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mardi 31 janvier 2023

Pologne, Judas des Slaves [200 ans de DostoïevskI]

 Gazeta Wyborcza Wolna Sobota 04/12/2021 

Grzegorz Przebinda


Dostoïevski n'appréciait pas les Polonais. Mais Jean-Paul II appréciait Dostoïevski.


Fiodor Dostoïevskl 1857  (Phot. Laski Diffusion/East News)

 

Le 200e anniversaire de la naissance de l'auteur de L'Idiot, célébré exactement le 11 novembre 2021, nous invite à commencer l'essai sur Fiodor Dostoïevski en rappelant son attitude envers la Pologne, du moins celle qui, depuis les guerres napoléoniennes et le Congrès de Vienne, était sous le règne du tsar.

 

Ainsi, lorsqu'en 1878 des rumeurs parurent en Europe selon lesquelles le nouveau souverain du Saint-Siège, après feu Pie IX, pourrait désormais être le cardinal polonais Mieczysław Halka-Ledóchowski, Dostoïevski dans "Le journal de l'écrivain" donnait bruyamment de l’alerte. Il était profondément convaincu que le pape polonais ne ferait rien d'autre que de ressusciter la Vieille Pologne dans les frontières d'avant 1772. Entre-temps, selon l'écrivain, un brillant avenir pour les Polonais n'était possible qu'en Nouvelle Pologne :

« Il y a la Nouvelle Pologne, libérée par le tsar, renaissante, qui peut sans aucun doute s'attendre à l'avenir au même sort avec chaque tribu slave, lorsque les Slaves se libéreront et ressusciteront en Europe. Mais il n'y aura jamais de Vieille Pologne, car elle ne coexistera pas avec la Russie. Son idéal est se mettre à la place de la Russie dans le monde slave. »

 

Quand, à la fin des années 1980, j'ai eu l'occasion de parler à l'écrivain russe émigré Vladimir Maksimov à Paris, j'ai entendu dire qu'il appréciait aussi les Polonais pour avoir lu et aimé Dostoïevski alors que l'écrivain lui-même n’avait pas, pour le moins, de la sympathie particulière pour eux.

 

Dostoïevski peut être défendu par le fait que la croyance en la perpétuation éternelle des terres polonaises dans l'Empire russe était alors l'un des fondements du patriotisme russe, façonné nota bene par les élites. Après tout, le grand poète Alexandre Pouchkine, le penseur religieux Piotr Tchaadaïev, l'œcuméniste exceptionnel Vladimir Soloviev pensaient de la même manière que Dostoïevski, et le parolier très talentueux Fiodor Tiouttchev a même décrit la Pologne comme le "Judas des Slaves".


Doit-on s'indigner, nous les Polonais ? Pas du tout. C'était simplement le canon de tout patriotisme nationaliste, et c'est la même forme aujourd'hui. Je suis en quelque sorte étrangement convaincu que si la légion d'historiens polonais contemporains - qui façonnent aujourd'hui fermement le patriotisme anti-russe en Pologne - devait vivre dans la Russie de Dostoïevski, ils y prêcheraient avec lui la nécessité de créer une " Nouvelle Pologne ".

 

Qui prêche l'Antéchrist

 

Plus intéressante est l'attitude de Dostoïevski envers la papauté. Dans le fragment cité déjà du « Journal de l'écrivain » nous trouvons également un passage selon lequel le possible pape Ledóchowski, qui s'occupe invariablement de la résurrection de l'ancienne Pologne, le fera au détriment du pouvoir mondial des papes.

Cependant, ne nous laissons pas tromper par ce style - le "pouvoir mondial des papes" était, aux yeux de Dostoïevski, aussi dangereux pour la Russie orthodoxe que la résurrection de cette Vieille Pologne. Le doux prince Lev Mychkine de « L’idiot » entre en colère dans les salons des Yepantchine, lorsqu’il s’écrie, de pensées cachées jusqu’à là, sur "l'essence de la papauté":

 

« Le catholicisme romain est encore pire que l'athéisme lui-même, à mon avis ! (…) L'athéisme ne prêche que le néant, et le catholicisme va plus loin : il prêche un Christ contrefait, hypocrite et profané, le Christ diamétralement opposé ! Il prêche l'Antéchrist (…). À mon avis, le catholicisme n'est même pas une foi, c'est simplement une continuation de l'Empire romain d'Occident (…). Le pape s'empara de la terre, du trône terrestre, et prit l'épée à la main ; depuis lors, tout est comme ça, seuls mensonges, fourberie, tromperie, fanatisme, superstition, méchanceté ont été ajoutés à l'épée (...), tout a été vendu pour de l'argent, pour un vil pouvoir séculier. N'est-ce pas l'enseignement de l'Antéchrist ?!"

 

Et si Dieu n'existait pas ?

 

L'histoire de l'Europe s'est déroulée de telle manière qu'à l'automne 1978 - donc cent ans après l'échec du conclave pour Ledóchowski - un Polonais, Karol Wojtyła, est devenu pape. Les rêves les plus sombres de Dostoïevski se sont réalisés - deux "puissances infernales" sont désormais réunies en une seule personne : la puissance de Rome et les intrigues de la Vieille Pologne. De plus, le pape polonais n'a pas caché son admiration pour Dostoïevski, et en particulier pour "L'Idiot". ". Il l'étudia alors qu'il était encore à Cracovie, et pendant la période du Vatican, des fragments de L'Idiot lui étaient régulièrement lus à haute voix par Wanda Półtawska.

 

Le pape polonais a également qualifié Dostoïevski de celui qui a mis en garde le monde contre l'abandon de Dieu. Le 13 août 1991, comme je l'ai entendu moi-même, Jean-Paul II a dit à Cracovie :

 

« Pour l'homme de la fin du XXe siècle, le programme est 'vivons comme si Dieu n'existait pas'. Mais si Dieu n'existe pas, tout est permis, disait Dostoïevski. Nous sommes au-delà du bien et du mal, ajoute Nietzsche. Alors que le vingtième siècle tire à sa fin, nous avons eu des expériences trop révélatrices et horribles qui témoignent de ce que signifie vraiment ce programme nietzschéen. Où allons-nous en vivant comme si Dieu n'existait pas ?

 

Je pensais la même chose à l'époque, mais aujourd'hui je regarde le monde le plus proche d'un point de vue opposé, pour ainsi dire : « Vers quoi nous dirigeons-nous, vivant comme si Dieu existait, et en même temps présentant fièrement des cœurs catholiques endurcis - en particulier dans le visage de la tragédie des nouveaux venus d'un autre monde ?".

Aujourd'hui - alors qu'à la frontière polono-biélorusse, dans les forêts et les prairies, les réfugiés du Moyen-Orient et leurs enfants meurent de faim, de froid et d'épuisement - nos hommes politiques et les dirigeants cléricaux gardent, au mieux, des visages catholiques de pierre…

 

Ici, je voudrais mentionner à nouveau le prince Mychkine, cette fois dans le contexte de sa déclaration sur le Dieu miséricordieux - certainement proche à la fois de Dostoïevski et de Wojtyla. Lorsque Rogojine lui a demandé si le prince croyait en Dieu, Mychkine a ravi avec joie la figure d'une Russe issue du peuple qu'il avait rencontrée, souriante - pour la première fois de sa vie ! - bébé à la main :

 

"« Tout comme une mère se réjouit lorsqu'elle voit le premier sourire de son enfant, ainsi le Seigneur lui-même se réjouit lorsqu'il remarque du ciel qu'un pécheur s'agenouille devant lui et prie de tout son cœur, de toute son âme. » M'a dit cela la femme, elle a exprimé dans ces mots plus ou moins une pensée si profonde, si subtile et vraiment religieuse (...), dans laquelle toute l'essence du christianisme était contenue (...), sur Dieu comme notre Père et de la joie que l'homme apporte à Dieu, de même que le père apprécie la naissance d'un enfant - la pensée la plus importante du Christ ! »"

 

On parle de toi, bonhomme

 

Lorsqu'en 1950, Kurosawa filme avec passion "L'Idiot" de Dostoïevski, il déplace l'action de cette œuvre, se déroulant dans le Pétersbourg impérial déclinant de la seconde moitié du XIXe siècle, vers le Japon impérial après la dernière guerre mondiale. Mychkine arrive sur la Neva depuis la Suisse, et ici chez Kurosawa, le héros revient à la vie après avoir été libéré de captivité américaine. Ainsi, on voit une fourmilière japonaise dans le film, incapable de panser les blessures infligées par la participation à
"l'axe du mal" Tokyo - Berlin - Rome, puis par Hiroshima.

   

Quiconque se plongera dans l'espace de ce roman aujourd'hui en Pologne sera charmé, tout comme ses anciens admirateurs, par la cruelle actualité des idées, des événements et des personnages humains. De te fabula narratur, c'est-à-dire que - de toi on parle, bonhomme, indépendamment où tu as vécu, au 19ème siècle de Dostoïevski, ou as été témoin du 20ème siècle sombre de Kurosawa, ou l’on t’a été préparé à construire ton destin dans la cruelle Pologne d'aujourd'hui.

 

 

Grzegorz Przebinda - né en 1959, russiciste et historien des idées, professeur à l'Université Jagellon

 

lundi 30 janvier 2023

La Seconde Guerre mondiale a couvert toute l'Ukraine et seulement 10 % de la Russie. Mais l'Occident a pitié des Russes

 

Gazeta Wyborcza. Wolna sobota 20.05.2022


Oksana Zaboujko : Si vous acceptez la thèse de Tolstoï, félicitations. Vous êtes prêt pour l'arrivée des troupes russes.

 

Pourquoi ? Une Allemande que je connais m'a demandé, submergée de photos du massacre de Boutcha. - Pourquoi font-ils ça ?

 

La question de savoir comment un bourgeon d'arbre cache l'annonce de nombreux volumes qui rempliront bientôt les librairies - des ouvrages consacrés à une révision radicale des cent dernières années de l'histoire européenne. Sans elle, difficile de comprendre la désorientation culturelle de l'Occident qui, pendant plus de 20 ans, a obstinément ignoré le cas d'école du nouveau totalitarisme version 2.0 en Russie, comme en répétant délibérément tous les comportements des années 1930 qui ont "élevé" Hitler. Même après une publicité pour un article de John Mearsheimer dans The Economist sur la "crise ukrainienne" bourdonne sur mon Facebook - selon cette logique, en septembre 1939, la "crise polonaise" a eu lieu en Europe ! - offrant les derniers conseils sur la façon de "calmer Hitler" et des analogies historiques facilement trouvées par l'auteur (et les éditeurs). Avec toute mon aversion pour Mearsheimer, qui de la lointaine Chicago enseigne au monde pourquoi il devrait m'abandonner, moi et 40 millions de mes compatriotes à la merci d'un tueur en série, et avec toute ma sympathie pour mon amie allemande, une personne au goût irréprochable et à l'âme subtile, je dois avouer qu'ils se ressemblent, élevés dans la même culture, avec les mêmes vertus et les "défauts de la vue".

 

Le complexe de culpabilité envers les Russes

 

1945, les Russes en Allemagne



Une de mes amies a entendu parler de première main - par sa mère - des atrocités de l'Armée rouge à Berlin en 1945 - de la chasse aux réfugiés civils, d'un pillage à une échelle véritablement médiévale, de tonnes de tapis et de montres pillés envoyés dans des entrepôts entiers en Russie , à propos de mères violées devant leurs enfants et de filles aux vagins déchirés - exactement comme dans certains copier-coller macabres que le monde a vus aujourd'hui dans les villes libérées de l'occupation russe - ce n'est pas un hasard si la Russie a célébré la victoire de la Seconde Guerre mondiale sous le slogan "Nous pouvons le répéter", qui était à l'opposé du "Plus jamais ça" européen "- ils peuvent, alors ils répètent, après tout, que tout l'empire tchékiste de Poutine est une grande reconstruction historique. Mais mon amie, comme tous les Allemands, développe un complexe de culpabilité envers les Russes et cherche, sinon une justification, une explication à leurs crimes en Europe en 1945. "Nous ne les avons pas mieux traités, dit-elle. Et les Ukrainiens n'ont pas attaqué la Russie, ils n'étaient pas seulement une "nation fraternelle" avec une histoire commune, écrivent-ils dans les manuels, alors pourquoi tout à coup ce nouvel Holocauste, ce sadisme de masse rampant, les ordres des commandants dans les conversations "foutre ... tous!" interceptées par le Service de sécurité ukrainien et l'appel de l'enfant à son papa: "Tuez tous les Ukrainiens dès que possible et rentrez chez vous"?

 

Fait intéressant, ce complexe ne s'applique pas aux Ukrainiens, bien qu'en 1941-44, l'Ukraine était sous l'occupation allemande, avec tous ses effets dévastateurs alors que seulement 10 % du territoire russe l'a été. En Russie, et donc dans la mémoire de la plupart des Russes contemporains, l'expérience de la Seconde Guerre mondiale s'inscrit parfaitement dans le paradigme d'une guerre victorieuse sur une terre étrangère.


Comme dans le cas de Mearsheimer, ces théories révèlent le besoin fondamental d'un homme occidental de rationaliser le mal, de prendre le point de vue de l'auteur, de comprendre ses motivations et ses objectifs, d'être comme les scolastiques "l'avocat du diable" - d'innombrables tentatives d'esprits cartésiens pour déchiffrer "ce que Poutine veut", c'est la scolastique néomoderne ! Tout revient à essayer de composer avec le mal, d'entrer en dialogue avec lui. Après tout, le dialogue est ce que la culture occidentale respire depuis 2500 ans, il est donc difficile pour les élèves de l'ancienne agora d'imaginer qu'à proximité, également depuis des siècles, il existe des cultures dans lesquelles les gens respirent sous l'eau et détestent banalement ceux qui ont des poumons au lieu de branchies.

 

On a du mal à comprendre que ce n'est pas forcément une aberration qui peut être éliminée par des "réformes démocratiques." Qu'un tel souffle sous-marin soit un monologue, un monologue total, allant verticalement de haut en bas et englobant paysage, architecture, langue et idéologie - ce sont les mêmes villes et rues, films et télévision, monuments identiques, de préférence "de Lisbonne à Vladivostok", une cellule de prison mondiale avec une hiérarchie stricte - que cela pourrait infecter des pays entiers. Que de "l'œuf" pendu de l'enclave par l'Union soviétique stalinienne, de la Corée du Nord, de tels "œufs" la Russie déposait pendant les 30 années qui ont suivi l'effondrement de l'Union soviétique,  sans entraves en Europe, puisse éclore depuis la Transnistrie et l'Abkhazie jusqu'aux "républiques du Donbass" - après trois générations, un modèle mûr et prêt du nouveau stalinisme à l'échelle (jusqu'à présent !) de l'ensemble de la Russie, avec la Biélorussie en plus. 

Boutcha n'est pas une exception, mais une régularité.

 

Boutcha après le retrait des Russes



Pourquoi un kagebiste n'est-il pas aussi effrayant qu'un officier de la Gestapo ?


La conscience occidentale est aveugle au totalitarisme russe pour des dizaines de raisons. La plus évidente, bien sûr, est la leçon non réalisée de l'URSS, et surtout le discours trompeur de la Seconde Guerre mondiale, qui attribue tous les crimes contre l'humanité par un accord secret au totalitarisme vaincu, alors que le vainqueur se renforce et s'enfle depuis près d'un demi-siècle sans jugement ni condamnation, et place à la tête de l'Etat un officier du KGB, l'organisation, depuis 1918, la plus ancienne de l'histoire moderne directement responsable des plus grands crimes contre l'humanité, ce qui n'a fait peur à personne en Occident comme aurait terrifié un officier de la Gestapo . Et personne, à ma connaissance, n'a pris en compte le fait qu'après quatre générations de terreur d'État, la société russe serait prête à accepter cela comme la norme, car quatre générations dépassent les limites de la mémoire vivante ("il a toujours été ainsi»), et qu'attendre d'une telle société sinon que cette « norme » en la personne du leader deviendra pour elle un modèle à suivre ?

 

Ni moralement ni intellectuellement, l'Occident n'était prêt à relever ce défi. La coopération d'après-guerre des élites occidentales avec le Kremlin n'a pas encore été pleinement élaborée. Sartre s'est avéré être un agent du KGB et Hemingway a été recruté par les Tchekistes en Espagne et l'ont finalement conduit à une psychose. De nombreuses histoires désagréables se sont également produites dans les départements d'études slaves des universités occidentales, et le gourou des slavistes américains, Suzanne Massie, 91 ans, auteur du best-seller "Land of the Censer Bird", dont Ronald Reagan et son successeurs ont appris à aimer la Russie, a obtenu la nationalité russe cet hiver, réalisant apparemment qu'il valait mieux passer le reste de sa vie dans son propre appartement à Saint-Pétersbourg que dans une cellule de prison pour haute trahison.

 

Mais ce ne sont là que des observations fragmentaires, et je ne vois toujours pas le tableau d'ensemble
de la dépravation constante de l'Occident par le Kremlin pendant des générations - comme
Katarina Maslova par Nekhlioudov dans la Résurrection de Tolstoï. Je ne parle pas seulement
des formes de coopération notées dans les archives du FSB qui ne nous sont pas accessibles,
mais de quelque chose de plus subtil - l'érosion durable dans la culture occidentale des
limites de ce qui est acceptable, un passage progressif de la rationalisation européenne à la
normalisation russe du mal.


Ce n'est pas un hasard si je mentionne Tolstoï. Il a noté la flexibilité de l'esprit humain qui sait comment élaborer l'autosatisfaction. Lorsque Katarina Maslova devient une prostituée, son image du monde change de sorte que violer des hommes pour de l'argent ne semble pas honorable, mais tout à fait normal. Il s'agit en fait d'une métaphore assez universelle pour toute la littérature russe, encore considérée comme européenne et humaniste - car Katarina Maslova a passé deux cents ans à élaborer l'image d'un monde dans lequel les criminels ne devraient pas être jugés, mais regrettés. Ayez pitié de lui, car "il n'y a pas de coupables dans le monde" (aussi Tolstoï !), chacun est prêt à tuer son voisin, c'est une question de prix.

 

Voici "l'humanisme en russe". Et si vous l'acceptez, félicitations, vous êtes prêt pour l'arrivée des troupes russes.

 

Tourgueniev a préparé les Russes pour Boutcha

 

Il est temps de regarder la littérature russe avec des yeux neufs, après tout, c'était en grande partie tissé un "filet de camouflage" pour les chars russes. J'ai étudié en URSS, où la littérature russe était une matière obligatoire dans les écoles. Je me souviens du choc de mon enfance, qui était l'histoire de Tourgueniev "Moumou". Un paysan esclave sourd, une bonne âme, tue la seule créature proche de lui, une femme fidèle, à la demande de son héritière. Cette histoire était censée évoquer la pitié pour le protagoniste et la haine de la mauvaise dame chez les enfants. Aujourd'hui, je reconnais les gens élevés dans cette école dans ceux qui maudissent Poutine et sympathisent avec les bons soldats russes qu'il a envoyés en Ukraine pour tuer à feu et à sang non seulement des chiennes, mais aussi toutes les créatures vivantes - les pauvres garçons, comme ils souffrent.

 

Quand et comment la littérature russe, cette " Katarina Maslova" effrontée, a-t-elle réussi à séduire l'Occident en se faisant passer pour une belle princesse emprisonnée par un régime cruel, et à l'infecter imperceptiblement de sa passivité infantile face au mal, se faisant passer pour la vertu (Rappelez-vous comment dans "Guerre et Paix" de Natasha Rostova, amoureuse follement de son fiancé, qui, en son absence, court docilement après le premier misérable qui l'a séduite, et combien l'auteur compatit ). Cette question devrait être affrontée par les russicistes professionnels.

 

Malheureusement, à quelques exceptions près, la plupart d'entre eux soutiennent le mythe de l'européanité de la culture russe, un mythe dans lequel s'intègre parfaitement un lieutenant-colonel du KGB qui parle couramment l'allemand et un invité du talk-show de CNN "Larry King Live". Cela a suffi à ce que les élites le reconnaissent comme "l'un des nôtres », au lieu de voir son héritage - les ventres entaillés des femmes enceintes dans la prison NKVD de Lvov en 1941 et les crânes brisés d'artistes et d'universitaires ukrainiens, de Kiev en 1918 au camp de Perm en 1985. Les exécutions actuelles d'intellectuels ukrainiens dans les villes occupées - c'est ainsi qu'est mort à Boutcha le traducteur de Tacite, Oleksandr Kyslyuk - elles sont une continuation simple et mécanique de ce que le KGB a fait en Ukraine alors que les générations vivantes en gardent le souvenir, mais peu en dehors de l'Ukraine s'en souciaient.

 

Le terrain de la victoire de Poutine sur l'Occident était préparé à l'avance. Lorsqu'en 1985, Milan Kundera publie l'essai "Introduction aux variations" dans la "New York Review of Books", dans lequel il sort la littérature russe des parenthèses de la culture européenne, expliquant pourquoi il ne digère pas Dostoïevski (le culte des émotions, mépris de la rationalité), Josif Brodski est parti au secours, sur le ton d'un politrouk expliquant "Pourquoi Kundera se trompe sur Dostoïevski" (sic !) et faisant taire son adversaire comme un robot agressif dans une discussion en ligne - personne ne voulait continuer un tel "dialogue ". Et pourtant, l'offensive de Poutine le 24 février était, on ne peut le dissimuler, de la pure « dostoïevchtchina » au sens de Kundera. C'est la seule façon de la comprendre - comme rejetant non seulement Descartes et Kant mais aussi Clausewitz, l'explosion du mal pur et distillé de la haine et la jalousie historiques longtemps réprimées ("pourquoi vivriez-vous mieux que nous ?", disaient les soldats russes aux Ukrainiens), alimentées par un sentiment d'impunité absolue.

 

Tout cela aurait pu être lu bien plus tôt, et pas seulement chez Dostoïevski, s'il n'y avait eu la séparation de la littérature russe de l'État russe - ou, comme il était écrit dans la charmante invitation aux Journées russes à Bruxelles, « de douloureux moments de l'histoire russe" depuis "la beauté de la littérature russe" - parce qu'il faut honnêtement admettre que la littérature est le corps du corps de la société pour laquelle et sur laquelle elle est écrite. Que ceux qui ont violé un garçon de 11 ans à Boutcha et attaché sa mère à une chaise pour qu'elle puisse le regarder, étaient les mêmes héros de la grande littérature russe - des Russes ordinaires, tout comme il y a cent et deux cents ans. Et que cette littérature est responsable de ce qu'ils sont devenus.

 

Qui a été massacré par l'amant d'Anna Karénine

 

Nous nous souvenons tous qu'Anna Karénine s'est jetée devant le train, mais presque personne que son amant désespéré irait combattre dans le Caucase, c'est-à-dire pour fournir aux peuples là-bas la même chose que les officiers de Poutine aujourd'hui aux Ukrainiens. Naturellement, le lecteur sympathise avec Vronsky, et non par hasard avec les peuples du Caucase avec lesquels il part en guerre. Cette optique de "l'empathie sélective" fait partie intégrante de l'impérialisme russe, et donc de la littérature russe, qui en a toujours bénéficié. Eva M. Thompson en a écrit un peu ("Imperial knowledge: Russian Literature and Colonialism", Westport London 2000) et récemment Ewa Berard-Zarzycka ("La culture russe et l'invasion de l'Ukraine"). Un peu sur les huit dernières années de notre guerre (car, je vous le rappelle, la guerre a commencé en 2014, et le 24 février, 2022 elle est entré" dans une nouvelle phase) je l'ai écrit aussi.

 

Peut-être que si sur la carte culturelle des langues slaves, Brodsky et toute sa meute russe n'avaient pas essayé de couvrir Kundera de cris (et d'autres "non-Russes"), les experts occidentaux ne seraient pas dans un tel pétrin maintenant, affirmant dans un premier temps que Poutine "est trop intelligent" pour attaquer l'Ukraine parce que c'est complètement irrationnel, et quand l'attaque a eu lieu, ils ont donné aux Ukrainiens qui se défendaient, un maximum de 96 heures, car comment peut-elle (Ukraine),ce "trou du cul du monde de Russie", faire face à un tel géant ? Jusqu'à présent, je n'ai rencontré qu'un seul slaviste européen qui, en 2014, choqué par le visage néo-orwellien alors révélé de Moscou, a demandé pardon aux Ukrainiens d'avoir regardé Kyiv "à travers des lunettes russes" toute sa vie, comme "la troisième ville de l'Empire russe" - qu'il n'a pas vu la capitale d'une culture millénaire, envers laquelle l'Empire russe avait la même attitude que l'armée russe envers Bucha - volez ce que vous pouvez, détruisez ce que vous ne pouvez pas voler.

 

Il y a une chance que de telles personnes éclairées viennent à nous maintenant. Parce que les livres ouvrent toujours la voie aux bombes et aux chars, et aujourd'hui nous avons vu comment le sort de centaines de millions de personnes est déterminé par le choix de lecture. Il est temps pour nous de fouiller dans nos étagères.

Essai initialement publié dans « Times Literary Supplement »

 

Oksana Zaboujko – née en 1960, écrivain, poète, essayiste, philosophe de formation. En Pologne, ses romans "Field Research on Ukrainian Sex" - désormais réédités dans une nouvelle reliure - et "Museum of Abandoned Secrets" et un recueil d'interviews "Ukrainian palimpsest". Conversations entre Oksana Zaboujko et Iza Chruślińska" ont été publiés. Le livre d'essai "Planeta Piołun" vient d'être publié par Agora

La haute culture russe, de la littérature à la musique en passant par l'architecture, a été empruntée à l'Occident

 

Gazeta Wyborcza magazine Wolna sobota 21.04.2022


Maxime Levada - né en 1964, archéologue, diplômé de l'Université de Kiev, spécialiste de la période romaine et de la migration des peuples en Europe de l'Est, ancien conseiller du ministre de la Culture d'Ukraine Bohdan Stoupka. Auteur de nombreux articles sur les armes de la culture de Tchernihiv et d'études sur les découvertes de la période de migration des peuples d'Ukraine. Un expert dans le domaine de la soi-disant archéologie noire (illégale). Petit-fils d'Oleksandr Levada (1909-95), dramaturge et scénariste, et neveu de Youri Levada, sociologue, fondateur et directeur de longue date du Centre Levada à Moscou.


Mon ami et collègue, un archéologue russe, a écrit : "Tous les Ukrainiens doivent être détruits"

 

Maxim Levada : Dix, vingt ans. Nous chercherons ceux de Boutcha tant qu'il faudra.



Grand signe 'Z'  sur un immeuble à Moscou



Quarante-quatrième jour de guerre

Mémoire collective

 

Enfant, on jouait à la guerre dans la cour. Un groupe de garçons armés de bâtons et de jouets militaires se rassemblé et commençait à se diviser. Ce fut un processus long, bruyant et difficile. On était divisés en "nous" et "Allemands". Personne ne voulait être allemand : « Pourquoi moi ? Je l'ai été la dernière fois. Je ne le ferai pas !". Du bruit, des cris, des querelles, des insultes. Puis, lorsqu'on s’est séparé en deux groupes, on commençait à "se battre". Au bout de cinq ou dix minutes, les « Allemands » ont commencé à crier : « Assez, maintenant vous serez des Allemands ! Notre cri retentit à nouveau dans la cour.

 

Nous étions trop jeunes pour connaître les horreurs de cette guerre. Les grands-pères et les grands-mères ne nous ont pas parlé de la vraie guerre. On la connaissait un peu grâce aux films, aux livres pour enfants, mais ce n'était pas une vraie guerre. Personne ne nous a parlé des Allemands, et personne ne les a vus. Néanmoins, tous ont catégoriquement refusé de l'être. C'était une mémoire collective, inconsciente, indépendante de l'idéologie soviétique. La mémoire de l'ennemi plus que la guerre.

 

Cette conception soviétique de la guerre a disparu avec l'Union soviétique. Dans les nouvelles générations d'enfants, leurs propres jeux de guerre sont apparus. Maintenant, nous avons notre propre guerre, pas à partir de films ou de livres. Maintenant, tout le monde, enfants et adultes, a bien compris ce qu'est le nazisme - c'est le massacre de Boutcha. Nous avons donc notre propre mémoire collective, complètement différente.

 

L'horreur du début de la guerre est passée, la peur a considérablement diminué. Les gens sont habitués à voir la guerre comme une réalité. Après Boutcha, un nouveau sentiment est apparu - un désir de vengeance.

 

La vengeance est un sentiment très fort, encore plus fort que l'amour. L'amour peut malheureusement passer et le sentiment de vengeance non satisfaite ne s'en va jamais. C'est pourquoi la vengeance suscite des émotions si fortes et que la satisfaire engendre l'extase.

 

Des dizaines, des centaines de personnes, hommes et femmes, ceux qui avaient des parents et des connaissances à Boutcha, et ceux qui n'y connaissaient personne, tous promettent publiquement de se venger. Ils écrivent qu'ils chercheront des unités punitives de Boutcha aussi longtemps que cela prendra, dix, vingt ans, toute leur vie. Quelqu'un promet de se venger de sa famille, de sa femme, de ses enfants, de ses parents. Ils disent que chaque membre des familles de ces unités et maraudeurs devrait ressentir ce que les habitants sans défense de Boutcha ont vécu.

 

Toutes les divisions, leurs commandants, jusqu'aux officiers subalternes sont déjà connus. Les noms et adresses de tous les soldats qui s'y trouvaient seront bientôt connus ; les pirates ont fait irruption dans la base de données de l'armée russe.

 

Ils chercheront combien de temps cela prendra, dix, vingt ans, toute une vie. Des dizaines, des centaines, voire des milliers de personnes. Ceux qui avaient de la famille à Boutcha et ceux qui n'y connaissaient personne. Une nouvelle mémoire collective, pour de nombreuses générations, s'est constituée en un instant. Jusqu'à ce que le dernier tortionnaire soit retrouvé.

 

Quarante-cinquième jour de la guerre

 

Cette année, ce sera un printemps extraordinaire, tout fleurira d'un coup ! Il n'y a pas eu d'alarmes anti-aériennes la nuit dernière, pas une seule. Mais maintenant elles sont de retour. Mais Kiev a survécu 24 heures sur 24 sans bombardement, pour la première fois depuis le début de la guerre !

 

La conviction que tout cela prendra beaucoup de temps devient de plus en plus forte. Seuls quelques-uns discutent d'un "mauvais" ou d'un "bon" traité de paix, on dit de plus en plus qu'il sera réglé sur le champ de bataille. Plus important encore, non seulement les politiciens le disent, mais aussi les soldats eux-mêmes.

 

De nombreux soldats russophones servent dans l'armée ukrainienne, moins de la moitié, mais beaucoup. Ceux qui parlent ukrainien et ceux qui parlent russe se battent côte à côte. Cela ne cause aucun problème ou conflit. Des discussions sur la langue apparaissent à mesure que vous vous éloignez des lignes de front. Plus on avance, plus la haine de la "langue de l'occupant" et de sa culture grandit. Dans l'armée, en revanche, la langue russe ne pose aucun problème.

 

Je pensais que les soldats ukrainiens parlant l'ukrainien étaient aussi un produit de la culture russe ! Il en va de même pour les volontaires russophones, qui sont également nombreux. Je me souviens aussi des citoyens de la Fédération de Russie qui combattent dans leur propre bataillon contre l'armée de leur propre pays. Et des réfugiés, des politiciens, des journalistes et des militants sociaux qui aident l'Ukraine. Et de ces désespérés et solitaires qui risquent de dire la vérité sur la Russie.

 

Comment se fait-il que certains russophones soient « pour » et d'autres « contre » ? Ce n'est pas une guerre civile ou politique, j'en suis sûr. Ce sont des visions du monde, radicalement différentes.

 

Petersburg, znak poparcia dla wojny

Saint-Pétersbourg, signe de soutien à la guerre


Après la libération de la région de Kiev, des crimes inhumains, sur lesquels il est même terrible d'écrire, ont été révélés. Les occupants ont attaché la mère à une chaise pour la regarder violer son fils de onze ans. Plusieurs hommes sains et forts ont violé l'enfant. Mais ils ne l'ont pas seulement intimidé, ce n'était pas seulement de la luxure - ils torturaient la mère ! Quelle mère peut gérer quelque chose comme ça ? Ils ne l'ont fait que pour leur propre amusement.

 

Des soldats ukrainiens russophones contre des sadiques Russes parlant le russe. Qu'est-ce qui a façonné ces personnes ? Y a-t-il une place pour la culture russe dans ce contraste ?

 

Le fait que le monde ne connaisse que la haute culture russe est un phénomène plutôt secondaire. Dès le début du XIXe siècle, peut-être un peu plus tôt, toutes les expressions de la culture russe - dans la littérature, la musique, la peinture, l'architecture - ont été empruntées à l'Occident. Avec un peu de retard, avec une certaine saveur nationale, ils sont devenus partie intégrante de la culture occidentale. Ainsi, la haute culture russe était comprise et appréciée dans le monde entier.

 

Cependant, il ne se réfère pas au peuple russe, qui adapte des thèmes et des formes, mais pas des idées, et surtout des idéaux. L'humanisme et le non-conformisme sont complètement incompréhensibles pour cette nation, et plus encore - hostiles. La culture du peuple russe, qui a influencé les voisins, est le "mat russe", c'est-à-dire un ensemble de malédictions, sales, obscènes. Dans cette nation, une personne n'est pas formée selon des règles, mais par les circonstances et les instincts de la vie : faire taire, voler, ramasser, battre, violer, tuer "Ayez peur du fort, brutalisez le faible. Cela ne peut en aucun cas être qualifié de haute culture. C'est la culture de la foule formée par l'État ou qui l'a façonné, quel que soit l'original."

 

Il existe des civilisations distinctes. L'Occident est très différent de l'Orient. Le monde arabe a sa propre haute culture, pas toujours compréhensible pour nous. La Chine a sa propre qui déroute. Ils (Chinois) ont leur propre musique, philosophie et littérature. Le peuple russe n'a pas de culture propre. C'est étrange et inexplicable - il ne semble pas en avoir besoin.

 

C'est pourquoi j'en suis venu à la conclusion aujourd'hui que le peuple russe est en guerre contre la culture russe ! Ou que c'est une guerre de la mentalité russe contre la culture russe.

 

PS Un ami de Saint-Pétersbourg a répondu avec ce commentaire: 

"Maxime, tu as fait un croquis de la situation à la veille de 1917."

 

Je n'y ai pas pensé et j'ai été découragé. J'ai décidé de lire les journaux et les mémoires sur les événements de ces années-là pour comparer mes impressions. Je lui ai répondu ainsi :

 

« Krill, c'est possible ! Il y eut d'abord une culture exclusivement noble, puis une culture plébéienne, mais la « nation » n'avait aucun rapport avec elle. Plus tard, lorsque "l'alphabétisation universelle" a commencé, il y avait le principe de classe, du viol et de la destruction, et CETTE culture ne fonctionnait plus. Il s'est avéré que la nation avait toujours été séparée de CETTE culture, unie par la loi du servage, l'Église, la violence de l'État, mais pas par la culture. »

 

Quarante-huitième jour de guerre

Histoire des Slaves

 

Ce texte est destiné uniquement à la version polonaise de mes notes - il sera totalement incompréhensible pour le lecteur russe.

 

Tout au long de ma jeunesse soviétique, on m'a enseigné la théorie du berceau des peuples slaves. Les Russes, les Biélorusses et les Ukrainiens sont issus de la Rus’ de Kiev. Les Russes se considéraient comme des frères aînés, tous les autres étaient mineurs. Les Tchèques, les Slovaques, les Polonais et tous les autres Slaves n'avaient en quelque sorte aucun lien avec ce berceau. Il n'y en avait aucun dans les manuels scolaires, ils n'apparaissaient que dans le contexte des pays socialistes, et dans les universités il y avait une conférence "Histoire des Slaves occidentaux".

 

L'idée de trois nations fraternelles, ou le concept d'une nation russe en trois parties, est née sous Pierre Ier pour justifier les revendications contre les territoires voisins. Ses racines doivent encore être recherchées à l'époque d'Ivan le Terrible, lorsque Moscou a commencé à revendiquer le nom de Rus’.

 

Toute cette structure a été maintenue avec succès jusqu'à l'effondrement de l'URSS, et récemment elle a été modifiée en Russie selon la thèse qu'il n'y a pas du tout d'Ukrainiens et qu'il n'y a qu'une seule nation russe. Il est vrai que les Biélorusses n'y sont pas encore inclus, mais c'est plutôt une question de temps.

 

Le 24 février, le gouvernement russe a annoncé qu'il libérerait le peuple ukrainien des nazis. En conséquence, des milliers d'enfants, de femmes et de vieillards innocents sont déjà morts aux mains des libérateurs, et il a été décidé de les libérer, à en juger par ces déclarations. Comme il s'est avéré qu'aucun de nous ne voulait "se libérer", l'idée a été immédiatement changée. Selon des rapports récents, il ne s'agit plus de la libération de la nation, mais de la guerre avec les États-Unis. Personne en Russie ne mentionne (ou sait) que les États-Unis sont situés à l'autre bout du monde.

 

Fait intéressant, selon les prisonniers de guerre et les documents des tués, on peut voir que cette "nation fraternelle russe" se compose principalement d'habitants de Touva, du Daghestan, de Tchétchénie, de Bouriatie et d'autres, dont la relation avec les Slaves est, pour dire modérément, peu convaincant, c'est une nation de sadiques et de violeurs.

 

Néanmoins, le terme même de « nations sœurs » prend aujourd'hui un tout nouveau sens. Des millions de femmes et d'enfants ukrainiens ont trouvé refuge et reçu l'hospitalité en Pologne. Des millions de Polonais collectent de l'argent, des vêtements et des médicaments pour soutenir l'Ukraine.

 

Nous croyons tous en notre victoire. Il est clair pour chaque Ukrainien que les Polonais ont accompli une grande action en nous prêtant main-forte en cette période terrible. C'est ainsi que de véritables nations sœurs, polonaise et ukrainienne, se créent sous nos yeux.

 

Notre poète Taras Chevtchenko est un héros national et un symbole du pays pour chaque Ukrainien. C'est dans ses poèmes qu'il définit intuitivement la mentalité ukrainienne, et les Ukrainiens qui lui sont reconnaissants se sentent une nation et cessent d'être des "Petis Russiens".

 

En 1847, Taras Chevtchenko a écrit le poème "Aux Polonais", dont la fin est:

 

Serre ta main au Cosaque

Et donne-lui un cœur sincère,

Aide, frère, l'exilé,

A restaurer le paradis tranquille d'antan !

(Traduction polonaise anonyme, 1918)


От-так-то, Ляше, друже-брате!
Неситиї ксёндзи, магнати
Нас порізнили, розвели,
А ми б і досі так жили!
Подай же руку козакові,
І серце чистеє [4] подай,
І знову именем Христовим
Возобновим наш тихий рай!

Gloire aux héros !