotizla y resta attaché jusqu'en 1821.




Otton III met sa propre couronne sur la tête du prince polonais Boleslas Ier et lui tend la lance de saint Maurice (rencontre de Gniezno l'an 1000)







     Vratislavie des Piast

Dans le royaume de Pologne (990 – 1135)


Le royaume de Pologne entre le Xe et XIe siècle
Légende:  les territoires sous Mieszko Ier
               la limite de l'influence tchèque
               les conquêtes de Boleslas Ier le Vaillant
               les limites du royaume vers 1025
               les limites du royaume au débute du règne de Casimir le Restaurateur (vers 1040)
               les limites du Saint Empire vers 1018
               les limites de la Rus de Kiev sous Yaroslav le Sage
               les expéditions militaires de Boleslas Ier en  Lusace (1002), à Prague (1003) et à Kiev (1018)
               les expéditions de l'empereur Henri II (1005, 1017) et les sièges de bourgs
               archevêchés, évêchés avec les dates de fondations et abbayes
               dates de destruction d'évêchés par les païens

Vers 990 la Silésie fut perdue par la couronne de Bohême et passa sous la domination polonaise des Piast. C’est l’an 1000 donc qui est considéré comme le début de l’existence historique de la ville par le fait de la création de l’évêché suite à la rencontre de Gniezno et c’est en 2000 que la ville a commémoré sa fondation. La cité partagea désormais l'histoire de la Silésie dont elle était la principale ville marchande, ainsi que son plus grand centre administratif. Une longue période de chaos en Pologne suivit la mort de Boleslas Ier le Vaillant et des rébellions païennes éclatèrent en Silésie. Le bourg connut une insurrection anti-chrétienne de quatre ans lorsque les Piast entrèrent en décadence et, aux environs de l'année 1038, Wrotizla tomba sous la domination du prince Břetislav Ier de Bohême. L'évêque de la ville fut alors contraint de fuir, et jusqu'à la restauration de l'évêché en 1051, il résida probablement à Smogorzewo près de Namysłów (35 km à l’est). De cette époque nous sont parvenus des restes d'un temple païen datant de 1030.
Wrotizla ainsi que la Silésie passèrent à nouveau sous la domination polonaise en 1054, sous le règne de Casimir Ier le Restaurateur. L'unité de l’État des Piast allait être fragile et les forces centrifuges féodales profitaient de chaque moment de faiblesse pour contester l'autorité du prince voire le renverser. Ainsi en 1096 Wrotizla se révolta à l'instigation du voïévode de Cracovie et palatin, Sieciech qui gouvernait le royaume. C'est le châtelain du bourg (comes Vratislaviae), Magnus qui se trouva à la tête de la révolte dont le but était de renverser le prince Ladislas Ier Herman et le remplacer par son fils illégitime, Zbigniew. Le duc de Pologne réagit en envoyant une armée qui mata la rébellion. Mais Ladislas fut contraint de partager son territoire avec Zbigniew et Boleslas, son héritier légitime. Ce dernier reçut la Petite-Pologne, la Silésie, Lubusz (au nord-ouest) et un petit territoire à l’est de la Grande-Pologne. Ladislas Ier Herman conservait la Mazovie et les grandes villes du territoire de Boleslas, tout en restant le princeps (senior). En 1099, Boleslas, qui s’était lié d'amitié avec son oncle, le duc Bretislav II de Bohême, obtint de celui-ci une part du tribut annuel que payait Ladislas Ier Herman pour la Silésie. En échange, il est probable que Boleslas cédât à la Bohême la région de Kłodzko (à 100 km au sud). Après la mort de Ladislas Ier Herman en 1102, ses deux fils entrèrent en compétition pour prendre l’ascendant l’un sur l’autre. Alors que Boleslas III Bouche-Torse, ayant hérité le titre de princeps, commença les préparatifs pour récupérer la Poméranie tout en signant une alliance avec le prince de Volhynie par le mariage avec sa fille, son frère s'allia aux Tchèques et Poméraniens revenus au paganisme et se rapprocha de l'Empire. L'empereur Henri V et ses alliés de Bohême décidèrent d'attaquer la Pologne en 1109 et furent arrêtés à la bataille de Psie Pole (aujourd'hui un arrondissement de Vratislavie). Le vainqueur, Boleslas III Bouche-Torse, poursuivit la politique de son père afin de réunir, de nouveau, toutes les provinces occidentales contestées par les voisins tchèques et allemands. Vers 1135 il désigna son fils aîné, Ladislas II le Banni, comme administrateur de la Silésie. Le traité de Kłodzko (ou de Niemcza selon une autre source), signé en 1137 entre la Pologne et la Bohême fixa la frontière de la Silésie au sud et à l'ouest qui allait être l'une des plus stables en Europe.

Rappelons que toutes ces informations nous tenons grâce à la première Histoire de Pologne (Cronicae et gesta ducum sive principum Polonorum) rédigée par un "Français", si l'on peut désigner un habitant du royaume de France (Gallia en latin), dont on ignore le nom et que l'on appelle Gallus Anonymus depuis le XVIe siècle. Il aurait vécu au XIe et au XIIe siècle, à l’époque justement de Boleslas III Bouche-Torse. Moine bénédictin, sans doute d’origine franque ou gallo-romane, il serait arrivé en Pologne vers 1110, probablement après avoir séjourné dans un monastère hongrois (certains historiens pensent qu’il pourrait être un des auteurs de la Gesta Hungarorum). À la demande de la chancellerie ducale, il écrivit une chronique (1112-1116) relatant l’histoire de la Pologne, des origines jusqu’en 1113.

En 1138, à la mort de Boleslas, son testament fut exécuté: la Pologne fut partagée entre ses fils (cf. la tradition mérovingienne mais aussi le principe de séniorat chez les Arpad hongrois avant Etienne). Ladislas, l’aîné des représentants mâles de la dynastie Piast, devenait le princeps (senior) et à ce titre, gouvernant également la Petite-Pologne (avec Cracovie comme capitale), la Grande-Pologne orientale avec Gniezno et Kalisz, la Poméranie occidentale, la Poméranie orientale ainsi que la région de Łęczyca et de Sieradz en Pologne centrale (qui devait lui revenir après la mort de Salomé, la seconde épouse de son père). C'est lui qui décidait en dernier ressort sur les questions de politique étrangère, concluait les traités, déclarait les guerres, avait le droit d'investiture, était le chef et le juge suprême. Dans l'avenir, ce système allait faire éclater l'unité du royaume, les forces centrifuges, les frères et leurs descendants voulant s'emparer du titre de senior et de sa capitale, Cracovie, profitant de l'affaiblissement de l'aîné et de sa disparition. Ce système est à l'origine de la perte définitive des territoires à l'ouest (Lubusz, Lebus en allemand), au nord-ouest (Poméranie) et au sud-ouest (Silésie), au profit des voisins germaniques et tchèques. Le Drang nach Osten, terme allemand, désignant la conquête de l'Est, pouvait commencer. D'autant plus que les princes Piast n'hésitaient pas à faire venir des colons allemands (paysans et artisans) afin de faire bonifier les forêts défrichées ou développer les bourgs. Les princes, eux-mêmes, entraient en relations matrimoniales avec les maisons germaniques voisines qui régnaient en Thuringe, Saxe ou dans les Marches. Leur éducation se déroulait parfois dans ces cours de l'Empire et l'allemand devenait de ce fait une langue de culture alors que les colons venus de l'Ouest imposaient leur parler dans les cités. La germanisation était en marche et ce malgré le maintien des relations fondamentales pour le commerce et l'artisanat avec l'Est (Petite-Pologne et Russie de Kiev voire au-delà) ou quelques mariages avec les princesses slaves (polonaises et russes).

Le duché de Silésie (1138 - 1335)


La Pologne au milieux du XIIIe siècle (vers 1250)
 Légende:  frontière de la Pologne en 1250
                - limites des principautés
                - limites des pays (terres ici 4 pour la Silésie, de Glogow, Legnica, Wroclaw, Opole-Raciborz)
                - capitales, chef-lieux d'Etat, principautés polonaises, pays
                - bourgs importants
                - autres localités
                                                         - archevêchés, évêchés, abbayes
                                                         -  routes principales
                                                         -  itinéraires des invasions tatares (mongoles)
                                                         - lieux de bataille
                                                         - territoires perdus avant 1250
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Vratislavie devint la résidence de Ladislas II le Banni en 1138 et la capitale du duché de Silésie. La construction du château princier sur la rive gauche de l'Oder, en face de l'Ostrów Tumski (aux environs de l'actuelle université) et l'édification autour de celui-ci des premières habitations, furent le point de départ du déplacement du centre-ville vers la rive gauche du fleuve. L’Ostrów Tumski passa, au fil du temps, sous la possession de l'Église.
Ladislas en guerre contre ses frères, abandonné par ses alliés, se réfugia en Saxe et en 1147 il accompagna l'empereur Conrad III dans la 2e croisade en Terre sainte. Malgré son alliance avec Frédéric Barberousse qui succéda à Conrad, il mourut en 1159 sans avoir récupéré son domaine. La présence du duc polonais à la cour allemande attira l'attention de l'Empire sur la Pologne et poussa les empereurs à y intervenir en 1147, 1152 et 1157. Boleslas IV le Frisé, son frère et princeps à Cracovie (1146 à 1173) dut restituer la Silésie en 1163 aux fils de Ladislas sous la menace d’une nouvelle attaque du Saint Empire romain germanique.
Les fils de Ladislas obtinrent donc la justice grâce à l'intervention de Frédéric Barberousse tout en subissant les menaces de la part de leur oncle, princeps et senior de la Pologne, Boleslas IV.

Selon les historiens allemands la Silésie d'alors, divisée entre les frères en hostilité mutuelle, devint en 1163 une terre d'Empire et de ce fait cessa d'appartenir au royaume de Pologne ce que contestent les historiens polonais. Selon ces derniers, malgré la présence de la culture allemande dans les cours princières et la politique de colonisation menée par les ducs de Silésie qui invitaient les paysans et artisans allemands à s'y installer, une loyauté dynastique et une organisation ecclésiastique garantissaient néanmoins une unité du royaume de Pologne. Vratislavie accueillit d'ailleurs plusieurs fois le synode des évêques polonais et était la seconde résidence de l'archevêque de Gniezno, primat de Pologne. Cette prétendue rupture d'avec le royaume est en contradiction avec l'engagement des ducs silésiens dans les affaires polonaises. Ils ne renoncèrent pas aux liens qui les unissaient aux autres Piast de Pologne. Au XIIIe siècle trois princes silésiens s'assirent sur le trône de Cracovie: Henri Ier, Henri II et Henri IV. Dans cette perspective la germanisation n'était pas nécessairement le synonyme de volonté de séparation d'avec le royaume mais elle devait plutôt servir leurs ambitions royales en renforçant la Silésie par son peuplement allemand. C'est seulement lorsque leur volonté de récupérer Cracovie perdit les chances de succès que les ducs silésiens perdirent leur intérêt pour la couronne de Pologne.

Boleslas Ier le Long (duc de Silésie de 1163 à 1201) reproduisit la politique de son père: conflits avec les frères et les oncles. En 1198, afin de protéger son duché de la convoitise des autres Piast, il s’adressa au pape Innocent III pour lui demander sa protection. Il se réconcilia avec son fils Jaroslaw qu’il réussit à se faire nommer l'évêque de Vratislavie. À la mort de ce dernier, en 1201, Boleslas récupéra son fief, le duché d'Opole qu'il réunit à ses terres avant de décéder la même année.

Son dernier fils, Henri Ier le Barbu, lui succéda en Silésie. C'est sous son règne que le processus de germanisation prit de l'ampleur. Ce fils, petit-fils et mari de princesses allemandes fut appelé «prince polonais aux cheveux blonds et au cœur allemand». Dans sa cour le polonais était en compétition avec l'allemand. A côté de sa femme, Edwige, princesse bavaroise, d'autres parents germaniques côtoyaient les moines et monacales, les conseillers et chevaliers originaires du Saint Empire. La colonisation germanique date aussi de son règne. Elle aurait commencé aux environs de 1214. Les colons de Saxe, Thuringe et Bavière principalement auraient été attirés par les loyers avantageux, la terre fertile et la perspective d'amélioration de leur sort.

En lutte pour la Grande et la Petite Pologne, il échoua d’abord pour la première et réussit pour la seconde en devenant en 1232 duc de Cracovie (capitale officielle du royaume) suite au décès sans héritiers de Ladislas III. En 1234 il reprit le combat pour la Grande Pologne et une fois vainqueur il offrit son trône à son fils, Henri. Mort en 1238 il fut enterré dans l’abbaye cistercienne de Trzebnica (à 20 km au nord de Vratislavie).

Henri II le Pieux lui succéda. Il essaya de consolider son pouvoir. Il continua la politique de réunification des territoires polonais commencée par son père et devint princeps, mais il n’y a qu’en Silésie que son autorité n’était pas contestée. Au niveau de la politique intérieure, il s’appuya sur l’aristocratie pour gouverner. Sur le plan de la politique étrangère, en 1239, il mit en déroute l’armée du margrave de Brandebourg, Jean Ier qui assiégea Lubusz (à l'ouest de l'actuelle Pologne). La même année, il soutint le pape dans le conflit qui l’opposait à l’empereur Frédéric II. En Grande Pologne, il remporta quelques succès contre son rival Ladislas Odonic. Il entreprit des démarches auprès du pape pour obtenir la couronne royale.

Face à la menace mongole Vratislavie dut être évacuée en 1241. Les cavaliers tatares ayant mis à sac plusieurs villes de la Pologne orientale et centrale dès décembre 1240 décidèrent de se diriger vers le sud-ouest. La capitale silésienne fut incendiée par les envahisseurs. Henri II fut tué à la bataille de Legnica, alors qu’il commandait la chevalerie polonaise et des Templiers, contre les Mongols. Sa mort eut pour conséquence l’éclatement des territoires que son père et lui avaient essayé de réunifier. Ses cinq filles furent mariées aux princes polonais ou entrèrent dans les ordres, ses quatre fils eurent leur héritage territorial alors que le cinquième entama une carrière ecclésiastique qui le mena à l’archevêché de Saltzbourg.

Boleslas II le Chauve, l'aîné, hérita les titres de son père mais perdit Cracovie la même année et le Sud-Ouest de la Grande Pologne en 1247. En 1248 il dut accepter la partition de la Basse Silésie en entrant, par la suite, en conflit avec ses frères, Henri III le Blanc et Conrad. Sa position s’affaiblit vis-à-vis de l’Église à cause d'un différend avec Thomas 1er, l’évêque de Vratislavie (1232-1268) et il rechercha de l’aide auprès de l’aristocratie allemande, ce qui lui valut de perdre la confiance de la noblesse polonaise.

Son frère, Henri III le Blanc, devenu duc de Vratislavie (1248-1266) fut très autoritaire. Il gouverna d’une main de fer, bâillonnant l’aristocratie et s’opposant fermement aux demandes de privilèges de l’Église. Il favorisa la venue d'autres colons allemands en Basse Silésie pour développer l’économie de son duché. Il donna des droits urbains à de nombreuses localités. Ainsi en 1261 la cité vratislavienne fut refondée sur le droit de Magdebourg ce qui permettait l'élection d'un conseil communal. Ayant reçu une forme d'autonomie les autorités vratislaviennes conçurent un plan en damier de rues et au centre, un nouveau marché (Rynek). En même temps le duc bâtisseur fit construire dans son fief plusieurs châteaux et édifices religieux. De nombreux artistes étaient invités à sa cour où l’allemand était la langue d'usage à côté du latin pour les actes administratifs et juridiques.

Sur le plan de la politique étrangère Henri noua maladroitement une alliance avec la Bohême. La guerre entre cette dernière et la Hongrie toucha son territoire en 1253-1254 lorsque les ducs de Grande Pologne, alliés des Hongrois, attaquèrent et dévastèrent son duché. Sa politique très impopulaire finit par provoquer la révolte des nobles et son assassinat par empoisonnement e 1266. Son corps fut inhumé dans l’église des Clarisses qu’il avait fondée dans sa capitale.

Avec l’avènement du dernier Piast, Henri IV le Juste (1268-1290), la ville allait se retrouver dans le giron du Saint Empire romain germanique suite à l'hommage vassalique rendu par le duc, selon certains historiens, à Rodolphe Ier de Habsbourg. Tout en étant dirigée par des ducs issus de la dynastie polonaise des Piast pendant la plus grande partie du bas Moyen Âge la cité se repeupla majoritairement d'Allemands. Son développement était stimulé par de nouveaux privilèges. Par exemple Henri IV le Juste octroya à la ville le droit d'entrepôt en 1274 (c'est le privilège le plus ancien de ce type connu en Pologne) qui obligeait les marchands d'exposer leurs marchandises pendant trois jours lors de leur passage.

De 1282 à 1287, Henri IV dut faire face à un conflit avec l’évêque de Vratislavie Thomas II Zaremba. Le différend portait sur les propriétés dont l’évêché s’était emparé pendant la période difficile qui avait suivi la bataille de Legnica (1241). Une autre source de discorde était la suppression de certains privilèges de l’évêché dont le privilège d’immunité. Au début de l’année 1282, l’évêque remit ses doléances au légat du pape et lui demanda d’être juge. Son verdict fut favorable à l’évêché. En réaction, Henri IV s’en remit au jugement de ses pairs. L’assemblée des ducs, qui lui était inféodée, remit un verdict qui lui était favorable mais qui ne satisfaisait pas l’évêque. En 1284, soutenu par le légat, l’évêque lança l’anathème contre Henri IV et un interdit (interdictum) frappa le duché. Cet interdit ne fut pas suivi par tout le clergé. Les Franciscains, par exemple, restèrent fidèles à Henri IV. Celui-ci, qui n’avait pas l’intention de se soumettre à l’évêque, en appela au pape Martin IV. Jakub Świnka, l’archevêque de Gniezno, essaya sans succès de trouver un compromis acceptable pour les deux parties.

En 1285, Henri IV s’empara des châteaux appartenant à l’évêque, l’obligeant à se réfugier dans le duché silésien voisin de Racibórz. Le dernier acte se joua en 1287 quand Henri IV envahit ce duché. N’ayant plus la possibilité de fuir, l’évêque trouva un accord avec Henri IV qui se montra magnanime et laissa à l’évêque une grande partie de ses anciennes possessions. Parallèlement à ce conflit, Henri IV continua à essayer de vassaliser les ducs polonais, dans le but de se faire un jour couronner roi de Pologne. Il mourut empoisonné le 23 juin 1290. Il fut inhumé dans la collégiale de la Sainte-Croix qu’il avait fondée. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les restes d’Henri IV le Juste furent emportés par des anthropologues allemands qui voulaient démontrer qu’Henri IV le Juste était allemand. Ils n’ont jamais été retrouvés après la guerre. Le sarcophage d’Henri IV le Juste est aujourd’hui conservé au Musée national.

Dans son testament, il désigna Henri III de Głogów pour lui succéder en Basse Silésie. Les bourgeois et les nobles de Vratislavie n’acceptèrent pas Henri III comme souverain et celui-ci, devant la révolte, dut s’enfuir en juillet 1290. La population de Vratislavie offrit le trône à Henri V le Gros, le duc de Legnica. Henri III de Głogów ne se résigna pas à perdre le trône vratislavien et un conflit de longue durée s’ouvrit avec Henri V le Gros pour la possession du duché où les alliés étaient entre autres, Albert, duc de Brunswick-Lunebourg, Othon IV, margrave de Brandebourg ainsi que Przemysl II de Grande-Pologne pour Henri III et Venceslas II de Bohême pour Henri V.

Przemysl II à qui échut le trône de Cracovie fut couronné roi de Pologne en 1295 par l’archevêque de Gniezno mais assassiné un an plus tard, par des sbires à la solde des margraves de Brandebourg car le nouveau roi, qui voulait réunifier tous les territoires polonais, était un obstacle à leur expansion territoriale vers l’est. La Grande-Pologne choisit Ladislas Ier le Bref de Cujavie pour succéder à Przemysl II. Mais Henri III de Głogów n’avait aucune intention de laisser la Grande Pologne lui échapper. En 1301, il se donna le titre de « Seigneur du royaume de Pologne, duc de Silésie, maître de Głogów et de Poznań ». Un conflit armé avec Venceslas II, roi de Bohême, qui s’était fait aussi couronner roi de Pologne, semblait de plus en plus inévitable. Henri III se fâcha quand Venceslas prit sous sa protection les fils d’Henri V le Gros après la mort de leur oncle Bolko Ier de Jawor en 1301. Malgré la tension extrême, la guerre n’éclata pas, Venceslas II étant trop occupé à vouloir faire monter son fils sur le trône de Hongrie. La mort de son frère Conrad II le Bossu en 1304, lui permit d’annexer sans aucun problème le duché de Żagań. La mort de Venceslas II en 1305, suivie de celle de son fils l’année suivante, rendaient Henri III maître de la situation en Grande Pologne.

Henri VI le Bon monta sur le trône de Vratislavie et de Legnica. Majeur en 1310 il fut contraint, un an plus tard et sous la pression de la noblesse inquiète de voir son frère, le duc Boleslas III le Prodigue, placé à la cour de Prague, dépenser sans compter, de partager son domaine avec ses deux frères. Le duché fut divisé en trois morceaux : Vratislavie, Legnica et Brzeg. Menacé constamment par ses frères cherchant une alliance avec le maître de la Grande-Pologne et futur roi de Pologne, Ladislas Ier le Bref, il finit, afin de pouvoir rendre son domaine héréditaire et le faire passer à ses filles, par rendre un hommage vassalique en 1324 à Louis IV de Bavière, l’empereur et de ce fait, par déshériter son frère, Boleslas qui tenta de s’emparer de la ville, bien défendue par ses fortifications. Son alliance avec le Saint-Empire ne réussissant pas à maintenir son duché hors de danger, Henri s’allia également avec Boleslas l’Aîné, le duc de Niemodlin, à qui il donna sa fille Euphémie en mariage en 1325. Un an plus tard, il conclut également une alliance avec l’Ordre Teutonique dirigée contre Ladislas Ier le Bref, le principal allié de son frère en Silésie. Finalement, sous la pression des patriciens vratislaviens, Henri décida de rendre un hommage de vassalité à Jean de Luxembourg, le roi de Bohême. Un accord fut signé à Vratislavie le 6 avril 1327. En vertu de celui-ci, le duché était laissé à Henri VI jusqu’à sa mort. Ensuite, il reviendrait au royaume de Bohême. En échange, Henri VI obtint en usufruit la région de Kłodzko ainsi qu’une rente confortable. Au niveau de la politique intérieure, Henri VI s’appuya toujours sur les puissants patriciens pour gouverner. Ceux-ci obtinrent d’ailleurs de nombreux autres privilèges. Les rapports du duc avec l’Église n’étaient pas très bons. En 1319, il fut même excommunié pendant deux ans.

Henri VI le Bon est mort le 24 novembre 1335. Il fut inhumé dans la chapelle sainte Edwige du couvent des Clarisses. Sans héritier mâle il laissait 3 filles de son mariage avec Anne d'Autriche (maison des Habsbourg), fille de l'empereur Albert Ier et veuve du margrave de Brandebourg.

Comme nous pouvons constater les liens des Piast avec les maisons de l'Empire furent importants et de ce fait les seigneurs silésiens subirent une influence germanique comme c'était le cas de la noblesse tchèque et eurent des conséquences sur le plan culturel et linguistique. L'allemand devenait la langue des élites nobles mais aussi bourgeoises dans ces contrées, alors qu'une partie des masses paysannes conservaient des parlers slaves, et par conséquence le sort de la région fut logique quant à son identité postérieure.

Le rôle des hommes de l’Église fut d'encadrer et défendre certaines couches populaires encore slaves à l'époque. Un exemple peut illustrer leur position de protecteurs naturels face au pouvoir seigneurial germanisé. C'est le cas de l'évêque Nanker Kolda (ou Nankier Kołda en polonais). Issu de la noblesse silésienne de Bytom qui relevait du diocèse de Cracovie, formé à l'université de Bologne, évêque de Cracovie et allié du roi, Ladislas le Bref. Il se retrouva à Vratislavie (qui dépendait de la province ecclésiastique de Pologne) en 1327 au moment du conflit avec le pape d'Avignon, Jean XXII. Ce dernier avait envoyé un légat-questeur afin de lever un impôt. Les chanoines vratislaviens, appuyés par Henri VI s'opposaient au légat du pape d'une part et étaient divisés quant à l'élection du successeur de l'évêque décédé, Henri de Wierzbno. C'était une période de tension entre les éléments culturels et ethnique différents présents dans la ville (polonais, allemands, tchèques, wallons et juifs) associés aux enjeux économiques et politiques. Les chanoines exprimaient bien ces différences dans la référence à l'autorité ecclésiastique, celle de l'archevêque polonais de Gniezno et à l'arbitrage de la papauté. Nanker était perçu comme partisan de l'attachement de Vratislavie aux Piast et à la couronne de Pologne. Nommé évêque par le pape (avec certainement l'appui de Ladislas le Bref qui avait envoyé de l'or pour obtenir la couronne royale en 1320), il devait juguler entre les intérêts de ses protecteurs d'une part et ceux du prince Henri et du chapitre de la cathédrale de l'autre. Déjà l'année suivante il dut faire face à la révolte des bourgeois, soutenus par les ducs silésiens, qui refusaient de payer les arriérés de la dîme exigés par la papauté. Le cortège épiscopal se rendant à la cathédrale fut attaqué et Nanker dut fuir avec le légat à Nysa. Excommuniée par l'évêque, menacée par le pape qui avait demandé l'intervention des rois de Pologne, de Bohême et de Hongrie et de l'archevêque de Gniezno, Jakub Swinka, fervent partisan des intérêts polonais, la ville se tourna vers l'empereur Jean de Luxembourg. Ce dernier intéressé par l'héritage du Piast vratislavien, intervint en se retirant du conflit et permit la levée de l'excommunication et le retour de Nanker à la ville. Mais le véritable vainqueur du conflit s'avéra le chapitre qui tout en acceptant de payer une partie de la dette due à la papauté réussit à neutraliser le pouvoir de l'évêque et de ses protecteurs polonais dans les liens administratifs et culturels de la Silésie avec la métropole de Gniezno.


 Les principautés silésiennes au XIVe siècle
 Légende:   frontière de la Silésie
                                        frontières des principautés vers 1315
                                                  frontières des principautés nées après 1315
                        capitales des principautés
                                         principautés indépendantes des Piast
                                                     principautés vassalisées pat le roi de Bohême


A partir de 1329 le calme s’installa dans le diocèse et Nanker s’efforça d’éviter d’inutiles conflits avec la cour ducale. En 1331 il publia les statuts réglant les questions liturgiques et paroissiales. On y trouve l’interdiction de sanctifier le dimanche par les fidèles et dire la messe par le clergé diocésain. Il tenta sans succès de récupérer les biens de l’église vratislavienne perdus à l’époque de son prédécesseur Henri de Wierzbno (1302-1319). Son influence en tant que pasteur diminua au sein de la bourgeoisie germanophone locale qui n’hésita pas à fonder ses propres écoles, indépendantes de l’emprise épiscopale. En 1335 un autre scandale éclata provoquant la fuite du nonce apostolique. La protection du roi de Bohême s’avéra être un poids plus qu’un bouclier contre les attaques à l’égard de l’Église et de son patron. D’autant plus que cette année-là le duché passa définitivement sous la domination de Jean de Luxembourg qui voulait s’assurer le rôle du seigneur des biens terrestres mais aussi des âmes de ses sujets. Une opposition ecclésiastique sous l’égide de l’évêque constituait un ballast inutile sur le chemin de l’unification complète des terres silésiennes fraîchement acquises à la couronne tchèque au sein de l’Empire germanique. La bourgeoisie incitée n’avait pas l’intention de payer au pape l’impôt qu’il était dénoncé en Europe car éloigné des principes chrétiens de pauvreté. La bourgeoisie silésienne voyait en évêque polonais l’exécutant les décisions venant de Rome et de Gniezno, sa métropole située dans le royaume de Pologne, centres les plus éloignés de l’activité politique du roi de Bohême. L’opposition des marchands silésiens et la lenteur dans le soutien des bourgeois vratislaviens, faisait perdre au diocèse les revenus et l’importance de l’évêque. En 1337 Jean de Luxembourg faisait publier une loi limitant la juridiction ecclésiastique. A partir de là tous les contentieux entre la ville et l’Église devaient être présentés d’abord devant les conseillers municipaux issus du patriciat urbain. L’exigence du roi concernant le château de Milicz (à 45 km au Nord-Est) qui était le bien du chapitre de la cathédrale provoqua l’anathème lancé par Nanker contre le roi qui répondit par les persécutions de l’Église vratislavienne ce qui provoqua la division au sein du clergé séculier et surtout régulier. De plus, le prince-évêque refusa de rendre l’hommage vassalique au roi pour le duché de Nysa et Otmuchów (propriété des évêques vratislaviens depuis la fin du XIIe siècle). Dans ce contexte de tension mourut en 1341 l’évêque défenseur des intérêts polonais en Silésie. Le processus de germanisation était en marche. Les habitants de ville, les membres de dynasties régnantes et le clergé en bonne partie optèrent pour la culture et la civilisation germaniques par le biais et à l’image de ce qui s’était déjà accompli au royaume de Bohême.

La personne de Nanker, ancien évêque de Cracovie, s’avéra tragique dans l’histoire de la Silésie. D’une part bon administrateur, ascète désirant le renouvellement moral et spirituel du clergé et de toute la communauté locale de l’Église et d’autre part, étranger et ignorant la complexité des relations dans la capitale silésienne. Son protecteur, lui-même (roi de Pologne, Ladislas le Bref), rencontra la même opposition de la bourgeoisie silésienne et de ce fait renonça à reprendre la province mais en le faisant nommer il avait espéré peut-être ralentir le processus de rupture de la Silésie d’avec la couronne de Pologne.

Il est intéressant de constater que dans le conflit entre l’Église et le roi le groupe le plus riche de la ville, à savoir, le patriciat joua le rôle prépondérant, intéressé par la liberté de commerce et les profits que cette liberté lui apporterait. Il refusait l’obéissance à l’Église et ses exigences morales véhiculées par son chef. C’est cette partie de la société urbaine qui allait décider dorénavant du pouvoir en Silésie en fonction des franchises et privilèges anciens confirmés ou nouveaux. Il lui était étrangère l’idée de défendre la cause polonaise et de la dépendance de Gniezno, elle n’avait aucun intérêt de payer l’impôt au pape et de lier son sort à la Pologne où le rôle de la noblesse devenait prépondérant, de surcroît celle de la Petite-Pologne.

Nanker est devenu un symbole dans l’historiographie polonaise. Les partisans du retour de la Silésie à la mère-Patrie l’ont évoqué à plusieurs reprises. Son image subit une sorte de simplification voire d’oubli au cours de l’histoire par peur de découverte de la complexité et de la confusion des enjeux réels de son époque. Jusqu’à la Réforme aucune personnalité comparable ne fut placée sur la chair épiscopale vratislavienne. C’est peut-être une des raisons de la victoire du protestantisme dans la cité qui était devenue de culture et langue allemandes. Son tombeau se trouve dans l’église de Sainte-Croix sur l'Ostrów Tumski.

La dynastie des Piast s'étant éteinte en 1335 avec la mort d'Henri VI le Bon, le duché de Vratislavie fut annexé par la Bohème. Le dernier des Piast de Silésie, Bolko II, seigneur indépendant de plusieurs duchés silésiens et de Lusace, mourut en 1364 et sa femme, Agnès de Habsbourg qui en avait reçue l'usufruit, administra les deux derniers duchés silésiens indépendants alors qu'il était question de faire passer l'héritage de son mari au roi de Pologne Casimir III le Grand et à sa mort l'ensemble de la Silésie se retrouva dans le giron de la couronne de Bohême des Luxembourg devenus, depuis Charles IV, empereurs.


Sous la couronne de Bohême (1335 – 1526)


La domination tchèque (Prague devint le « nombril du monde » par le fait de la fonction de résidence impériale des Luxembourg) permit à la ville le développement rapide. En 1362 l'hôtel de ville (Ratusz de l'allemand Rathaus) se dota d'une horloge sur la tour et en 1387, de son premier système d’adduction d'eau. En 1387 Vratislavie devint le membre de la puissante Ligue hanséatique. Profitant de la situation de carrefour de routes menant vers l'Est via Cracovie, à Léopol, jusqu'à Kiev et au-delà vers la Chine, et au nord vers la mer Baltique, espace de prédilection de la Ligue. Elle connut un essor économique exceptionnel et put achever sa cathédrale gothique. L'importance des revenus puisés du commerce est attestée par les faits. En 1381 l'évêque de Wretslaw (nom en tchèque médiéval) excommunia toute la ville en réponse à la saisie du chargement de barriques de bière destiné à un chanoine du chapitre de la cathédrale qui avait été ordonnée par les magistrats. Ces derniers considéraient ce transport comme une atteinte à son monopole de vente. Même l'intervention sur place de Venceslas IV (fils de Charles IV de Luxembourg) ne fit pas céder l'évêque. Le roi fâché autorisa alors le saccage des maisons ecclésiastiques sur l'Ostrów Tumski («guerre de la bière», 1380-1382) par ses courtisans et les bourgeois de la ville. 

Une insurrection des artisans de Neumarkt ("Nowy Targ") éclata en 1418 (elle prit naissance dans l'église Saint-Clément, église polonaise de la ville) contre la politique d'exploitation fiscale du conseil municipal (Stadtrat). L'hôtel de ville (Rathaus) fut envahi par une foule menée par les bouchers et des tisserands. Des membres du conseil furent décapités ou défenestrés du haut de la tour. Le chroniqueur parle de la "populace démente", qui, dans son espièglerie récalcitrante, a complètement dépassé les frontières. Il était difficile de ne pas les dépasser lorsque le conseil fouilla à nouveau dans leurs poches. Bien sûr, il l'a fait le cœur lourd, "pour le bien et le bénéfice communs, pour des raisons profondes et sérieuses", comme l'a expliqué Nicolaus Pol, l'auteur de "Jahrbücher der Stadt Breslau". La dette de la ville était de dix fois son budget annuel et les intérêts représentaient 86 % des revenus de Vratislavie. Malheureusement, le (peuple) souverain a fait preuve d'un égoïsme extrême et non seulement ne voulait pas payer, mais a décidé également de scier les conseillers de leurs sièges. Car continuaient d’être élus « les personnes aux noms connus ou celles qui ne s’occuperont pas des affaires de la ville et plus particulièrement des pauvres et riches » comme a remarqué le roi Venceslas (IV).






Comme l'écrit Nicolaus Pol, les insurgés ont occupé l’hôtel de ville pendant cinq jours, détruisant des documents, volant le trésor et libérant des prisonniers pour dettes. Cependant, le changement n'est pas permanent - il n'est pas difficile d'accéder au pouvoir, mais de le conserver - et après deux ans, tout était revenu à la normale. Le roi Sigismond de Luxembourg a montré qu'il était également partisan des coupes rapides et a ordonné de décapiter les rebelles. La liste des condamnés énumère leurs professions. Il s'agit notamment d'un boucher, d'un maçon, du jeune serviteur d'un tailleur, d'un laboureur, d'un tisserand, d'un fils de peintre, d'un fabricant d’aiguilles, d'un vigneron et d'un tanneur. Leurs têtes coupées ont été enduites de goudron, montées sur des piques et exposées sur les murs de la ville, et leurs corps ont été enterrés dans des tombes sans nom dans le cimetière entourant l'église Sainte Elisabeth. Tous ceux qui entraient dans le temple devaient fouler les tombes des rebelles afin de bien se souvenir du principe : "qui lève la main contre le pouvoir...".


Durant le règne de Sigismond Ier (autre fils de Charles IV) la région souffrit des effets des guerres hussites provoquées par le conflit entre les partisans tchèques de Jan Hus (condamné pour hérésie au concile de Constance en 1415) et le roi catholique, soutenu par les habitants de la Silésie, de la Lusace et d'une partie de la Moravie.

En 1453 la ville vit arriver le prédicateur et l'inquisiteur Johannes Capistranus qui y tint quelques discours enflammés contre les hussites, les musulmans et les juifs, contre la luxure et autres péchés capitaux. De grandes foules vinrent de différentes parties de l'Europe : les pèlerins de Silésie et d'autres provinces de l'Empire, de Pologne, de Livonie et de Courlande. Sur ordre de la chancellerie du roi de Bohême, Ladislas Ier le Posthume (1453-1457) l’inquisiteur examina le cas de la profanation d'hostie indiquée par un paysan. En mai on soumit à la torture 318 juifs afin d'en extorquer les aveux. L'inquisiteur fit brûler sur le bûcher 41 d'entre eux pour éprouver les autres. Leurs biens furent confisqués et inventoriés. C'est la première mention de pogrom dans cette ville dont le but fut clairement économique: effacer les dettes contractées par les chrétiens auprès des juifs. Et en 1455 leur expulsion fut prononcée suite au privilège «de non tolerandis Judaei» accordé par le roi (et resté de jure en vigueur jusqu'en 1744) qui interdisait aux Juifs de vivre et d'exercer un commerce dans la ville. Les habitants de Vratislavie s'opposèrent huit ans plus tard au régent hussite du roi de Bohême, Georges de Poděbrady, élu roi, lui-même, par la Diète tchèque en 1457 suite à la mort du jeune Ladislas et demandèrent la protection du pape Pie II. Pendant la guerre de Bohême la ville forma une alliance avec le roi de Hongrie Matthias Ier Corvin suite à laquelle la Silésie fut rattachée à la couronne hongroise. 

De 1469 à 1490 Wretslaw ainsi que toute la Silésie firent partie de la couronne hongroise (Matthias Corvin Ier étant élu roi de Bohême en 1469) qui renforça, avec une nouvelle juridiction, l'administration de la province alors que la ville se retira en 1474 de la Ligue hanséatique. Entre 1490 et 1513 elle mena une guerre douanière contre la Pologne et principalement contre la ville de Cracovie.
C'est en 1493 que fut publiée la première illustration de la ville dans les Chroniques de Hartman Schedel (humaniste de Nuremberg) contenant des gravures de villes allemandes réalisées par Michael Wohgemuth (maître d'Albert Dürer) et Wilhelm Pleydenwurff, imprimées et publiées par Anton Koberger.

Après la mort de Matthias Corvin en 1490 l'évêque de Wretslaw et les seigneurs silésiens acceptèrent comme suzerain Vladislas de Jagellon, le nouveau roi de Hongrie et de Bohême (depuis 1471) et la ville retourna dans l'obédience du royaume le Bohême. Le fils et l'héritier de Vladislas, Louis (né en 1506), fut couronné roi de Hongrie en 1507 et de Bohême en 1509. Adopté par Maximilien Ier de Habsbourg et marié à sa petite-fille, il mourut en 1526 lors de la bataille de Mohacs contre les Turcs.

Aux environs de 1500, la Silésie, avec Wretslaw en particulier, était un centre important de l'humanisme de l'Est européen avec sa littérature et son art, son commerce et son développement urbain. C'est alors que l'hôtel de ville devint le symbole représentatif des bourgeois vratislaviens. Tout cela préparait la base à la réforme religieuse qui vint de la Saxe. En 1517 les pasteurs protestants vratislaviens comme le docteur de théologie Johann Hess (ancien collaborateur de l'évêque Jean Turzon, savant et humaniste),Georges Sauermann, Ambroise Moiban nouèrent des relations étroites avec Martin Luther. On imprima ses sermons et écrits dans la ville, pendant que le conseil municipal soutint les principes de la Réforme en limitant efficacement les revenus et l'influence des ecclésiastiques catholiques sur le territoire soumis à sa juridiction. Finalement, le luthéranisme parvint à s'installer au sein de la population, en majorité allemande. Vratislavie devint luthérienne sans grands bouleversements ni combats acharnés contre le clergé catholique, grâce à l'attitude du successeur de Jean Turzon, l'évêque Jacob von Salza qui, cédant aux exigences du conseil, voulait préserver l’Ostrów Tumski (l'île de la Cathédrale) du protestantisme. En 1523, le pasteur Johann Hess dirigeait le premier office protestant de la ville en l'église de la Madeleine.



Carte de la Silésie de Helwig, Martin, 1516-1574


Sous l'administration des Habsbourg (1526 - 1741)


Ainsi la mort du jeune roi Jagellon ouvre une nouvelle période qui associe l'histoire de la ville à celle de la dynastie la plus puissante en Europe dont le représentant le plus connu n’est que Charles Quint.

Les habitants de la ville (22000 au milieu de XVIe siècle), même si certains avaient des ancêtres polonais, utilisaient désormais tous la langue allemande au début du XVIe siècle et se convertirent, dans leur écrasante majorité, au protestantisme luthérien. La Contre-Réforme catholique menée par la couronne autrichienne, appuyée par les Jésuites qui s'installèrent au collège Saint Matthias, tenta de renverser le rapport de force.

Durant des siècles la Silésie conserva le caractère multiethnique. Encore au début du XVIe le premier géographe silésien et le chroniqueur vratislavien, Bartolomeus Stenus (Stein), dans l'ouvrage intitulé „Descriptio Totius Silesiae” écrivait: «Cette terre est habitée par deux nations différentes par leurs mœurs et la terre qu'elles occupent, celle plus fertile au sud et à l'ouest est habitée par les Allemands et celle couverte par les forêts et plus pauvre et inhospitalière est détenue par les Polonais». Cette tradition se maintint et malgré une germanisation progressive de la Silésie, les territoires au nord de l'Oder étaient appelés traditionnellement „die Polnische Seite” (partie polonaise).

Ferdinand, nouveau roi de Bohême, arriva dans la ville en mai 1527 dans le but de recevoir l'hommage vassalique et dès le début il exigea des échevins l'élimination de l'hérésie luthérienne, la restitution des biens ecclésiastiques confisqués et l'expulsion des pasteurs. Face à leur refus et la menace de l'abandon de la ville par la population protestante le roi laissa tomber ses exigences. Comme la ville faisait partie, à la fois, du royaume de Bohême et de l'Empire, et comme son frère, Charles Quint, était occupé par la guerre des Paysans allemands à caractère religieux et social, le calme dans la ville parut aux Habsbourg indispensable. L'évêque Jacob Salza contribua à maintenir la paix en cédant sur une partie de revendications y compris ses droits sur l'église de la Madeleine. Le clergé catholique était déjà sur la défensive et ne se maintenait que sur lOstrów Tumski et dans quelques couvents. Même les couvents des chanoines réguliers de Sainte-Marie-sur-le-Sable et du Corpus Christi des Jacobites avaient été confisqués. Ferdinand avait aussi intérêt à calmer le jeu car il prétendait à la couronne hongroise dont les territoires étaient menacés par les armées de Soliman le Magnifique. L'armée ottomane s'abattit en 1529 sur Presbourg (Bratislava aujourd'hui) et menaça Vienne puis en 1541 les Turcs s'emparèrent de Buda et occupèrent toute la Hongrie. Le fardeau de défense de la chrétienté reposait sur les Habsbourg. Ainsi, durant le règne de Ferdinand (1526-1564), les villes silésiennes dont Breslaw (nom autrichien de Vratislavie) , renforcèrent leur système de fortification.

Dans ce contexte le roi abandonna définitivement ses exigences en échange des crédits que la riche ville pouvait lui fournir. Pour souder certains patriciens il leur offrit la noblesse contre une large somme d'argent. Les échevins en profitèrent pour détruire le couvent (ancien monastère bénédictin Saint-Vincent) des Norbertins sur Olbin qui pouvait constituer un bastion pour les assiégeants turcs. Il fallait, par ailleurs, liquider cette enclave catholique pour l’utiliser comme carrière de pierres avec lesquelles on pava le sol du Neumark (Nowy Targ). Son portail romain fut transféré et monté sur le côté sud de l'église de la Madeleine.

Vratislavie possédait depuis le XIVe siècle un blason établi à la cour de Charles IV. Il était composé de quatre champs: deux représentants la tête de Jean Baptiste sur un plateau rond et deux autres occupés par un lion couronné tchèque. Le 12 février 1530 la chancellerie pragoise du roi de Bohême et de Hongrie dressa l'acte héraldique qui instituait le nouveau blason de la ville (où l'on retrouve les deux éléments de l'ancien blason auxquels on ajouta un aigle noire, le buste du jeune saint et la lettre W), et le 10 juillet 1530, l'empereur Charles Quint le confirma ainsi que d'autres privilèges commerciaux et de propriété immobilière ainsi que la préséance politico-juridique sur la noblesse du duché. Ces privilèges, peu ou pas appliqués, s'opposaient de fait à la politique de centralisation et d'incorporation de ces terres à la Bohême et autres possessions autrichiennes (en 1546 le taller autrichien fut introduit en éliminant, non sans résistance, le ducat polonais ou encore Magdebourg cessa d'être le siège d'appel juridique de villes au profit de Prague l'année suivante). La Silésie recevait le système de l'administration d'origine hongroise qui soumettait le pouvoir des princes et des parlements locaux au pouvoir royal. Ce dernier avait déjà ordonné le premier recensement immobilier en 1527, base d'une nouvelle fiscalité.



Carte de la Silésie de 1561



En 1557 le roi, devenu empereur, interdit les assemblée des corps de métiers, mesure certes annulée peu après mais qui symbolisait la perte progressive des privilèges de l'époque des Piast et qui marquait le pas dans l'incorporation de la ville, appelée Breslaw sur la carte ci-dessus, et de la province dans la politique générale du Saint-Empire alors que les relations avec le royaume de Pologne devenaient conflictuelles sur le plan commercial. L'artisanat en fut la principale victime. Néanmoins certaines maisons de commerce surent profiter de la position de carrefour entre la ville de Nuremberg et le royaume des Jagellon. C'est le cas de la maison von Popplau dont un représentant, anobli, s’était fait connaître par son voyage entrepris à la fin du XVe à travers toute l’Europe occidentale [cf. L'étranger à la Cour. Nicolas de Popplau en voyage à travers l'Europe (1483-1486) par Werner Paravicini]. Les Fugger et les Boner y installèrent leur représentant comme les marchands de Cracovie, Toruń et Léopol. Le bétail, les chevaux, les draps et les outils en fer dominaient, les foires offraient une gamme de produits d'artisanat et de commerce lointain, et les patriciens vratslaviens investissaient les gains, avant tout, dans l'acquisition de terre, ce qui permettaient à certains de se faire anoblir, mais aussi dans l'industrie minière d'argent et de plomb. La ville même investissait de la sorte en achetant les villages des alentours dont la rente permettait de renflouer les caisses municipales.

Maximilien, fils de Ferdinand et d'Anne Jagellon, deux fois candidat au trône polonais chercha l'appui des patriciens vratslaviens qui lui servirent d'intermédiaires avec l'oligarchie nobiliaire du royaume et lui fournirent des soldats.




Un bout de la carte de la Silésie de Johannes Scultetus 1595-1645 (excellent site de cartes: http://mapy.mzk.cz/de/mollova-sbirka/atlas-austriacus/XXIII/


Sous l'empereur Rodolphe II (1576-1612) une polarisation politico-religieuse s’était introduite et toute la structure culturelle ou religieuse voire le statut personnel dépendait de l'appartenance confessionnelle. Cet état de choses se maintint sous les règnes de Ferdinand II (1619-1637) et Léopold Ier (1685-1705). Deux sociétés parallèles fonctionnaient alors dans la ville : les protestants aux mains desquels était le pouvoir communal et les catholiques dont l'évêque jouissait de sa propre juridiction dans son diocèse et par conséquent dans les paroisses urbaines comme celle de saint Maurice dont l'église était fréquentée par les habitants polonais des villages proches de la ville. C'est seulement pendant l'occupation suédoise de 1663-65 que le bâtiment fut transformé en temple luthérien qui, après le départ des Scandinaves revint à ses fidèles.

La fin du siècle d'or correspond au commencement de la guerre de Trente Ans (1618-1648), qui bien qu'elle ne détruisît pas la ville directement, endommagea fortement ses environs. Les armées suédoise, saxonne ou impériale ravagèrent et pillèrent la région. En 1618, par exemple, Jean-Georges de Saxe permit, à ses 3000 soudards levés en Silésie, le saccage des faubourgs afin d'éviter la rébellion de ses troupes (cf. Henri Sacchi La guerre de Trente Ans, A l'ombre de Charles Quint. Harmattan 2003). Les maladies et les épidémies de la peste décimèrent la population. Il fallut un siècle pour qu'elle retrouvât son niveau d'avant.

La ville se redressa lentement après les traités de Westphalie et vit l'extinction des dernières lois instaurées par les Piast, en 1675. La monarchie des Habsbourg, qui avait hérité pleinement la ville au XVIIe, tenta de reconvertir la population au catholicisme. Partout où l'empereur était le monarque souverain (duchés héréditaires) le catholicisme devint la religion d’État, là où les princes silésiens d'origine des Piast n'étaient pas membres de l'Empire dont Presslaw (Vratislavie), la confession d'Augsbourg jouissait de la pleine liberté. Ses représentants recevaient le droit de sortie afin de se rendre aux lieux de culte protestant qui pouvaient leur servir de refuge.

Pour des raisons politiques et religieuse la fondation d'une université locale s'avéra impossible ainsi beaucoup de jeunes Silésiens entreprirent les études dans les universités en Allemagne et ailleurs. Les élites disposaient de larges vues et possédaient une bonne connaissance des tendances culturelles de leur époque et de l'état de recherches scientifiques. Certains parmi les intellectuels silésiens faisaient partie d'importants cercles littéraires baroques de l'Allemagne dont la Zweite Schlesische Schule (Andreas Gryphius, Hans Aßmann Freiherr von Abschatz, Daniel Casper von Lohenstein, Christian Hoffmann von Hoffmannswaldau), Martin Opitz (père de la poésie baroque allemande), Angelus Silesius ou encore Johann Christian Günther (précurseur du Sturm und Drang).



Silésie autrichienne, carte de 1710




Le temps de la reconstruction apporta une certaine compétition entre les artistes (peintres, sculpteurs ou architectes). L’Église catholique y contribua en faisant venir des artistes étrangers qui transformèrent la Silésie en pays baroque. On peut signaler ici les églises luthériennes de Jelenia Góra (Hirschberg im Riesengebirge) et de Kamienna Góra (Landeshut in Schlesien) ou le bâtiment du collège jésuite dont le chef d'œuvre est l'Aula Leopoldina à Vratislavie. L'empereur Léopold II offrit, en 1702, à la ville son Academia Leopoldina ce qui fut, plus tard, le point de départ de la fondation de l'université.

La mort de Charles VI (1711-1740) et l'avènement sur le trône de sa fille, Marie-Thérèse ouvrit la période des guerres de Silésie qui débuta en 1740. Profitant de l’affaiblissement de Vienne, dès le 16 décembre, sans déclaration de guerre, Frédéric II de Prusse envahit la région avec une armée de 100 000 hommes. Il gagna difficilement la bataille de Mollwitz près de Brieg (Brzeg en polonais) en avril 1741. La France s'allia à la Prusse en juin 1741 et son armée pénétra en Allemagne. Pour diviser ses adversaires et isoler les Français, Marie-Thérèse Ire de Hongrie passa un accord secret avec Frédéric II, elle lui cédait la Silésie et en contrepartie celui-ci se retirait de la guerre.

Le 14 décembre, donc deux jours avant le début de la guerre, les habitants de Vratislavie s’étaient soulevés contre les Autrichiens et le 3 janvier le roi prussien fit une entrée solennelle dans la ville.
La paix signée à Vratislavie du 11 juin 1742 fut confirmée par le traité de Berlin en juillet, qui conclut la première guerre de Silésie. La partie Sud de la Silésie (avec Jägerndorf/Karniow, Troppau et Cieszyn/Teschen/) restait sous le contrôle des Habsbourg et fut appelée Silésie bohémienne, puis en 1849 Silésie autrichienne. Une petite partie de la Silésie polonaise (Oświęcim, Zator, Żywiec et Siewierz) ne fut pas impliquée dans cette guerre.

Frédéric II, inquiet des succès autrichiens contre la France et la Bavière qui furent repoussés de Vienne et de l’alliance avec la Russie et la Saxe hésitante (son monarque était Frédéric Auguste II, roi de Pologne en même temps), envahit la Bohême en juin 1744 et battit les Autrichiens lors de trois batailles en 1745. Les conditions étaient réunies pour que Frédéric et Marie-Thérèse conclussent le traité de Dresde, le 25 décembre 1745 : Frédéric conservait la Silésie et reconnaissait l’époux de Marie-Thérèse, François de Lorraine comme empereur. C'est la fin de la deuxième guerre de Silésie. La paix signée donnait à la Prusse deux riches provinces (la Haute et la Basse-Silésie) ce qui lui permettait de doubler pratiquement la population du royaume de Prusse.

Néanmoins une troisième guerre fut nécessaire pour confirmer définitivement l’appartenance de la région à la Prusse. Cette guerre faisait partie du conflit plus large de la guerre de Sept Ans entre l'Autriche, la Russie, la France, l'Espagne, la Saxe, la Suède et de nombreux États allemands d’une part et la Prusse, la Grande-Bretagne (dont le roi était également électeur de Hanovre) et d'autres États allemands, de l'autre. Les Autrichiens tentaient de reprendre la Silésie pour la deuxième fois et Frédéric II choisit de mener une attaque préventive, en août 1756. Sans déclaration de guerre, il envahit la Saxe et la vainquit. Puis il attaqua la Bohême et prit Prague en mai 1757, mais peu après les Autrichiens lui infligèrent une défaite à Kolin. Il dut évacuer la Bohême et ses ennemis se déployèrent en Silésie.
Frédéric Il parvint à regrouper ses forces et remporta d'abord la bataille de Rossbach sur les Français le 5 novembre 1757. Mais les Prussiens, victorieux à l'ouest, étaient gravement menacés par l'avance autrichienne à l'est. Le 22 novembre 1757, près de Vratislavie, l'armée autrichienne de Charles de Lorraine, forte de 84 000 hommes, livra une bataille dure et indécise pendant toute la journée aux 28 000 hommes du général prussien, le duc de Brunswick-Bevern. Le jour suivant, les Prussiens battirent en retraite vers Glogau (Głogów) et Brunswick fut capturé par les Autrichiens. La ville, défendue par une garnison prussienne commandée par Johann Georg von Lestwitz, fut assiégée par l’armée autrichienne de Franz Leopold von Nádasdy. La population civile était favorable aux Autrichiens et Lestwitz décida de l’expulser de la ville, mais il était aussi confronté à des désertions massives dans ses propres troupes. Il dut capituler le 25 novembre 1757 contre la permission de quitter la ville avec ses hommes, mais il ne lui restait plus que 599 hommes sur 4 227 à son arrivée à Glogau, tout le reste ayant déserté.

La perte de la Silésie fut un coup dur pour Frédéric II car cette province était une source importante de financement et de recrutement : il décida de la reconquérir coûte que coûte. La victoire de Leuthen le 5 décembre 1757 puis celle de Luna le lui permirent. Mais les Russes atteignirent l'Oder en juin 1758 et les Autrichiens battirent les Prussiens à Hochkirch en octobre 1758 et surtout à Kunersdorf en août 1759, et ils occupèrent la Saxe. Les victoires de Leignitz (Legnica) et Torgau sur les Autrichiens permirent aux Prussiens de reprendre l’initiative. En regroupant ses forces contre l'Autriche, Frédéric réoccupa la Silésie et obligea Marie-Thérèse à signer le traitéde Hubertsbourg, le 15 février 1763. La Prusse conservait à nouveau la Silésie et ce, jusqu'en 1945.


De la Prusse à l'Allemagne (1741 – 1945)


Les guerres de Silésie n'endommagèrent que faiblement la ville, mais son annexion par la Prusse signifiait la perte de tous les privilèges (pour les villes et le parlement local) acquis durant l'appartenance à la couronne de Bohême ce qui constituait une rupture profonde avec le passé de la province. En contrepartie, Breslau (Vratislavie) reçut le titre de ville royale, faisant d'elle (après Königsberg et Berlin) la troisième résidence royale, (all. Königliche und Residenziale Hauptstadt Breslau). La population fut libérée du service militaire. Reconstruite, bien administrée voire choyée (le roi prussien la visita plusieurs fois en distribuant des conseils) la province devint un modèle et commença à rapporter des revenus importants. Les idées des Lumières y furent introduites et l'ensemble de la population adhéra au nouveau pouvoir d'autant plus que même les paysans y trouvèrent la protection juridique sans parler des commerçants, des artisans et des manufacturiers. La supériorité de la civilisation prussienne se faisait sentir au quotidien. Le catholicisme perdit son statut de religion d'Etat mais la monarchie calviniste pratiquait une politique de tolérance à l'égard des autres confessions. 

Cette politique de réforme fut adoptée aussi par l'Autriche, dirigée par le Silésien, comte Haugwitz et aboutit aux grandes réformes du règne de l'empereur Joseph II. Les réformes en Prusse furent poursuivies par les ministres Stein et Hardenberg sous le règne de Frédéric-Guillaume III (1797-1840) dans un Etat confronté à la France conquérante du Directoire et de Napoléon.

En 1806, François II, devant l'avancée de la Grande Armée de Napoléon déposait son titre impérial, ce qui mettait fin au Saint-Empire romain germanique. Entre 1806 et 1808 sur ordre des troupes napoléoniennes qui occupaient la ville, on détruisit les murs d'enceinte de la ville. Ce fut un atout considérable pour son futur développement, auquel contribue également le retour des élections générales libres pour élire le conseil municipal en 1808. La fusion en 1811 du collège jésuite (Leopoldina) et de l'université protestante de Francfort-sur-Oder (Viadrina) transférée à Breslau donna naissance à l'université de Breslau qui comptait alors cinq facultés. (Universitas Litterarum Wratislaviensis). Frédéric Guillaume III de Prusse y prononça un discours en 1813 resté fameux : «An mein Volk» («à mon peuple») qui donna le signal pour rejoindre les troupes russes et combattre Napoléon. En 1821, le pape Pie VII soumit l'évêché de Breslau à la tutelle directe du Saint-Siège.





 Silésie en 1849, plans de quelques villes dont Breslau

Le XIXe siècle concrétisa l'essor rapide de la ville et de son industrie: la mise en service en 1840 de la première ligne d'omnibus et deux ans plus tard de la ligne dechemin de fer Breslau - Ohlau (aujourd'hui Oława), rapidement prolongée vers la Haute-Silésie (Górny Śląsk), où elle fut reliée à la ligne Varsovie-Vienne, en sont des exemples. En 1856, la ville se dota de la plus grande gare d'Allemagne, construite par l'architecte Wilhelm Grapow dans le style néo-gothique, très prisé à cette époque-là. Dix ans plus tard, le même conçut une autre gare moins spectaculaire, mais très importante, car reliant la ville au nouveau bassin industriel du royaume, la Haute-Silésie, alors que la première gare datant de 1843 fut reconstruite selon les plans de l'architecte Karl Lüdecke dans un style plus classique comme le bâtiment de l'Opéra de 1841.

En 1871, Breslau devint la sixième ville de l'Allemagne unifiée en un nouvel Empire et un centre industriel de première importance; sa population tripla entre 1860 et 1910 pour atteindre le demi-million. Une fièvre immobilière s'empara au sein du conseil municipal et des entrepreneurs privés. De nouveau quartiers virent le jour au-delà de la vielle ville avec d'élégants immeubles pour les classes aisées comme le faubourg de Nicolas dont l'axe principal était la voie royale menant à Berlin transformée en rue la plus élégante de la ville et portant le nom de Friedrich-Wilhelm-Straße (ulica Legnicka aujourd'hui) détruite en 1945 et non reconstruite. On y vit apparaître dès 1877 les premiers tramways à traction animale puis en 1893 à traction électrique (première ligne de tramways électriques sur le territoire de Pologne dans les frontières actuelles).

En 1900 avec ses 422709 habitants Breslau était cependant la cinquième ville allemande. En 1905 les protestants constituaient 57,5% et les catholiques 36,6%, de sa population. En 1910, lors du recensement, 95,71% déclaraient l'allemand comme langue maternelle, 2,95%, le polonais, 0,68% le tchèque et 0,67 l'allemand et le polonais.



 Province prussienne de Silésie en 1905



L'année 1905 fut celle de la terrible inondation de l'Oder, ce qui eut pour conséquence le début des travaux d'aménagement des canaux. Deux ans plus tard une autre catastrophe s'abattit sur la vieille ville : un incendie géant ravagea le cloître du couvent des Ursulines et sa tour de 65m.
En 1913, la ville célébra le centenaire de la victoire sur les troupes napoléoniennes en inaugurant la Jahrhunderthalle (Halle du Centenaire), dans laquelle se tint une exposition pangermanique. On construisit également à cette occasion le Kaiserbrücke (pont de l'empereur, aujourd'hui most Grunwaldzki (pont de Grunwald ou Tannenberg) et on créa l'Ecole polytechnique.

En 1919 la province fut divisée en deux : la Haute et la Basse-Silésie dont Breslau devenait la capitale et Felix Philippe, membre du SPD, son Oberpräsident. En 1921 le SPD atteignait la majorité absolue avec 51,16% des voix lors des élections locales alors que le Zentrum obtenait 20,2%, le DVP – 11,9%, le DDP – 9,5% et la KPD – 3,6%.


 Breslau en 1920



Le 1 avril 1928 la ville, en annexant les communes rurales environnantes, s'agrandissait pour atteindre la superficie de 175 km2 et devenir la 8e des grandes agglomérations du Reich. Les années 1920 furent une période faste pour l'architecture moderne de Breslau. On y construisit entre autres les grands magasins de Petersdorf-Erich Mendelsohn (aujourd'hui DT Kameleon) ainsi que le Wertheim de H. Dernburg (aujourd'hui DT Renomma).


 



 


La ville se dota d'un complexe sportif occupant 152000 m2 de terrain à l'est. Le projet fut conçu par Richard Konwiarz en 1924/25 dont la réalisation fut confiée au début à Max Berg puis à Fritz Behrendt, Hugo Althoff et Günther Trauer. La réalisation du projet pour lequel R.Konwiarz reçut la médaille de bronze lors des Jeux Olympiques de Los Angeles en 1932, se prolongea jusqu'aux années 1930. C'est suite à la prise du pouvoir par les nazis que le complexe fut utilisé pour les grandes manifestations de masse.




Le diocèse de Breslau, soumis à l'autorité papale depuis 1821, fut élevé au rang d'archidiocèse en 1929.



Les frontières de la Silésie entre 1815 (1920) et 1945




La période nazie (1933-1939)

Au début des années 1930 Breslau était une métropole régionale comptant 625 000 habitants mais aussi 25% de chômeurs. La crise économique se manifestait aussi comme ailleurs en Allemagne par la polarisation des extrêmes politiques et leur usage de force, en particulier par la terreur des SA. La ville était une forteresse du NSDAP et déjà dans les années 1920 les nazis obtenaient les résultats supérieurs à la moyenne nationale alors que le SPD perdait ses électeurs. Après la prise du pouvoir par Hitler, lors des élections au Reichstag en mars 1933 le NSDAP reçut l'adhésion de la majorité de ses habitants (51,7%). Une vague d'arrestations et de déportations s'abattit sur la ville et les opposants au régime se trouvèrent dans le camp de Dürrgoy (Tarnogaj aujourd'hui) au sud de la ville.

Le 10 mai commença un événement appelé par la presse locale «grande action de nettoyage» et de «purification de l'esprit germanique» qui fut inauguré par une cérémonie dans le bâtiment de l'Université. Le défilé d'étudiants et d'enseignants se dirigea vers la place Royale (plac Wolności aujourd'hui) où les participants «versèrent 85 quintaux de littérature interdite» qui furent transformés en bûcher et le lendemain la presse parlait du «rejet symbolique de tout ce qui est différent et d'origine étrangère» et de la «destruction des œuvres qui empoisonnent l'âme de la nation allemande». Les cinq théâtres existants furent nationalisés cette année-là et leurs employés non aryens, renvoyés. La censure établie écartait du répertoire tout auteur «juif» ou «marxiste» et la nouvelle élite se proposait de faire de la ville, et de son université, une forteresse de la culture germanique aux confins du Reich. On développa une machine de propagande et un système spécial de prix. Ainsi furent présentées, dans l'immense Halle du Centenaire, des opérettes nationales que l'on pouvait voir pour un prix particulièrement bas. Dans ce contexte d'aryanisation des institutions et de germanisation de l'espace publique on commença en 1934 une campagne de déslavisation qui consista à remplacer les anciens noms de lieu ayant une connotation polonaise ou slave par des noms à consonance germanique ( et en 1938, le blason attribué à la ville par l'empereur Charles Quint fut de même échangé sur ordre du Gauleiter de la Silésie, Joseph Wagner, contre un autre dans un style plus germanique. Cette année-là la ville organisa la « Grande exposition silésienne du sport » du 24 mars au 8 avril dans le Pavillon des Quatre Coupoles et en juillet elle fut victime d'une grande inondation.

L'Etat totalitaire, par définition, globalisait son influence dans tous les aspects de la vie de ses administrés. Leur appartenance confessionnelle y était comprise et les institutions religieuses en firent les proies et les victimes à la fois. Elles pouvaient constituer un frein à l'hégémonie de l'idéologie national-socialiste (96% des Allemands appartenaient à l'une des deux églises: évangélique et catholique. En 1933 les habitants de Breslau se déclaraient à 59%, protestants et à 37% - catholiques. 

L'Eglise catholique comptait beaucoup d'opposants au nouveau régime. Déjà lors de la conférence des évêques à Fulda en 1931 les ecclésiastiques interdirent aux catholiques l'appartenance au NSDAP bien qu'en 1933 ils revinssent sur leur décision suite à la réaction conciliante d’Hitler à l'égard de l'institution. En effet l'Allemagne signa le Concordat avec le Saint-Siège qui garantissait l'autonomie à l'Eglise catholique et l'indépendance de son travail en échange de l'interdiction de ses prises de position dans le domaine politique ce qui marquait la fin de l'engagement politique catholique (le parti Zentrum fut dissout et ses représentants écartés voire emprisonnés dans les camps). Quant aux Eglises évangéliques le régime tenta de les unifier en créant l'Eglise du Reich. Par ailleurs les Chrétiens allemands, proches des nazis, dominèrent la majorité des institutions ecclésiastiques. Après l'introduction de Paragraphe aryen (Arierparagraph), aussi bien dans les institutions ecclésiastiques que dans les plus importants temples protestants, le pasteur MartinNiemöller fonda l'Organisation de secours pour pasteurs (Pfarrernotbund) qui s'avéra aussi une planche de salut pour les ecclésiastiques silésiens. Ces derniers créèrent leur organisation locale à laquelle appartenaient ¼ des pasteurs et vicaires. Ces organisations furent à l'origine de la création en 1934 de l'Eglise confessante (Bekennende Kirche) afin de répondre à la centralisation menée par les nazis des églises évangéliques locales. La capacité d'opposition aux nazis diminua suite à la scission au sein de l'Eglise confessante en Silésie en 1935.

De cette institution sortit une des principaux théologiens évangéliques du XXe siècle. Il s'agit de Dietrich Bonhoeffer, né à Breslau, qui en 1933 écrivit un texte contre la politique raciale de Reich à l'égard des juifs et élabora le concept de l'obligation des chrétiens de s'opposer aux exactions de l'Etat non conformes à la loi. Il dirigea un séminaire semi-clandestin de l'Eglise confessante à Stettin et à partir de 1939 il participa activement à la résistance. Arrêté en 1943 il fut exécuté en avril 1945 dans le camp de Flossenbürg.

Au même moment l'Eglise catholique disposait à Breslau d'un homme exceptionnel et puissant, Adolf Bertram (1859-1945), son archevêque. Cardinal et chef de l'épiscopat allemand depuis 1919, personnage complexe et contradictoire, il défendait les minorités ethniques dans son diocèse tout en prenant parfois des positions anti-polonaises comme celle d'interdire aux séminaristes polonais, citoyens allemands, d'appartenir aux organisations de la minorité, considérées par lui comme nationalistes. Capable de lancer des pétitions et d'écrire des pastorales aux fidèles pour critiquer l'idéologie national-socialiste mais aussi d'envoyer les vœux d'anniversaire au Führer au nom de l'épiscopat allemand en 1939 puis, suite à la protestation de l'évêque de Berlin, Konrad von Preysing, de continuer cette démarche en son nom personnel jusqu'à la fin et demander aux prêtres de la ville de dire la messe pour l'âme de Hitler, mort suicidé le 30 avril 1945.

En 1938 Breslau était appelée la ville du Führer. Son parti, NSDAP ayant obtenu l'adhésion de la majorité de ses habitants en mars 1933, y organisait de grandes manifestations de soutien et Hitler s'y rendit plusieurs fois. La plus connue est celle de juillet 1938 associée à la « Deutsches Turn- und Sportfest 1938 in Breslau » (Fête du sport et de la gymnastique allemands) et à une exposition destinée aux représentants des minorités allemandes des pays d'Europe centrale et du sud-est, venus nombreux pour appuyer la politique pangermaniste de Hitler (l'Anschluss de l'Autriche venait d'avoir lieu en mars et l'annexion des Sudètes allait le suivre en octobre comme l'occupation de la Bohême et de la Moravie en mars 1939). La ville disposait de nombreux atouts. Elle était un important carrefour de voies ferrées, disposait de nombreux parcs proches du centre, d'une excellente base hôtelière, d'un complexe sportif (renommé en « Göring Sportfeld » pour honorer le maréchal de la Luftwaffe) dont les bâtiments servirent à l'Exposition pangermanique de sport qui accompagnèrent les jeux olympiques d'hiver à Garmisch et Partenkirchen et ceux d'été à Berlin en 1936 et de la Halle du Centenaire capable d'accueillir 6000 spectateurs assis et 20000 débout. Le jour de la réception du Führer qui clôturait les compétitions la ville vécut une véritable hystérie et l'apogée de cette paranoïa fut le défilé, à travers les rues inondées de fleurs et de drapeaux à la croix gammée, des représentants des Allemands des Sudètes. 

L'année précédente, à la même époque la ville recevait le Führer pour la 12e Fête des chanteurs allemands (XII Deutschen Sängerbundfest) dans les mêmes endroits. Le culte du chef y était si fort que l'accueil paraissait chaque fois unique, plus «spontané» et plus hystérique.
Pendant la fête «Deutsches Turn- und Sportfest» se déroulaient les championnats d'Allemagne dans plusieurs disciplines comme celles de l'athlétisme masculin et féminin, du patinage à roulettes (Rollschuhsport), des régates ou encore du tennis de table. La compétition concernait aussi les régions et districts (Gau et Kreis) ou encore les villes et les organisations sportives et militaires comme celle des SS (Schutzstaffel) et S.A. (Sturm Abteilung), des WH (Wehrmacht), Polizei, Deutsches Volkssturm, Luftwaffe, Kriegsmarine ou encore des HJ (Hitlerjugend)-Jeunesses hitlérienne), BDM (Bund Deutscher Mädel-Ligue des Jeunes Filles Allemandes ), NSFK (Nationalsozialistisches Fliegerkorps- Corps national-socialiste de l'aviation), DRL (Deutschen Reichsbundes für Leibesübungen – Syndicat allemand de l'éducation physique et sportive). 
La Nuit de Cristal (du 9 au 10 novembre 1938) se déroula à Breslau avec la même violence qu'ailleurs et provoqua l'incendie de toutes les synagogues dont la Nouvelle Synagogue, la plus grande d'Allemagne, avec celle de Berlin, (pour une communauté de 10 000 juifs) qui fut totalement détruite.


La Seconde Guerre mondiale (1939-1945) 
 

À la veille de l'invasion de la Pologne en 1939, les troupes de la Wehrmacht se concentrèrent en ville pour attaquer le territoire polonais. Dimanche le 17 septembre fut dite pour la dernière fois, dans l'église saint Martin, la messe pendant laquelle les fidèles pouvaient prier en polonais. En automne la prison de la rue Klęczkowska reçut quelques centaines de prisonniers tchèques et plus tard les prisons et les maisons d'arrêt de la ville virent passer d'autres prisonniers tchèques et polonais. La guillotine s'abattit sur 869 personnes dont 363 Tchèques et un certain nombre de Polonais.

La ville entra dans la guerre sans subir de dégâts matériels (bombardements alliés) jusqu'en janvier 1945, à la différence des villes allemandes situées plus à l'Ouest. Entre 1941 et 1944 la plupart des Juifs habitant la ville (environ 10 000) furent déportés et disparurent dans les camps (surtout Kowno-Kaunas, Theresienstadt et Auschwitz).

Le 25 juillet 1944 la ville fut élevée au rang de la Forteresse (en allemand Festung Breslau) sur ordre de Hitler et son Festungskommandant, le général Johannes Krauze arriva fin septembre 1944, alors que presque un million de personnes (habitants de la ville et réfugiés) y vivaient. Les premiers réfugiés étaient des ouvriers allemands évacués pour échapper aux bombardements alliés avec leurs usines (Breslau était protégée des aérodromes de Grande-Bretagne par la distance). Puis arrivèrent les travailleurs forcés (43953 en 1943 et 51548 en 1944) tchèques, polonais, ukrainiens, français, russes et juifs dont on taisait l'existence dans les brigades de travail des camps. Ensuite furent amenés les prisonniers de guerre (5538 en 1941 et 9876 en 1944 dont 2857 britanniques). Protégée, peu ou pas touchée par les bombardements, la ville était une sorte d'abri aérien de l'Allemagne. Jusqu'au 17 janvier le Gauleiter, Karl Hanke, chef du parti de la région et de fait le décideur absolu refusa toute idée d'évacuation la considérant comme synonyme de faiblesse alors que malgré son statut de forteresse la ville n'était pas du tout préparée à la défense (absence de fortifications modernes, une garnison militaire constituée de 2500 hommes). Les militaires, conscients de la possible rupture du front oriental installé sur la Vistule décidèrent d'organiser la défense de Breslau à 20-25 km de la ville. Durant l'automne 1944 et le début de l'hiver une bande de fortifications et de tranchées anti-char fut créée à l'est (les environs d'Oleśnica) par les hommes de la Volksstrurm mobilisés pour l'occasion. Cette ligne ne servit à rien car pour la défendre il eut fallu 4-5 divisions d'infanteries (environ 65-70 000 soldats) dont les militaires ne disposaient pas. Ainsi Breslau n'était pas de fait une forteresse comme le déclarait l'ordre d'Hitler et prétendait la propagande nazie.

Suite à l'offensive soviétique de janvier qui brisa les lignes de défense allemande, le 17 janvier on lança l'ordre de mobilisation (Gneisenau) et à 19h la ville fut attaquée par l'aviation soviétique. Le Gauleiter donna l'ordre d'évacuation le 20 janvier 1945 sans aucune préparation ni infrastructure de relais. Il s'agissait d'évacuer plus des deux tiers des habitants. Un chaos total saisit la ville. Ce jour-là 60000 femmes et enfants sortirent de la ville par -20°C en se joignant à la foule des 600000 fugitifs silésiens. Les parcs de Breslau se transformèrent en cimetières. On évacua hommes, archives, écoles et objets de valeur vers le sud et l'ouest. Près de 90 000 civils périrent pendant cette évacuation. Les survivants remplirent les rues de Dresde peu de temps avant son bombardement par l'aviation alliée (14 février 1945).

Breslau, où se trouvaient encore 200000 civils, fut assiégée du 13 février au 6 mai 1945 par l'armée du 1er front ukrainien, dirigée par le maréchal Koniev. L'offensive de l'Armée rouge si foudroyante  avait permis de sauver Cracovie et épargner en grande partie Poznań (Festung Posen tomba au bout de 3 jours de durs combats).  Si les Soviétiques avaient avancé de la même façon vers la fin de janvier, Breslau aurait pu être moins détruite. Mais pour eux l'enjeu était d'abord la Haute Silésie vers laquelle ils avaient dirigé les meilleures divisions.

La garnison de Breslau avait augmenté ses effectifs à partir de la Volkssturm c'est-à-dire, les hommes exemptés de la Wehrmacht. Rien n'était pas vraiment prêt pour le siège. C'est l'armement de fortune constitué de prises allemandes de la guerre qui équipait les forces de la Volssturm formées en bataillons sans armes lourdes et avec peu d'armes automatiques. Par ailleurs on avait fait venir des environs les réservistes et les soldats de l'arrière de la Wehrmacht. La garnison se composait aussi d'élèves d'écoles militaires ainsi que de tous les soldats fuyant le front oriental individuellement ou faisant partie de divisions défaites par les Soviétiques. Johannes Krauze, commandant de la Festung ne disposait pas d'un réel état-major. Les Soviétiques n'avaient pas de conception prête pour s'emparer de la ville qui constituait un nœud important de communication, un lieu de passage facile sur l'Oder et un centre industriel important. Dès la fin de janvier ils étaient devant Oleśnica (à 30 km de Breslau) mais épuisés par une offensive si rapide et les combats pour s'emparer de Syców (Groß Wartenberg) et  Oleśnica (Oels) alors que les Allemands commençaient à faire transférer des forces du front occidental dont la 269e division d'infanterie qui résista entre Breslau et Oels durant la 1re semaine de février. La 52e Armée soviétique atteignit les frontières septentrionales de la ville, occupa deux avant-postes de l'autre rive de l'Oder en tentant de prendre la ville en marche mais ne put avancer plus, perdit du terrain et resta sur ses positions sur la rivière Widawa (Weide) jusqu'à la capitulation. C'est exactement là que les Allemands attendaient l'offensive et c'est au nord de la ville qu'ils concentrèrent les forces protégées en partie par les vieux fortins de la 1re Guerre mondiale. Les Russes possédaient deux
avant-postes assez loin de Breslau au nord et au sud (à Brzeg-Brieg) et c'est de ces deux ponts que commença l'attaque soviétique le 9 février.

L'encerclement se termina le 16 février mais la confrontation directe tarda à venir. Les détachements allemands positionnés sur la rive gauche reculèrent et la garnison se trouva assiégée.
Le maréchal Koniev avait comme ordre de continuer l'offensive vers l'ouest sans s'occuper de points de résistance et décida laisser la 6e Armée de le troisième catégorie (formée de paysans de Volhynie qui n'avaient jamais vu une grande ville). C'était une armée défensive mal équipée (absence de chars, petit nombre de canons d'assaut) qui servait dans la stratégie soviétique à fermer les positions déjà conquises et à les défendre. Elle ne comptait pas plus de 55 000 combattants tandis que les Allemands pouvaient réunir entre 55 et 65 000 soldats. L'ambition du maréchal soviétique, l'incompatibilité de type d'armée pour ce genre d'opération et le manque d'estime pour la vie des soldats soviétiques furent les raisons de si nombreux morts et de telles destructions durant le siège.

Les Russes lancèrent un appel à la capitulation mais ne reçurent pas de réponse. Un  régime spécial s'abattit sur la ville assiégée et tout soupçon de boycott ou de désobéissance fut sévèrement réprimé (par exemple le vice bourgmestre, Spielhagen, membre du NSDAP, fut fusillé devant l'hôtel de ville pour sa critique). L'offensive commença le 17 par le sud, par les quartiers résidentiels traversés par de larges avenues arborées qui menaient au centre alors que les plans de défense allemands ne prévoyaient pas du tout cette option. Le commandant de la 6e Armée (officier de convois du GPU dans les années 1930), le général Głuzdowski, piètre stratège, pensait atteindre en 3 jours la gare centrale et de ce fait voir se disloquer la garnison allemande. L'affrontement  meurtrier de deux jours entre les deux forces ennemies pour le bâtiment de la radio donnèrent un avant goût de ce qui allait se passer par la suite.

Les combats intenses se terminèrent vers la mi-mars. Les Soviétiques n'atteignirent pas la gare centrale et un front s'établit à 2 km au sud. Un nouveau commandant, Hermann Niehoff qui remplaçait  Hans von Ahlfen, pousuivit la défense jusqu'à la capitulation. La ville brûlait, les combattants et les canons tiraient, l'aviation bombardait, les gens mouraient mais l'assaut rapide n'était pas possible. Les quartiers sud furent entièrement détruits. Les défenseurs de la forteresse (des travailleurs forcés et des civils), durent raser la moitié d'un quartier densément peuplé (aux environs de l'actuelle place de Grunwald, au nord-est de la Vieille-Ville), afin d'y construire un aérodrome de secours (cela coûta la vie à 13000 personnes) au cas où l'aéroport de Gandau, près de la ligne du front serait pris. Du 15 février au 1er mai, la Luftwaffe maintint un pont aérien avec le reste du Reich, accomplissant pas moins de 2000 vols et amenant dans la ville assiégée 1638 tonnes de matériel (le dernier vol fut celui du Gauleiter Hanke fuyant la ville à la veille de la capitulation).

Le commandant de la forteresse, le général Niehoff, après des négociations avec le général Głuzdowski signa l'acte de capitulation de Breslau, le 6 mai 1945. C'est la dernière ville-forteresse à tomber (quatre jours après la chute de Berlin), deux jours avant la fin de la guerre en Europe. La défense aura duré quatre-vingts jours et aura retenu sept divisions de l'ennemi. Les conditions de la capitulation prévoyaient un traitement correct des troupes allemandes par les Russes. Le général Głuzdowski garantit des soins médicaux, le respect de la personne humaine ainsi que le rapatriement immédiat aussitôt la fin de la guerre proclamée. Aucun de ces engagements soviétiques ne fut appliqué. La plupart des prisonniers de guerre furent envoyée dans des goulags, d'où la moitié ne reviendra jamais.


81 jours de Festung-Breslau (15 février-6 mai puis été 1945)


La renaissance de la ville


Une ville occupée au futur incertain

À la fin de la guerre, 70% de la ville était entièrement détruite: 70 des 104 bâtiments de l'Université, 20000 immeubles d'habitation, les places stratégiques comme le palais des Hatzfeld (Oberpraesidium de Hanke), la Sternloge (quartier SS), la Bibliothèque universitaire (Festungkommandantur), le Neumarkt (batteries antiaériennes) furent transformés en tas de décombres. Les quartiers centraux, du Sud et de l'Ouest furent incendiés, défigurés par les squelettes des immeubles d'habitation et de commerce. Des anciens habitants de Breslau, il ne restait que fugitifs, prisonniers de guerre et invalides. Le chiffre exact des pertes humaines ne sera jamais connu, mais on l'estime à 6000 soldats tués et à 23000 blessés. Quant aux civils, on est en face d'une large fourchette d'estimation entre 10000 et 80000 dont 3000 suicidés. Les pertes soviétiques sont estimées à 65000 dont 8000 tués.

Les vainqueurs incendiaient la ville dès le 7 mai. Les trafiquants pillaient les maisons en chassant leurs habitants effrayés puis répandaient de l'essence en provoquant des incendies qui s'éteignaient au bout de quelques semaines. Ainsi disparaissait l'inestimable collection de livres de la bibliothèque universitaire transférée à l'église Sainte-Anne. Le 15 mai 1945, le feu réduisit le musée de la place Royale en cendres et provoqua une explosion qui réduisit en tas de ruines une tour de la Magdalenenkiche (église Sainte-Madeleine). Une bataille rangée de deux jours opposa deux détachements soviétiques en compétition pour la saisie du stock de nourriture allemand de la Sternstrasse. La thèse selon laquelle Breslau n'a pas subi les destructions que pendant le siège est une fiction de l'après-guerre. Pendant les premières semaines de l'occupation, la plupart des installations d'usine et infrastructures restées encore sur place furent "prélevées" par les Soviétiques et envoyés en URSS, comme celles de la centrale électrique principale de la ville à Kraftborn (aujourd'hui Siechnica en polonais). Toutes les machines des usines FAMO et Linke-Hofmann furent démontées. On emporta tout ce qu'il est possible d'emporter: rails de chemin de fer, lanternes de l'éclairage public, lignes électriques. Des trains de marchandises à la gare de Hundsfeld (aujourd'hui Psie Pole) étaient prêts à partir pour l'Est, avec des hordes de trafiquants.

Une équipe de l'administration polonaise composée de treize personnes arriva à l'improviste le 9 mai 1945. Elle s'appropria trois bâtiments restés intacts aux 25-27 Blücherstrasse et suspendit solennellement l'emblème national polonais au-dessus de la porte d'entrée. Les employés furent nommés par un Comité composé de communistes soumis à Moscou à qui Staline donnait la Pologne libérée et occupée par l'Armée rouge. Son rôle était, entre autres, de soumettre les revendications polonaises sur la capitale de la Basse-Silésie aux vainqueurs de l'Allemagne nazie. Un autre groupe d'administrateurs autoproclamés se joignit à l'équipe, dont le "président de la municipalité", Bolesław Drobner et l'équipe des Services de Sûreté Publique communistes. Ces agissements portaient l'empreinte de la politique de Staline des faits accomplis et de la stratégie de la poussée soviétique à l'Ouest, jusqu'à la ligne Oder-Neisse qui avait été élaborée déjà par le Ministère des Affaires étrangères de l'Empire russe et de ses alliés occidentaux en septembre 1914 (qui publia une carte intitulée «Avenir de l’Europe»).

La Pologne n'avait pas encore de gouvernement reconnu internationalement et la formation d'un gouvernement provisoire d'union nationale avait été prévue par la conférence de Yalta (« dans les sept semaines à venir »). La conférence de Potsdam devait se dérouler dans trois mois. Les militaires soviétiques n'étaient même pas au courant de cette démarche et c'est seulement le 13 mai que des accords furent conclus en ce qui concernait l'activité de l'administration polonaise dans le quartier général du commandant soviétique, le maréchal Koniev, à Sagan (Żagań). Cette administration devait coordonner ses activités avec celles des organismes nommés par les communistes et travaillant en parallèle, à savoir ceux du fonctionnaire plénipotentiaire du gouvernement de la République de Pologne pour la Basse-Silésie, Stanisław Piaskowski et ceux du fonctionnaire plénipotentiaire général pour les "Terres recouvrées",Edward Ochab. Afin de renforcer leur position au sein de la population allemande les administrateurs polonais reconnurent l'un des deux groupes rivaux antifascistes. Le 16 mai, le président Drobner organisa un deuxième défilé (le premier l'avait été par les Soviétiques à l'aérodrome de Pilchitz, aujourd'hui Pilczyce) sur la place Royale, débaptisée en place de la Liberté, pour les détachements (dirigés alors vers la Basse-Silésie) de la 2e Armée polonaise qui avait participé à la Bataille de Berlin. Il s'agissait, par ce fait, d'effacer le souvenir des défilés nazis de 1939 et 1940, et cette fois-ci, c'étaient les crois gammées qui furent foulées aux pieds par les vainqueurs.

La conférence de Potsdam prononça le verdict le 3 août. Trois décisions eurent une importance majeure: les dirigeants des trois puissances victorieuses confirmaient que:
«l’ultime délimitation de la frontière occidentale de la Pologne surviendrait dans le cadre d’un traité de paix» (mais la conférence n’aura jamais lieu); 
«… l’État polonais administre, en attendant le tracé définitif de cette frontière, les anciens territoires allemands situés à l’est d’une ligne partant de la mer Baltique, immédiatement à l’Ouest de Swinemüde (Świnoujście), pour descendre le long de l’Oder jusqu’au confluent de la Neisse occidentale, puis longe celle-ci jusqu’à la frontière tchécoslovaque […] lesdits territoires ne devant pas être à cette fin considérés comme faisant partie de la zone soviétique d’occupation en Allemagne». L’expression «sous l’administration» signifie qu’il ne s’agit pas d' «annexion légale» et Breslau n'est donné à la Pologne que de manière temporaire;
«  il sera nécessaire de déplacer vers l'Allemagne - en partie ou partiellement - la population allemande restant en Pologne, Tchécoslovaquie et Hongrie […]. Tous les déplacements devant se faire de manière ordonnée et humanitaire».

Ceci fut connu du grand public, mais lorsque Churchill et Truman se rendirent à Potsdam, ils étaient convaincus que «Stettin et Breslau devaient rester du côté allemand». Selon eux la «ligne Oder» suivait ce fleuve jusqu’au confluent de la Neisse orientale et de ce fait Breslau devait être divisée: la partie principale de la ville demeurant allemande, la rive droite revenant aux Polonais. C’est surtout Churchill qui ne voulait pas trop «gaver l’oie polonaise de nourriture allemande, de sorte qu’elle ne crève d’indigestion». Truman n’apprécia pas que «les Polonais [eussent] occupé cet espace sans consulter la Grande Troïka». Le 22 juillet, six jours après leur arrivée à Potsdam, les Alliés occidentaux apprirent la nouvelle proposition de Staline à laquelle ils s’opposèrent exigeant une position polonaise "personnelle" qui était alors représentée par Bolesław Bierut, chef du Conseil National de l'Etat (KRN) et officier du NKVD. Niant la présence de la police politique soviétique en Pologne et promettant "des élections plus libres qu’en Angleterre" il resta seul avec les Soviétiques face à Truman, Churchill étant parti pour apprendre sa défaite électorale. Truman finit donc par céder sur la ligne Oder-Neisse occidentale.

C’est le 30 juillet 1945 que Breslau fut officiellement donnée à la Pologne qui exigea l’usage du nouveau nom de «Wrocław». Les Polonais en ont fait alors la capitale d’une voïévodie et opéré le changement de noms de toutes les villes de la Silésie, à commencer par Leignitz (Legnica), où les Soviétiques installèrent le commandement de leurs forces armées stationnées en Pologne [cf. le film Mała Moskwa (Petite Moscou) de Waldemar Krzystek]. De jure les « Territoires recouvrés » ne seront reconnus définitivement que quarante-six ans plus tard…Pendant des décennies on ressentira à Wrocław un climat de provisoire!

L’Eglise catholique réagit plus rapidement que le gouvernement communiste et , le 12 août 1945, le primat de Pologne, le cardinal Hlond arriva à l’improviste comme plénipotentiaire du Saint-Siège pour annoncer au clergé allemand qu’il prenait à sa charge l’administration du diocèse (alors que son archevêque, Adolf Bertram était mort le 6 juin 1945 dans sa résidence d'été, le château Johannesberg à Jauering (aujourd’hui Javorník en République tchèque), où il s'était réfugié depuis le début du mois de mars pour fuir le siège de la ville, ceci quatre jours avant l’accord entre l’URSS et la Pologne concernant la renonciation par les Soviétiques aux biens allemands.


Une ville polonaise

Pendant les deux ans qui suivirent la fin de la guerre, la composition ethnique de la ville changea radicalement avec l'expulsion de tous les Allemands. La Breslau allemande disparut pour céder la place à un Wrocław polonais.

Pourtant pendant l’été 1945, Wrocław vit sa population allemande augmenter à cause de l’arrivée des fugitifs, nommés officiellement personnes déplacées, des régions plus à l’Est (toute la Silésie) et du Nord (Posnanie). De plus, les anciens habitants de Breslau venaient de l'Ouest récupérer leurs biens abandonnés lors de l’évacuation de janvier. Beaucoup espéraient le maintien de la ville dans l'Allemagne, la conférence de Potsdam n’ayant pas encore commencé ses travaux. Ils croyaient que leur présence pouvait contribuer à la prise de décision des Alliés en ce sens. En juillet, les Allemands étaient 300000 face à 3000 Polonais.

Cependant les expulsions forcées des Allemands et l'immigration polonaise, changèrent la donne radicalement: en décembre 1945, les chiffres se modifièrent: 165000 Allemands face à 33000 Polonais et neuf mois plus tard la situation se renversa à jamais, à l’avantage des Polonais: 153000 Polonais, majoritairement venus d'Ukraine occidentale, contre 28000 Allemands.

Les instructions du Conseil de contrôle des Alliés précisaient comme suit:
"Toute la population allemande transférée de Pologne (3,5 millions de personnes) sera reçue dans les zones d'occupation soviétique et britannique […];
"Le calendrier ci-dessous […] est considéré comme possible à réaliser: décembre 1945- 10% du total; janvier et février 1946 - 5% […]; mars 1946 - 15% […]; avril 1946 - 15% […]; mai 1946 - 20% […]; juin 1946 - 20% […]; juillet 1946 - 10%.
Selon ces instructions, les « expulsables » devaient se présenter au centre de leur quartier avec seulement un bagage à main, puis ils étaient dirigés vers un camp de transit: la gare de Freiburg (aujourd'hui dworzec Świebodzki) ou à Kohlfurt (aujourd'hui Węgliniec). Ensuite ils étaient placés dans des wagons à bestiaux, dans lesquels ils voyageaient vers la zone d’occupation leur étant destinée. Les autorités militaires britanniques reçurent ainsi dans leur zone plus d’un million d’expulsés en appelant l’opération «Hirondelle», mais en décembre 1945 elles refusèrent la poursuite de l’accueil et les trains s’arrêtaient dorénavant dans la zone soviétique.

Lorsque les Allemands quittaient la ville, les «rapatriés» polonais arrivaient dans les mêmes conditions à la recherche d’une nouvelle vie. Ils étaient aussi marqués par le sort tragique des populations civiles déplacées. Ils venaient de l’Est de la Pologne devenu l'Ukraine, des régions annexées par les Soviétiques à la suite des accords Ribbentrop-Molotov, soumises aux confiscations, nationalisations, à la collectivisation et aux déportations au Kazakhstan ou en Sibérie et à la russification. Haïs de leurs voisins ukrainiens, biélorusses ou lituaniens car présentés comme seigneurs ou laquais du régime bourgeois polonais d'avant la guerre par la propagande communiste, alors que la majorité était constituée de paysans qui ont vécu aussi l’occupation allemande. En Galicie orientale - District de Lemberg (Lviv aujourd'hui) ayant été rattachée par les nazis au Gouvernement général de 1941 à 1944, ils ont vu l’extermination de leurs voisins juifs, ont survécu aux massacres opérés par les nationalistes ukrainiens qui voulaient nettoyer ces régions (Galicie et Volhynie) de leurs habitants susceptibles de s'opposer à la construction d'un Etat ethniquement pur. Ces réfugiés polonais furent de nouveau libérés par les Soviétiques, qui déportèrent parmi eux ceux qui étaient soupçonnés d'avoir fraternisé avec l'ennemi nazi ou ceux qui étaient considérés comme ennemis du peuple, c'est-à-dire ennemis des Ukrainiens avant tout. Ils furent donc expulsés, après avoir prouvé leur nationalité (c’est-à-dire la langue polonaise et l’appartenance à l’Église catholique), après confiscation de leurs biens dans le cadre de l’accord signé entre la Pologne et l’URSS sur le tracé de la frontière orientale (cf. ligne Curzon dans sa seconde version) et le déplacement de populations.

Alors que le voyage des expulsés allemands durait trois ou quatre jours dans des wagons à bestiaux, celui des «rapatriés» polonais durait trois à quatre semaines dans des conditions similaires. Les habitants de la région de Lwów (Lviv) étaient dirigés vers la Silésie et donc aussi vers Wrocław. Ils constituaient 22% de la population de la ville en 1947. La ville de Lwów est alors un peu l'équivalent polonais, bien que non détruite, de la Breslau allemande. Le centre universitaire de culture et science et le siège de la plus grande collection de trésors de la littérature et des arts polonais, la fondation Ossolinski qui fut transférée à Wrocław. Les professeurs de l’université Jean Casimir qui survécurent à la «purification» allemande de 1941 se déplacèrent en bloc à Wrocław, constituant les cadres fondateurs de l’université polonaise qui a ouvert ses portes dès septembre 1945. Les familles des victimes de Katyń , après avoir survécu aux déportations en Asie centrale ou Sibérie, considérées par les Soviétiques comme ennemis de classe, ayant perdu leurs maisons à l’Est décidèrent de se fixer en Silésie. Wrocław et la Silésie, comme Dantzig, Stettin et la Poméranie, et la Prusse orientale leur apparaissaient comme «Terre promise», comme d’ailleurs pour les survivants de la Shoah, 150000 Juifs polonais qui avaient pu fuir en URSS en 1939 et 80000 Juifs rescapés de l’extermination dans le Gouvernement général. Ils étaient également dirigés vers les «Terres recouvrées» par les autorités communistes afin d’éviter une animosité voire la haine des leurs voisins chrétiens d’avant la guerre. Leur déception fut grande: ville détruite alors que Lwów était intact, maisons encore occupées par des Allemands ou par des Polonais qui étaient arrivés les premiers, présence de trafiquants, délinquants (en octobre 1945 les autorités de la ville protestèrent contre l’arrêt du conseil municipal de Cracovie exigeant «la déportation vers l’Ouest des personnes sans emploi, spéculateurs et délinquants») et d'autres types d’hommes cherchant le refuge devant l’appareil de répression communiste ou l’aventure dans ce «Far West» (l'expression polonaise est plus parlante encore: "Ouest sauvage") sans loi ni liens sociaux. La majorité des Juifs émigrèrent ensuite en Amérique ou en Israël.

En mars 1946, Wrocław comptait 214 310 habitants: 196 814 Polonais dont environ 20 000 Juifs et 17 496 Allemands. La dernière phase des expulsions se ralentit, car les usines avaient besoin de la main d’œuvre qualifiée pour les faire fonctionner. La structure sociale se présentait alors comme suit:
- paysans sans terre cherchant une ancienne exploitation allemande;
- jeunes gens, provenant surtout de la Grande Pologne, cherchant du travail dans l’industrie;
- propriétaires terriens ayant perdu leurs exploitations après la réforme agraire de 1944-1945;
- tous ceux qui cherchaient à reconstruire leur vie;
- les Ukrainiens expulsés des territoires du sud-est de la Pologne dans le cadre de l’OpérationVistule (Akcja Wisła);
- survivants juifs, provenant surtout de l’URSS;
- dissidents politiques, membres de la résistance non communiste, fuyant la répression;
- immigrants étrangers ayant reçu l’autorisation de s’y installer;
- aventuriers, carriéristes, trafiquants.


Wrocław après la guerre


Le temps de la "reconstruction"

La ville commence sa longue reconstruction par… la démolition. En effet après les travaux de déblayage et le début d’une lente tentative de reconstruction la «Direction de reconstruction de Wrocław» (WDO) est fermée en 1949 et remplacée par l'Entreprise municipale de démolition (MPR). Les directeurs de la WDO sont accusés de favoriser l’initiative privée et la reconstruction des églises, et envoyés à Nowa Huta, un nouveau chantier du socialisme à côté de Cracovie. Au lieu de reconstruire la ville on commence à la détruire de manière cynique et calculée. Le but est d’envoyer le plus grand nombre de briques entières à Varsovie dans le cadre de l'action "toute la Nation reconstruit sa capitale". On n’utilise pas à cet effet des montagnes de gravats ou de pans de murs écroulés mais des immeubles debout et qui peuvent être adaptés rapidement à l’habitat comme ceux de tout un quartier à l'ouest de la Bismarckplatz (qui est resté un champ de gravats aplani jusqu’à la fin des années 1960). Pire on n’hésite pas à démolir la Porte de Włast en style Renaissance, près de la place au Sel (plac Solny), suivie du bâtiment de la Poste Centrale et des villas datant de l’entre-deux-guerres des faubourgs résidentiels. En 1949 on «produit» 140 millions de briques et en 1951 – 165 millions. Pendant que la Vieille-Ville de Varsovie se relève de ses décombres sa sœur vratislavienne reste en ruines. Wrocław, malgré la présence des tramways dont une partie est également offerte à Varsovie et des bus (les nouveaux arrivent seulement en 1954), présente un aspect villageois de par ses habitants d’origine paysanne mais aussi par la présence des cochons et des chèvres qui sont élevés dans les caves ou sur les terrasses, des pommes de terre cultivées dans les jardins aménagés sur les ruines. La vie culturelle qui commence avec beaucoup d’enthousiasme dès l’été 1945 finit par s’estomper et tarir, remplacée par la propagande stalinienne qui débute ouvertement en 1949 et a duré jusqu’en juin 1956.

C’est dans un but de propagande que les autorités organisent de juillet à septembre 1948 dans la Jahrhunderthalle, rebaptisée en halle du Peuple (Hala Ludowa), une exposition sur les "Terres recouvrées" (élément de propagande communiste afin de consoler la population de la perte des territoires à l'Est). Durant son déroulement se tient également, du 25 au 28 août, le "Congrès International des Intellectuels" pour la défense de la paix. S'y présentent des sommités comme Irène Joliot-Curie, Graham Green, Pablo Picasso, Ilja Erenburg, Mikhaïl Cholokhov, Salvatore Quasimodo, Bertold Brecht, Harold Ould, Jorge Amado, Kingsley Martin et Julian Huxley mais l'ambiance est irritante par l'omniprésence des agents NKVD, la lettre d'Albert Einstein est censurée et l'art occidental, attaqué par l'académicien soviétique Alexandre Fadeïev qui traite la création de "Miller, Eliot, Malraux et autres Sartre" d'art de «chacals et hyènes». La consternation est grande, les hôtes polonais gênés, Huxley est parti et le seul, qui proteste, par un discours dénonciateur de la politique soviétique, est l'historien britannique A.J.P. Taylor. Il refuse avec quelques-uns à signer la déclaration finale commune condamnant le "camp impérialiste».

En septembre la ville est l’hôte du «Congrès universel des historiens» où le ministre polonais de l’Éducation nationale informe les 600 délégués qu’il était «nécessaire de créer une école historique marxiste». Les participants entendent aussi que les dirigeants de la Pologne de l’après-guerre sont les «héritiers des Piast» alors que «les vilains Jagellon ne s’intéressèrent qu’aux territoires de l’Est».
Le processus d’unification des «forces progressistes» est en marche: de différentes organisations de jeunesse fondent l'Union de la jeunesse polonaise (communiste) à Wrocław lors du congrès du 22 juillet 1948, les socialistes du PPS sont «avalés» en décembre à Varsovie alors que, lors de leur XXVIIe Congrès à Wrocław un an plus tôt, les 1300 délégués avaient exprimé la différence politique par rapport aux communistes du PPR.

Pendant que les purges personnelles se poursuivent, les organes de presse subissent le même sort unificateur. La Gazeta Robotnicza (Gazette ouvrière) en est un bon exemple de cette évolution. Son nouveau premier numéro du 16 décembre 1948 annonce «la joie et l‘enthousiasme» des débats du Congrès unificateur à Varsovie et une semaine plus tard: «Tout le prolétariat de Wrocław [a présenté] ses vœux à Joseph Staline, protecteur des masses laborieuses du monde».

La période stalinienne (1949-1956) est associée à la répression politique (qui a commencé dès 1947), à la destruction de toute trace de la présence allemande, à la censure, à la propagande omniprésente et finalement à un certain marasme culturel et économique. Le Comité de Voïévodie du POUP est le centre décisionnel qui, tout en recevant les ordres de Varsovie, dispose de postes-clés dans les rouages administratifs, économiques, syndicales, culturels et même ecclésiastiques. Sa dictature s'est maintenue au-delà de cette période, les cadres du parti s’étant «renouvelés», il sévit avec plus de douceur jusqu’à la chute du communisme en septembre 1989.

En effet le poste du «président» de la ville est supprimé, et Władysław Matwin, un communiste professionnel, est nommé premier secrétaire local du parti. Remplacé au fur et à mesure de l’évolution du Comité central à Varsovie par d’autres communistes convaincus, il y revient, après un court passage à la Trybuna Ludu (organe central du POUP), pour la période de 1957 à 1963.
Les prisons se remplissent de «politiques», arrêtés grâce aux dénonciateurs et collaborateurs silencieux des Services de Sécurité (SB), accusés par les procurateurs civils de «crimes fascistes et hitlériens» ou d’être des «spéculateurs» et «saboteurs». Les militaires «s’occupent» de résistants non communistes (AK) durant la guerre, venus s'y réfugier. Les fonctionnaires du nouveau pouvoir, 1400 agents de la MO (police communiste), ne sont pas épargnés et les membres des SB sont arrêtés et condamnés au nom de la «loi populaire». Certains meurent en cellule dans les conditions inexplicables, d’autres disparaissent ou se suicident. Ceux qui arrivent au procès «reçoivent les travaux, la perpétuité ou la peine capitale». Les quartiers spéciaux (81a et 120) dans le cimetière d’Osobowice attendent les corps des exécutés.

L’Église catholique est victime de tracasseries, de manifestations anticléricales dans les usines. En 1951 l’administrateur du Vatican, le père Milik, est démis de sa fonction, remplacé par un successeur «vérifié» politiquement. Le premier évêque de l’après-guerre, Bolesław Kominek, est sacré, trois ans seulement après l’inauguration de la cathédrale restaurée, en 1954. Il doit attendre encore deux ans pour prendre son évêché.

La Breslau allemande devait être oubliée, enfouie sous la terre, effacée de la mémoire. Ainsi le secrétaire du parti ordonne de brûler toute la collection de la presse allemande de la Bibliothèque universitaire. Il en est récompensé en devenant ministre de la culture de la République populaire de Pologne. Les cimetières sont l’objet des «soins particuliers»: les pierres tombales détruites ou enlevées pour d’autres usages; certains transformés en parcs (rue Grabiszyńska) ou destinés à la construction des logements (rue Legnicka). Les monuments ont déjà été déboulonnés et détruits ou fondus (ceux de Guillaume Ier, Bismarck, Frédéric le Grand) en 1945, leur piédestal reste vide ou surmonté d’une statue importée comme celle de l’auteur de comédies, Alexandre Fredro, originaire de Lwów, mais qui doit attendre, cachée afin de ne pas réveiller les sentiments pour les territoires perdus, l’année 1956, pour être posée devant l’hôtel de ville. Le Panorama Racławicka a patienté jusqu’à l’année 1985.

La propagande exige des héros socialistes dans le cadre du Plan de Reconstruction de Six Ans. Les manifestations du 1er mai et du 7 novembre (révolution bolchevique) mobilisent des milliers d’habitants qui à cette occasion peuvent s’approvisionner en produits rares voire introuvables dans les magasins d’État, dans les camions amenés spécialement afin d’attirer les foules. Par ailleurs les raisons d’absence sont scrupuleusement vérifiées sur le lieu du travail. L’université, qui tente de reprendre les traditions de sa prestigieuse aïeule, est soumise à la pression du matérialisme marxiste et du réalisme socialiste et éclatée en 1951 donnant naissance à de nombreuses écoles supérieures de la ville. Quelques théâtres ouverts depuis 1945-49 attirent le public mais à partir de 1949 la représentation d’une pièce «osée» relève d’un acte de courage. Le théâtre juif d’Ida Kamińska dispose de manière paradoxale d’une plus grande marge de manœuvre et d’un meilleur patronat. Les autres «ne risquent rien» en présentant le répertoire classique dans une mise en scène «classique». Beaucoup d’artistes choisissent le silence, d’autres quittent la ville, n’acceptant pas le culte du chef polonais (Bierut) ou soviétique (Staline). «Les jeudis littéraires» cessent leur activité en 1949, les «Cahiers vratislaviens» en 1952. Les rues déjà polonisées changent de nom: deux grandes artères l’une, est-ouest, l’autre, nord-sud, reçoivent respectivement le nom de Staline et de Stalingrad. C’est seulement en 1953 qu'est prise la décision de la reconstruction complète des places centrales (Rynek et place au Sel) et de la rue de Stalingrad (Świdnicka) qui, après la destruction de quelques immeubles restés debout dont celui de l’angle avec la place du marché (bâtiment de la poste aujourd’hui), reçoit finalement une architecture du réalisme socialiste. C’est dans ce style marqué par une certaine théâtralité de façade que l’on construit également les bâtiments de la Polytechnique, séparée depuis peu de l’université, et le quartier de logements autour de la place Kościuszko (KDM) à l’image du MDM varsovien.

Le dégel de 1956 et les années de croissance

Le 23 octobre (début de l'insurrection de Budapest) est reçu à Wrocław par des manifestations dans les rues et les entreprises d’État. On exige le retour de Wilno et Lwów, des explications sur l’extermination de Katyń, la libération du cardinal Wyszyński, le départ des Russes des postes-clés dans l’appareil de l’État (par ex. du ministre de la Défense, maréchal Rokossowski ou du commandant en chef de la Région militaire de Silésie), on proclame la solidarité avec les Hongrois combattant l’envahisseur russe. Les manifestants arrachent les plaques de la rue Staline pour y écrire «rue des Héros hongrois», ré-rebaptisée plus tard par les autorités en rue de l’Union nationale. Le retour au pouvoir de Gomułka est considéré comme symbole de l’espoir qui est vite déçu. Néanmoins on procède à la purge des éléments trop staliniens et au renvoi des «conseillers militaires»: le responsable de la désastreuse collectivisation devenu en récompense le chef de la Basse Silésie, H. Chełchowski retourne à Varsovie et le général russe Sergueï Gorokhov, repeint en Polonais (selon certains historiens dont Andrzej Werblan), Popławski, citoyen d’honneur de la ville et député à la Diète est renvoyé à Moscou, après avoir écrasé dans le sang la révolte ouvrière de Poznań en juin 1956.

La ville, qui compte déjà 400000 habitants et dont la croissance est double par rapport à la moyenne nationale entre 1957-1962, nécessite des logements. En juillet 1956 on vote le «Plan national de la reconstruction de Wrocław» c’est-à-dire 11 ans après la fin de la guerre alors que la vieille ville de Varsovie commence à se couvrir de patine de sa fraîche vieillesse. L’ambassadeur britannique en poste dans la capitale qui s’est déplacé à Wrocław peu de temps après les événements, qualifie la ville de «pitoyable et déprimante» où règne «une atmosphère générale d’apathie, de saleté et d’abandon». Selon lui la «jeunesse polonaise est déracinée et démoralisée en principe», «décidément anti-russe et amorale» et qui réagit «avec une allergie à la phraséologie communiste»

Les chantiers de construction apparaissent dans quelques endroits et de petits ensembles de logements surgissent des ruines: des blocs de 4 étages le long des rues Teatralna, Kołłątaja et Małachowskiego, autour de la place PKWN (aujourd’hui des Légions) puis autour de la place du Nouveau Marché et à Gajowice (un faubourg du Sud). Le vieux pont détruit de Lessing est remplacé par le moderne pont de la Paix. Dans le cadre du programme de 1000 écoles pour le millénaire de l’État polonais on construit 50 établissements pour la jeunesse de la ville la plus jeune du pays. L’introduction de nouvelles technologies («grande dalle») permet l’accélération de la construction et l’augmentation de la hauteur des immeubles mais avec les années de quasi-autarcie du régime de Gomułka finissant la superficie se réduit comme peau de chagrin (7m² par personne) et les cuisines perdent le droit à la fenêtre extérieure (cf. les tours de 10 étages, côté sud de la rue Legnicka, du faubourg Saint-Nicolas, à l’ouest de la fosse municipale).

Les années 1960 sont synonyme de la modernisation et de la diversification de l’économie de la ville. Le PaFaWag (ex-Linke Hoffmann), le principal employeur de la ville, commence la fabrication de locomotives électriques, le Dolmel se spécialise dans la production de générateurs pour l’étranger. Des produits de consommation courante apparaissent sur le marché: motocycles, frigidaires et lave-linge des marques comme Predom et Polar. Les bus «Jelcz» fabriqués sous licence tchécoslovaque «Karosa» sortent des usines «Berthawerk» de Krupp à Laskowice, près de Wrocław pour circuler dans la ville à partir de 1954. Les rouleaux compresseurs de Fadroma deviennent un produit phare d’exportation polonaise alors que l’entreprise Elwro entame en collaboration avec l'Ecole polytechnique une lancée de l’industrie électronique polonaise. Le chantier naval met à flot les premières péniches qui vont constituer une flotte fluviale en liaison avec la RDA. Au début des années 1970 Wrocław produit 2,8% du PIB national donc deux fois plus que la part de sa population dans le pays. À la fin de cette époque le nombre d’habitants atteint 600000. La ville cesse d’être le «Far West» polonais.

À la fin des années 1950 la vie culturelle reprend de plein fouet, peut-être en réaction au marasme de l’époque précédente, et fait connaître la ville dans le monde de manière peu évidente. Wrocław n’avait pas sa propre école de cinéma mais pouvait proposer beaucoup d’espace et de décor de ruines pour les scènes de films de guerre. Les «unités de production» se fixent sur les terrains de la Hala Ludowa (Jahrhunderthalle) dans les Studios créés déjà en 1954 (les Vratislaviens parlent de «notre Hollywood»). Presque tous les grands cinéastes polonais viennent filmer ici: Wojciech Has, Kazimierz Kutz et Andrzej Wajda tournent ici en formant avec d’autres, l’École polonaise de cinéma (1957-1962). Roman Polański y réalise son premier long métrage.

En 1956 Henryk Tomaszewski ouvre son "Teatr Pantomimy" dont le programme ne correspond pas aux exigences du parti et dont les interprétations originales de sujets classiques sont impossibles à situer dans un contexte (politique) particulier. Dès 1958 la vie culturelle est animée par les théâtres d'étudiant. Le vratislavien "Kalambur" par ses scénographies et mises en scène avant-gardistes devient un parmi les plus connus du pays. La ville lance son "Festival du théâtre d'étudiant" ainsi que les "Rencontres internationales du théâtre ouvert" En 1963 une épidémie de variole se répand dans la ville et les autorités décident de restreindre au maximum les contacts entre les habitants et avec l'extérieur. En 1964 s'ouvre le premier festival "Jazz nad Odrą" (Jazz sur l’Oder). En 1965 a lieu l'inauguration du plus célèbre événement culturel de la ville - le Festival international de musique d'oratorio et de cantate "Wratislavia Cantans". En 1965 Jerzy Grotowski, invité par le conseil municipal de Wrocław, transfère d'Opole (Oppeln en allemand) son "Teatr Laboratorium" qui ferme son activité en 1984 alors que son créateur s’exile aux États-Unis puis en Italie. Cette effervescence culturelle en fait une ville attirante pour d’autres créateurs. En 1968, Tadeusz Różewicz, poète, dramaturge et auteur de nouvelles, aménage à Wrocław et en devient la personnalité la plus connue de la ville. Le festival des Arts contemporains polonais et celui des «Théâtres d’un seul acteur» élisent la ville aussi.

Après 1956, dans cette ambiance de dégel politique de nombreux Breslauers exilés reviennent revoir leur maison ou leur école. Alois Drost est un des premiers. Photographe, il laisse une série de prises correspondant à celles d’il y a 20 ans, pendant la guerre. Henry Kamm, correspondant particulier de «New York Times» s’y rend plusieurs fois et observe la vie d’une nouvelle ville avec étonnement. En 1973 il s’occupe de maigres traces de la présence juive et constate de nombreuses inscriptions antisémites, conséquence de la campagne orchestrée par le Parti, cinq ans plus tôt. Les Allemands de l’Ouest émettent en général le même commentaire de mépris dans les années 1960 en voyant encore les charrettes tirées par les chevaux, les débris laissés encore dans le centre-ville, la survivance du marché noir ou l’état des cimetières : «typische Ostpolen». Günter Anders, philosophe et activiste anti-nucléaire, est frappé en 1966 par cet inquiétant syncrétisme du déjà vu oriental et quelque chose de profondément étranger. Peter Schumann, metteur en scène américain, constate la même étrangeté et la difficulté de retrouver le chemin de l’enfance.

Le Mars 1968 qui débute à Varsovie, est à l’origine du mouvement massif de protestation de la jeunesse. On réclame la démocratie, la suppression de la censure, l’arrêt de la propagande antisémite et enfin la condamnation des coupables des interventions brutales de la milice. Les manifestations débutent le 12 pour se transformer en grève générale le 14. La réaction du pouvoir est l’arrestation de 60 personnes soutenant le mouvement puis celle des étudiants. Le renvoi des quelques professeurs d’origine juive ainsi que de 82 étudiants de l'Ecole polytechnique ayant osé porter la pancarte «la presse ment» lors de la manifestation du 1er mai précédent la fermeture du théâtre juif et le départ des derniers Juifs de la ville durant l’été 1968. C’est pendant cet été que les « pays frères » liquident le Printemps de Prague. La nuit de l'intervention les fenêtres de la ville vibrent du poids des chenilles de tanks sur les pavés se dirigeant vers le sud. En septembre 1969 les armées du Pacte de Varsovie défilent à Wrocław pour marquer la fin de leurs manœuvres appelées « Oder-Neisse 69 » devant le chef du Pacte, maréchal soviétique Ivan Iakoubovski. Les discours des apparatchiks au stade olympique rappellent la «sauvegarde de la paix grâce à l’intervention courageuse contre ses ennemis de l’OTAN», l’année précédente et annoncent «le temps du système de sécurité paneuropéen».

Les événements de décembre 1970 sur la côte baltique font arriver au pouvoir une nouvelle équipe dirigée par Edward Gierek qui lance la Pologne sur la voie du rattrapage économique et d’ouverture à l’Ouest en promettant la naissance d’un tigre économique.

La décennie 1970-1980 et la naissance de Solidarność

Un certain bien être se glisse dans les esprits et corps des Vratislaviens au début de la période. On vivait au-dessus des moyens grâce aux crédits contractés par la nouvelle équipe dirigeante. Cette aisance des employés et la possibilité de voyager, non seulement dans les pays frères et en particulier en Roumanie et Bulgarie devenues les « Côtes d’Azur » polonaises mais aussi à l’Ouest, apparaît encore aujourd’hui aux yeux des plus âgés comme un « paradis perdu ».

De grands ensembles de logement collectif naissent dans les quartiers proches du centre et au fur et à mesure de la croissance urbaine des cités dortoirs éloignées. On remplit aussi le grand trou laissé par les Allemands au moment de la construction de la piste d’atterrissage du Festung Breslau. La ville rattrape le retard et répond à la demande des couples en attente depuis longtemps d’un logement dans un «bloc», perçu comme un rêve. On importe de l’URSS la technologie (préfabrication) de «fabriques de maisons» qui permet de «monter une pièce » au sol pour ensuite la hisser à l’étage en construction. L’exécution trop rapide et peu soignée posera des problèmes de maintenance et de longévité. Ces grands ensembles périphériques sont construits sans infrastructure ni routes goudronnées et moyens de transport rapides ce qui renforça l’absence de liens entre les différents quartiers et ces derniers et le centre-ville. Certains travaux d’aménagement d’axes de communication commandés par le comité local du parti n’hésitent pas à détruire des immeubles fraîchement restaurés (rues Kazimierza Wielkiego et Ruska) alors que les squelettes des maisons historiques incendiées à deux pas de la place du marché de la Vieille-Ville restaient «intacts» depuis 1945 (rue Kiełbaśnicza entre la place au Sel et l’église Sainte-Élisabeth).

Durant cette décade Wrocław cesse d’être la capitale de la Basse-Silésie au nom du nouveau découpage administratif (1975) dont le modèle est la France avec ses départements. Ainsi on réduit la taille de voïévodies en en créant 49 au lieu de 17. Deux ans plus tôt on recréa le poste du «président» de la ville mais elle perd son statut de ville-voïévodie détachée du reste du territoire provincial. Par ce biais le premier secrétaire du parti devient aussi le président du conseil municipal et de voïévodie concentrant de fait les pouvoirs législatifs et exécutifs locaux.

En juin 1976, à la suite des événements de Radom et d'Ursus les entreprises vratislaviennes font la grève afin de protester contre la hausse de prix de viande et de sucre. Les actions d’intimidation lancée par le parti n’ont guère d’effets car une opposition démocratique et bien organisée est en train de naître dans le pays (KOR). Le Comité de défense des ouvriers est le modèle à la création du Comité de solidarité d’étudiants qui entame dans les institutions d’enseignement supérieur le travail de base de type: débats libres, université volante (où on peut découvrir la vraie histoire de Pologne de l’après-guerre, non censurée car clandestine), publications clandestines etc.

Wrocław répond à l’appel des grévistes de la côte baltique en août 1980. Mieux, la ville a connu de petites grèves déjà en juillet en protestation contre les étagères vides et la hausse de prix que l’on n’avait pas vue depuis «la bataille pour le commerce» de 1947. Les ouvriers vratislaviens lancent la grève de solidarité avec les ouvriers de la côte le 26 août. C’est le dépôt de trams no. VII, rue Grabiszyńska, qui donne le ton et ses employés ne la cessent qu’à la signature des accords de Gdańsk, le 31 août 1980. En trois jours les comités de soutien se créent partout et 80 entreprises sont en grève lors de la signature. C’est sur la proposition du délégué de Wrocław, l’historien Karol Modzelewski, que le congrès du syndicat libre naissant décide de prendre le nom de Solidarność, le 17 septembre. Durant 16 mois de son activité légale, Wrocław est un des bastions parmi les plus importants du syndicat qui unit les ouvriers et les intellectuels dans le combat pour la liberté et le «socialisme à visage humain». 250000 inscrits dans la ville de 600000 habitants, 86% des employés et un tiers de l’appareil du parti ce qui paralyse le pouvoir local. Les leaders locaux deviennent les personnalités clés dans les instances dirigeantes du syndicat comme Władysław Frasyniuk qui sera, après l'»état de guerre» proclamé par le général Jaruzelski, l’homme le plus recherché du pays. Les limites de l’acceptable par les autorités communistes sont marquées en octobre 1981, à la suite du référendum organisé dans l’entreprise «Fadroma» portant sur les élections libres et l’élimination de la Constitution de la notion sur le «rôle dirigeant du parti». Le chef local de Solidarność est arrêté aussitôt l’appel national est lancé à la face du pays et du monde.

Le 13 décembre 1981, à l’aube ce sont les tanks qui sortent des casernes à la place des tramways des dépôts. 400 activistes sont «internés», les forces spéciales du régime (ZOMO) dévastent le siège régional du syndicat de la Basse-Silésie, l’«état de guerre» est proclamé. Pendant 3 jours les soldats brisent les portes des entreprises occupées et les miliciens matraquent les ouvriers. À l'Ecole polytechnique un homme est la victime mortelle de tels agissements. La neige couvre les rues, il fait froid mais Frasyniuk et ses compagnons réussissent à s’échapper et commencent à organiser la résistance avec le slogan «votre hiver, notre printemps». En Allemagne fédérale Solidarność jouit d’un grand prestige et de façon spontanée les villes allemandes choisissent les villes polonaises comme partenaires et protégées, les écoles allemandes prennent soin des écoles polonaises, les paroisses envoient des dons aux églises polonaises. Des convois de nourriture et de vêtements parviennent aux centres d’aide en Pologne. La ville de Dortmund devient ainsi la partenaire de Wrocław. Cette aide généreuse et spontanée contribue à la réconciliation germano-polonaise.

Les années 1982-1989 sont une époque de confrontation entre «nous» et «eux» dans la tête des gens mais aussi dans la rue. La «Solidarność combattante» se fait manifester au moyen des affiches et brochures clandestines. Les lieux de rassemblements illégaux réprimés violemment reçoivent des noms adéquats : place de Perec - «Gaz-Platz» et rue Grabiszyńska – «ZOMO-Strasse».

En 1983 Wrocław accueille lors de son deuxième pèlerinage en Pologne le pape Jean-Paul II qui dit la messe à l'hippodrome de Partynice devant 700000 fidèles. En 1985 a lieu l'inauguration du Panorama Racławicka, amené de Léopol-Lwów (Lviv aujourd'hui) dès 1946 et gardé dans les caves du musée local pour des raisons politiques. En 1987 commence son activité la «Pomarańczowa Alternatywa» (alternative orange) (note) organisée et dirigée par un étudiant d'histoire de l'art, Waldemar Fydrych – dit le «Major», auteur du Manifeste du surréalisme socialiste. Le but en est de ridiculiser le régime par des actions de rue. Ainsi son premier happening illégal au centre de la Vieille-Ville se transforme en manifestation de jeunes déguisés en nains et faisant un vacarme avec des casseroles. Lors d'un autre, les assistants du «Major» distribuent des coupures du produit le plus recherché dans le pays: le papier hygiénique et le jour de la «Fête de l'Armée polonaise», on organise une marche de maquettes qui débute par celle de toile en forme de tank avec une inscription «Hitler kaputt» suivie de celle représentant le cuirassé Potemkine, et qui se termine par un groupe imitant l'attaque contre le Palais d'hiver avec le slogan «Pacte de Varsovie - avant-garde de la paix». Les postes de milice se remplissent de «marins russes» et de «cosaques de l'armée rouge». À la Saint-Nicolas la ville vit une invasion de «pères Noël», le Jour de l'Enfant, des milliers de personnes apparaissent habillées en lange. Les forces de l’ordre, désorientées, désemparées, ne savent pas comment réagir. La fin du régime ne tarde pas. Le 1er mai 1988 ont lieu les derniers affrontements entre les sympathisants du syndicat délégalisé et les forces de l’ordre. Les négociations de la «Table ronde »vont être entamées le 6 février 1989 entre les représentants du pouvoir d'une part et ceux de l’opposition et de l’Église catholique d'autre part.

La fin du communisme

Les élections parlementaires dans la ville se transforment en une partie d’échecs entre la nomenklatura du POUP et l’opposition du WKO (Comité citoyen de Wrocław). Tous les mandats «libres» sont conquis par l’opposition et ce, dès le premier tour. Certains des députés élus étaient recherchés, encore peu de temps avant, par la milice alors que les postes de sénateur de la Basse-Silésie revenaient au doyen de la faculté des mathématiques, Roman Duda, démissionné par le pouvoir et à l’historien et syndicaliste, Karol Modzelewski. C’est ce parlement, issu des négociations et des élections semi-libres, qui va désigner en septembre 1989, deux mois avant la chute du mur de Berlin, pour la première fois dans le bloc communiste, un Premier ministre non communiste: Tadeusz Mazowiecki et exiger l’élection totalement libre, au suffrage universel direct, du président de la République, chose qui va se réaliser en novembre 1990 avec le choix de Lech Wałęsa.

Six mois plus tôt ont lieu les élections locales libres qui permettent, entre autres, la formation d’un conseil municipal composé de 70 personnes dont 67 élus par l’opposition démocratique qui n’a pas de mal à désigner le maire (président) de Wrocław: Bogdan Zdrojewski. Ce dernier en acceptant son poste a déclaré que l’état de la ville est «tragique». À l’image des événements de Varsovie les membres du POUP quittent le navire comme les rats et laissent la «Maison du parti» à l’Université en janvier 1991. Le maire va avoir les mains libres enfin. Or les problèmes sont nombreux et la situation urgente. Une des premières étapes de la nouvelle gouvernance est la régularisation juridique des biens communaux et leur partielle privatisation. Le conseil municipal vote le retour de la ville au blason (adopté après la guerre et changé par les communistes en 1948 car trop marqué par la tradition chrétienne et tchèque) accordé par Charles Quint en 1530 et le changement de noms de rue et de place à évocation visiblement communiste. Ainsi, par exemple, la place de Dzerjinski (Dzierżyński en polonais) retrouve son nom historique de la place des Dominicains.

Wrocław tout en étant une ville industrielle peut entreprendre plus facilement les transformations profondes au niveau économique par l’absence des éléments de la «construction du socialisme» comme de grands ensembles de production de l’industrie lourde. Au contraire la ville dispose d’une gamme d‘entreprises relativement modernes qui peuvent compter sur une évolution rapide dans le sens de l'économie de marché. Mais le capital le plus précieux sur lequel elle peut s’appuyer, est sa population, jeune, dynamique et qualifiée qui n'est pas «dénaturée» par l’ancien régime. Sa situation géographique constitue un atout supplémentaire, proche de l’Allemagne réunifiée et de la République tchèque dynamique.

Le grand incendie du Théâtre Polski en janvier 1994 provoque de très importants dégâts, sa reconstruction et sa modernisation a duré deux ans.
Le congrès eucharistique entre mai et juin 1997 est l'occasion d'une nouvelle visite du pape à Wrocław. Cette fois-ci, le congrès tient place non loin du centre-ville sur la place au croisement des rues Powstańców Śląskich et Gwiaździsta.
En juillet de cette année, la ville vit la plus importante inondation de son histoire. De nombreux quartiers et entreprises sont envahis par les eaux, de nombreux bâtiments subissent d'importants dommages, et, à un degré important, sont détruites les installations hydrauliques. La ville est durant un long moment dépourvue d'eau potable et même partiellement coupée de courant. Grâce à l'héroïsme de ses habitants on a pu préserver des eaux les plus importants monuments de la cité (hôtel de ville, Ostrów Tumski et sa cathédrale, gare centrale) et sauver de nombreux et inestimables mobiliers et documents. Malheureusement beaucoup de bâtiments ont souffert de l'intrusion de l'eau dans leurs caves comme les archives de la Bibliothèque municipale, celles de la ville et des tribunaux. Les moyens de transport urbain - autobus et tramways - ont été déplacés sur des terrains non inondables, mais de nombreuses voitures particulières garées dans les rues inondées n'étaient plus en état de marche.

Aujourd'hui

La Vieille-Ville est presque complètement restaurée, ses monuments préservés. Le dernier exemple de cette politique de restauration est la chapelle baroque, mausolée de l'abbé des Norbertins (ou Prémontrés), Hochberg, de l'église gothique Saint-Vincent (place Nankiera) qui était restée fermée depuis 1945 dans un état de délabrement criant. Suite à onze ans de travaux les conservateurs l'ont rendu au publique en mai 2013.

La capitale silésienne est une ville européenne où se côtoient les styles architecturaux en relation avec les aires politiques et culturelles auxquelles est associée son histoire. Le style gothique de Wrocław est typiquement silésien, son style baroque lui vient de l'époque des Habsbourg d'Autriche (Fischer von Erlach, Ch. Tausch) et la ville possède encore de très nombreux édifices bâtis par les modernistes allemands, comme Hans Poelzig ou Max Berg. Sa halle du Centenaire (all. Jahrhunderthalle - pol. Hala Stulecia) en est un bon exemple parmi les plus importants. Elle a été inscrite sur la liste des monuments du patrimoine mondial de l'UNESCO en 2006.

En 2016 Vratislavie a été la capitale européenne de la culture ce qui a permis à la ville d'être enfin connue à l'échelle de l'Europe et du monde.