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dimanche 29 novembre 2015

Wrocław. Vieille Ville intra-muros



Vratislavie (Bressla): Chronique du monde d'Anton Koberger (Nuremberg 1493)




Panorama de la ville au XVIIe siècle



La visite à pied de cet ensemble peut prendre 1 à 2 voire 3 journées en fonction de vos intérêts et de votre forme physique. Une option à vélo est possible car la municipalité a crée le système de location (Wrocławski Rower Miejski ou WRM : https://wroclawskirower.pl/en) qui propose plus de 70 stations à travers la ville. Mais il existe aussi d'autres points de location privés comme par exemple le Bike-Café, ouvert de 9h à 1h du matin (ulica świętego Antoniego 8) dans le Quartier des quatre temples            (http://dzielnica4wyznan.info.pl/bike-cafe/).


La numérotation dans les rues de la Vieille-Ville peut vous dérouter car elle fonctionne comme l'écriture boustrophédon, un système qui change alternativement le sens du tracé ligne après ligne, à la manière du bœuf marquant les sillons dans un champ, allant de droite à gauche puis de gauche à droite. Donc les numéros se suivent sur le même trottoir qu'ils soient pairs ou impairs jusqu'au bout puis en reviennent sur le trottoir opposé.



Le plan de la ville après la démolition des fortifications





Vratislavie perdit ses fortifications suite à sa prise par les troupes napoléoniennes. C’est lors de la campagne d’hiver en Pologne que Napoléon rencontra le 1er janvier 1807 à Varsovie, la comtesse Marie Walewska venue acclamer l'Empereur avec ses compatriotes (l’idylle donna naissance à un fils, reconnu par le mari cocu, qui allait jouer un rôle politique en France). Pendant ce temps-là un corps d’armée, commandé par le prince Jérôme et le général Vandamme et composé de soldats bavarois, wurtembergeois et polonais, assiégeait la ville depuis le 6 décembre. Défendue par le général Thile qui commandait une garnison composée aussi de Polonais de Posnanie en grande partie (!), elle capitula le 5 janvier et le frère de l’Empereur ordonna la destruction de l’enceinte qui garde encore quelques traces. Les fossés municipaux malgré quelques modifications postérieures reprennent cette frontière à l’intérieur de laquelle tout peut se visiter à pied. La décision française créa un espace vide et permit le développement postérieur de la ville (de la taille de Strasbourg à l'époque), au-delà de cette ligne, vers les faubourgs qui avaient été détruits par les bombes incendiaires sur l’ordre du général prussien afin de dégager un espace de tir libre avant le siège. Le long du fossé, à la place des murs, on a créé une ceinture verte, une agréable promenade qui peut être parcourue aussi à vélo.



                                                       L'itinéraire sur la carte ne correspond pas à celui proposé ci-dessous


Le Rynek

La place centrale de ce riche ensemble historique et architectural est le Rynek dont le nom, en usage depuis 1350, découle de l’allemand Ring (anneau). Il s’agit d’un rectangle de 207 sur 172 mètres (c’est la 2e place du marché en Pologne après celle de Cracovie) qui communique au sud-ouest, avec une autre place, le Marché au sel (Plac Solny) et au nord-ouest avec l’esplanade de l’église sainte Élisabeth à laquelle on accède par le portail bordé de deux petites maisons, Jaś et Małgosia (Jeannot et Margot), datant du XVe (le nom actuel a été donné par les nouveaux venus polonais car elles leur évoquaient le conte de Grimm). Les maisonnettes transformées au XVIe et appartenaient aux altaristes de l’église (membres du bas clergé, attachés au service de culte dans les autels latéraux) devant laquelle se situait un cimetière. Le portail baroque le rappelle avec l’inscription en latin Mors Ianua Vitae (la mort est la porte de la vie).


 Angle nord-ouest de la place avec les maisonnettes devant l'église sainte Élisabeth. 1870-79



1927-1933.La maison d'angle (côté ouest) a été remplacée par le magasin Ludwig Wittemberg & Co. La maisonnette d'altaristes à gauche a perdu sa voisine.


 Jaś et Małgosia 1945-1955


 1969-1975


La maisonnette Jaś fut l'atelier du graphiste et sculpteur, Eugeniusz Get-Stankiewicz qui l'avait restaurée contre un loyer symbolique d'un grosz (centime de zloty). Elle est devenu la Maison du graveur sur cuivre. Sa sœur, Małgosia, est devenue le siège de l'Association des amis de Vratislavie (à l'intérieur un pub et un restaurant). Sur un des murs du côté de l'église vous pouvez observer un bas-relief représentant un crucifix décomposé en Christ, une croix vide, un marteau et trois clous et une inscription « Fais-le toi-même ». 



Derrière les maisonnettes, on a dressé, après la réunification de l'Allemagne, un monument en l'honneur de Dietrich Bonhoeffer, pasteur luthérien, originaire de la ville et grande figure de l'opposition aux nazis, assassiné dans le camp de concentration de Flossenbürg. C'est une réplique de celui qui a été dressé à Berlin, devant l'église de Sion, après la chute du Mur. Son auteur, Karl Biedermann, a été l'opposant dans la RDA dont les autorités avaient refusé la sculpture. Sa sculpture ici est tout un symbole de la réconciliation germano-polonaise.

Le Rynek est le cœur battant de la ville, lieu de sortie, de rencontre, de toutes sortes de manifestations. Un nœud de communication jusqu’aux années 1970, (les tramways y circulaient), rendu par la suite aux piétions et cyclistes, il propose des services administratifs, culturels, commerciaux, bancaires, postaux, et touristiques. On y trouve des cafés, brasseries et restaurants qui possèdent des jardins à l’air libre. Souvent animé voire bruyant c’est un point d’observation de Vratislaviens et de nombreux touristes dont la majorité vient des pays germaniques (certains ont des liens familiaux avec la Breslau allemande).





Plan de la place en 1275



Le Rynek (Ringk sur le document): 1562

Au Moyen âge s'y tenaient les différents marchés: aux Poissons (devant l'ancienne entrée de l'Hôtel de ville, à l'est), à la Laine où l'on stockait aussi des marchandises en transit et organisait les foires (à l'ouest), aux Gourmandises (au nord) où l'on vendait des fruits et sucreries mais aussi de la coutellerie, de la viande, du pain et de la graisse animale. A l'est se tenaient aussi les étals de gantiers, chapeliers, faiseurs de peignes et marchands de gibier. Au XVIe siècle le passage entre les halles aux draps fut couvert (aujourd'hui le Nouvel Hôtel de ville qui occupe aussi l'emplacement de la Maison de la Petite balance transformée ensuite en Maison des marchands de toile). 


Situation en 1800




A la fin du XVIIIe on construisit, devant l'actuelle entrée de l'Hôtel de ville, le bâtiment des vigiles (Hauptwache). Il fut détruit en1861 pour céder la place à la statue du roi Frédéric-Guillaume III (actuellement la statue d'Alexaner Fredro. Plus vers le nord-ouest, à l'emplacement de la Maison de la Grande balance (marché aux Poissons) se dressait à partir de 1847 la statue du grand Fritz (Frédéric II, cf. l'illustration). La statue fut cachée en 1944 dans la digue d'Osobowice (arrondissement de Psie Pole, Champ de chien en polonais) où elle survécut au siège de Breslau. Mais en 1947 elle fut victime de trois employés d'une coopérative qui s'occupait de la collecte de métaux. Ils vendirent la statue à une fonderie de cloches pour la valeur d'une tonne et demi de sucre (matière rationnée à l'époque et nécessaire pour fabriquer du tord-boyaux maison).



Vue de la place en 1915 (au fond le magasin des frères Barasch avec le globe détruit par la foudre plus tard)




Durant le XIXe siècle et jusqu’aux années 1930, la place perdit la moitié de ses vieilles maisons bourgeoises au profit des constructions modernes dont le nouvel Hôtel de ville dans le style néo-gothique, le grand magasin des frères Barasch (Warenhaus Gebrüder Barasch), appelé par les habitants «cathédrale du commerce» dans le style Sécession (magasin Feniks actuellement) sur le côté oriental ou le bâtiment moderne construit en 1931 pour la Caisse communale d'épargne (actuellement Bank Zachodni WBK SA) à l'angle donnant sur la Place au sel (sud-ouest). 


 Angle sud-ouest de la place (au fond l'immeuble de la Caisse d'épargne construit en 1931)


Ce dernier bâtiment de l'architecte Heinrich Rump fut à l'époque l'objet de beaucoup de controverses. Il choquait par son modernisme. Épargné lors du siège, il a conservé un ascenseur original appelé «paternoster».
Le nom lui vient de la prière qui s'effectue sur un chapelet. Il se compose d'une chaîne de cabines ouvertes dans lesquelles les passagers montent ou descendent sans que l'ascenseur s'arrête. Une fois arrivée en haut de la chaîne, chaque cabine redescend jusqu'en bas pour reprendre son ascension, sans fin dans un mouvement assez lent. Les paternoster ont été inventés en Angleterre et se sont répandus dans toute l'Europe, plus particulièrement en Europe centrale. Leur succès était dû, à l'origine, au fait qu'ils transportaient plus de personnes par unité de temps que les ascenseurs classiques. Malgré la faible vitesse (0,30 – 0,40 m/s) les ascenseurs connaissaient un taux important d'accidents. En Europe centrale, il y a cependant une tendance à les conserver en tant que monuments historiques. On en trouve à Prague dans le bâtiment de la Maison de la radio ainsi que dans l'immeuble Lucerna, au siège de la banque Komerční banka (KB) et au ministère de l'Industrie. On en trouve également un qui semble être toujours en fonction dans l'édifice abritant la mairie et la bibliothèque de l’université à Vienne. De même, il en resterait environ 350 en Allemagne. On les trouve aussi en Suisse par exemple dans le bâtiment du conservatoire de Lausanne et un autre, en fonction, dans le grand magasin Manor, à Genève (réservé aux employés), ainsi que dans le magasin de sport Vaucher dans le centre-ville de Berne.

Aujourd'hui l'ascenseur est interdit pour la question de sécurité mais il fonctionne comme encore quelques-uns en Pologne et qui sont considérés comme monuments historiques. 





L'hôtel de ville (au fond la maison détruite pour la construction de l'immeuble de la Caisse d'épargne)






Hôtel de ville

La visite peut commencer par l’ancien Hôtel de ville (Ratusz de l’allemand, Rathaus). Sa construction commença au XIIe et se termina au XVIe. C’est un bel exemple de l’architecture civile du gothique tardif. Le bâtiment subit plusieurs transformations jusqu’au XIXe siècle. Les travaux de restauration se sont étalés depuis la fin du XIXe jusqu’au début du XXIe. Il fut relativement épargné en 1945 et les autorités polonaises achevèrent sa remise en état en 1953 tout en revenant partiellement aux éléments originels. Il devint le symbole de la ville des Piast, «recouvrée» par la Pologne, selon la propagande communiste (cf. Histoire de la ville).

Il est bâti sur le plan rectangulaire, à deux niveaux avec les caves à voûte d’ogives en berceau. Sa toiture en tuile est embellie, par endroit, de heaumes en cuivre. La façade orientale est la plus riche en décor : porte avec le tympan sur lequel figurent les armoiries de la ville (la tête de Jean-Baptiste), des Piast (aigle) et de la Bohême (lion couronné d’or), fenêtres rectangulaires, en arc brisé, avant-corps à gauche (correspondant à la Salle du trésor), oriel de la Chapelle ducale, trois pignons dont le central avec les pinacles, horloge astronomique datant de 1580. Les balustrades de l’entrée présentent les bas-reliefs sur lesquels figurent les symboles allégoriques du pouvoir urbain. Sur celui de gauche on peut lire «Ich bin ein foytknecht»(je suis le serf du vogt, bailli) et «wer nicht recht tut den fur ich vor recht» (qui ne fait pas la chose légale je le conduis devant la justice). Sur la copie (original dans la Grande Salle) à droite on peut voir un chevalier, armé d’épée et de lance, au-dessous duquel une inscription annonce: «Ich bin des foyts gewapnet man» (je suis l’homme d’armes du vogt) et «wer (mich anfaßt) der muß ein swert han» [qui (me touche) doit avoir une épée]. Cette figure pose problème d’interprétation car le conseil de la cité faisant fonction de vogt n’avait pas le droit d’embaucher un chevalier noble. Jetez un coup-d'œil sur la copie du pilori gothique (1492) qui symbolise la fonction de justice qui se faisait sur cette partie de la place, à ciel ouvert, jusqu'au XIVe siècle puis dans la salle du vogt dans l'Hôtel de ville. Détruit en 1945 et démonté en 1947, ses fragments sont exposés au Musée de l'architecture.


                         L'entrée à la cave, façade méridionale de l'hôtel de ville

La façade méridionale qui permet d’accéder à la cave de Świdnica (Cellario civitatis, puis Cellario Schwidnicensi d’où le nom allemand Keller), connue pour avoir servi dès le XIVe s. la bière brune à base d'orge fabriquée dans la ville du même nom, mais aussi d’autres bières silésiennes et celles de Bohême. En 1519, à cause de la difficulté d’accès, on installa en face une brasserie qui communiquait par un tunnel avec la cave. Les tonneaux pouvaient y être roulés jusqu’au lieu de consommation.

Dans la seconde moitié du XVIe la bière à base de blé brassée à Vratislavie appelée Schöps (Mouton) commença à évincer la précédente. A partir du XVIIIe on faisait venir la boisson d’origine allemande, anglaise et suédoise.

Selon la chronique de la cave de 1731, il y était interdit de jouer aux cartes, jurer, fumer du tabac ou se produire avec un instrument. La musique n’y était jouée que le mardi et le vendredi. Une cloche dite du sot était suspendue sonnait trois fois pour rappeler au maladroit qu’il devait payer la chope en verre cassée. Dans les niches près de l’escalier s’installaient des vendeuses de petits pains et saucisses chaudes à la moutarde.

Le proverbe allemand “Wer nicht im Schweidnitzer Keller war, ist nicht in Breslau gewesen!” (Qui n’a pas été dans la cave de Świdnica, n’a pas été à Vratislavie) en dit long de l’importance de ce lieu. Parmi ses grands hôtes on peut citer: l’empereur Sigismond de Luxembourg, Goethe, Chopin, l’empereur Guillaume Ier ou Bismarck (voir la liste sur une plaque en cuivre). Avant la guerre, 110 personnes dont 45 serveurs et 8 cuisiniers travaillaient dans cette institution qui pouvait recevoir 700 clients à la fois. Aujourd'hui c'est un établissement renommé qui peut, sur commande, vous servir du Mouton blanc pour accompagner les plats polonais variés. Y manger est peut-être la meilleure façon de visiter la cave qui se vante d'être le plus ancien restaurant d'Europe avec la date de 1273.




                                                  Le hall d'entrée de la cave-brasserie en 1941


                           

Même si la cave n’a pas subi de destruction en 1945, elle est restée fermée jusqu’en 1960, l’équipement ayant été dévasté ou volé par les nouveaux arrivants polonais. Rénovée, elle a été ouverte et transformée en club de la jeunesse laborieuse avec un bar, une salle de billard et de cinéma. Dans les années 1970 la jeunesse laborieuse et étudiante y venait pour une discothèque qui se terminait parfois par des bagarres entre les deux catégories de jeunes gens ou des groupes d’adolescents de quartiers rivaux.


Elle a retrouvé son état et sa fonction anciens après les travaux de restauration en 2002 : 1700 m2 au total dont 900 m2 des 9 salles pour les clients. Elles portent les noms de ceux à qui elles étaient destinées : des échevins, des conseillers, des bourgeois, paysanne, de la Hanse et autres.


                                                Le plan de 1941




                                                      Schéma actuel
 1 - Hall d'entrée, 1 - Salle paysanne, 3 - Salle des échevins, 4 - Salle de la Hanse, 5 - Salle des conseillers, 6 - Salle ducale, 7 - Tonneau, 8 - Auberge, 9 - Prison, 10 - Salle bourgeoise




Les deux avant-corps de la façade méridionale sont surmontés d'oriels. Celui de la cave est le plus riche en décor, deux figures datant du XIXe et complétées lors de la dernière restauration représentent le soûlard (à gauche) et sa femme furieuse l'attendant avec un soulier à la main (à droite). Il s'agit de copies de l’œuvre du sculpteur vratislavien, Christian Behrens (1852-1905) qui réalisa 6 sur 10 statues de la façade ainsi que d'autres, ailleurs.

En levant les yeux vous pouvez observer que, de la pointe du heaume en cuivre sortent trois branches dénudées et terminées par quatre glands de chêne, chacune. Ces fruits sont l'évocation de la légende qui remonte à l'époque païenne.

Les populations celtiques et slaves qui vivaient dans la région (cf. le chapitre Histoire de la ville) vénéraient en cet endroit un bosquet de chênes. Lorsque la cité insulaire devint le siège de l'évêché, les autorités ecclésiastiques ordonnèrent la destruction des arbres sacrés sur la rive gauche de l'Oder. Les prêtres du culte païen annoncèrent les foudres et orages destructeurs. Et en effet pendant longtemps la nouvelle cité, fondée sur cette rive, subit de nombreuses incendies, peste et invasions (germaniques, tchèques et tatare). Les croyances populaires évoquaient encore au XIIIe siècle l'oracle païen et les échevins, après l'achèvement de l'étage et de la nouvelle toiture, décidèrent de choisir les 12 glands (nombre d'arbres abattus) comme leur symbole afin de protéger la cité d'autres catastrophes.

L'entrée actuelle, au département du Musée communal, consacré à l'art bourgeois, se trouve du côté occidental. Sa façade symétrique à celle de l'Est est ornée d'un portail baroque. N'hésitez pas à monter quelques marches et pénétrez dans le décor médiéval pour visitez les salles voûtées en contre-bas, au rez-de-chaussée et à l'étage. En descendant les salles aux noms évocateurs (nid de cigogne, cuisine froide, sacoche vide, méfie-toi etc) servaient de prison. En remontant au rez-de-chaussée élevé vous parcourrez la Grande salle du conseil, la chancellerie du conseil, la salle du tribunal, la salle des bourgeois, la salle du vogt (bailli), la chancellerie du vogt. Elles sont destinées aux expositions permanentes et temporaires (artisanat, célèbres vratislaviens, histoire de l'hôtel de ville). Un escalier transformé au XIXe mène à l'étage où se trouvent la salle des échevins, leur chancellerie, la salle ducale (ex-chapelle), la Grande Salle (ex-réfectoire), la salle du trésor et la salle du doyen des échevins.


Les heures d'ouverture du musée: du mercredi au samedi de 10h à 17h et le dimanche de 10h à 18h.


En sortant du bâtiment vous vous dirigerez en face pour jeter un coup-d'œil sur les belles demeures bourgeoises. Sur votre chemin se dresse le monument d’Alexander Fredro.

Fils d'un propriétaire galicien, né en 1793 et éduqué dans le manoir familial près de Jarosław (au sud-est de la Pologne) par des précepteurs. Son éducation se fit surtout en français, puis en polonais, en allemand et en latin. Après la mort de sa mère la famille déménagea à Léopol. Le comte Fredro s'engagea à 16 ans dans l'armée du Grand-Duché de Varsovie et combattit dans la Grande Armée napoléonienne jusqu'à la prise de Moscou. Membre de l'état-majeur de Napoléon, il suivit l'empereur jusqu'à sa défaite en 1815. Puis il revint en Galicie où il vécut dans son domaine familial à Bieńkowa Wisznia (Ukraine occidentale aujourd'hui). Il s'installa à Léopol en 1846 et devint membre du conseil de la ville, pendant la période révolutionnaire en Galicie en 1848. Il s'exila ensuite en France, jusqu'en 1855. Il écrivit des pièces et des comédies, décrivant souvent avec humour les situations politiques de l'époque, ses personnages étant entrés dans les consciences polonaises. Il est considéré aujourd'hui comme le Molière polonais. Seules sont disponibles en français actuellement : L'Empoignade (L’Âge d'Homme, 1990) et Mémoire : Sans queue ni tête, traduit par Élisabeth Destrée-Van Wilder (Noir sur Blanc, 1992). Il mourut à Léopol en 1876 et enterré dans l'église paroissiale de Rudki où se trouve encore le tombeau familial.
Son monument est l’œuvre du sculpteur Léonard Marconi très actif à Léopol et fut commandé par le Cercle littéraire et artistique de la ville en 1879. Restitué à la Pologne par la RSS d'Ukraine en 1950 il fut déposé à Wilanów (Varsovie) puis le 15 juillet 1956 il débarqua à Vratislavie où s'étaient installés de nombreux habitants de la ville perdue par la Pologne (cf. Histoire de la ville).

Le monument de l'écrivain polonais occupe la place laissée vide par Frédéric-Guillaume III en 1945. Il fait partie dorénavant du paysage actuel de la ville. Il a été témoin du «Tour de la Paix» (organisé sur le modèle du Tour de France entre trois États frères : Pologne, Tchécoslovaquie et RDA), du Marathon organisé par la ville. Le comte Fredro a été actif politiquement. En 1981 il observait avec joie le minibus de la radio de Solidarność et à la fin des années 1980 il «participa» aux manifestations de la solidarité polono-tchécoslovaque et aux happenings de l'Alternative orange (pendant l'une d'entre elles il a été déguisé en général Jaruzelski). Il s'est habitué aux mégaphones des orateurs qui se servaient de son socle. Pacifiste dans le cadre du mouvement «Liberté et Paix» et en 1991 il a soutenu la volonté de l'indépendance de Lituanie et en 2004, la «Révolution orange» en Ukraine. Il a toujours été européen et connaisseur de la politique il a appuyé l'entrée de la Pologne dans l'Union européenne. En 2002 il a écouté les candidats à la mairie de la ville. Son monument est toujours astiqué par les étudiants la veille des «Journées de Vratislavie» et de l'anniversaire de sa naissance et de sa mort. Cette tradition remonte à 1976 lorsque les élèves du Lycée XII, dont il est devenu le patron, ont décidé de laver son monument et ce malgré les protestations du conservateur municipal. Devenu objet de culte, d'ironie, de blagues et autres bouffonnerie, le premier jour de printemps il subit la montée sur la tête par les gens parfois simples vandales qui lui cassent le stylo-plume. Il en a eu déjà plusieurs. Mais le jeu vaut la chandelle, depuis 2001 les frais bacheliers dansent devant lui une polonaise. Et les vendeuses de fleurs de la Place au sel voisine, déposent depuis longtemps à ses pieds leur source de revenu. En 1992 le socle a été couvert de couronnes de fleurs par un prétendu descendant du comte. Il ne s'étonne plus des foules réunies pour toute sorte de manifestations : messes, concerts, concours, débats, défilés, promotions commerciales sans oublier les animaux dont certains représentants en abusent en se soulageant, mais la garde municipale veille et distribue des contraventions. Lwowien (Léopolitain) de carrière il est devenu Vratislavien. Ainsi récupéré il permet aux habitants de cette ancienne ville allemande de se sentir chez eux, chose qui ne fut pas facile après leur arrivée dans ce Far West de l'après-guerre.


Côté occidental (Sieben Kurfürstenseite, des Sept Électeurs).



Côté occidental de la place 1932-1938



La Kamienica Pod Siedmioma Elektorami (Haus Zu Sieben Kurfürsten, aux Sept Électeurs), Rynek 8, dont les fondations datent du XIIIe, qui fut transformée plus tard, reçut après 1672 un nouveau portail et les fresques, restaurées à plusieurs reprises (reconstituées récemment), qui représentent les grands électeurs du Saint Empire et Léopold Ier (élu empereur en 1658).

Au numéro 7, la Kamienica Pod Błękitnym Słońcem (au Soleil bleu), suite aux plusieurs transformations ne garde que l'état de la dernière à savoir, le style Empire. Elle communique par le passage couvert avec la rue Kiełbaśnicza (boutiques, restaurants).

Au numéro 6, la Kamienica Pod Złotym Słońcem (Zur Goldenen Sonne, au Soleil d'or), du XIIIe, fut transformée plusieurs fois comme les précédentes.

Ces trois demeures, reliées entre elles par un passage, furent les lieux royaux et impériaux. C'est ici que logeaient les têtes couronnées de l'Europe centrale qui recevaient à Vratislavie l'hommage vassal pour la Silésie: Vladislav Jagellon (roi de Bohême et de Hongrie), Rodolphe II (roi de Bohême, de Hongrie, empereur), Ferdinand II de Habsbourg.

Le numéro 5, le Dwór Polski (Cour de Pologne), propriété de la famille de marchands de tissus et banquiers des Jagellon, Boner, originaire d'Alsace, à la fin du XIVe, évoque le relais connu plus tard où séjourna Ladislas IV Vasa, futur roi de Pologne, puis d'autres têtes couronnées d'Europe.


La famille Boner était originaire d’Alsace. Le fondateur de la branche polonaise était Johann Boner de Landau. Il s’installa à Vratislavie avec ses frères Jacob et Frédéric dans la seconde moitié du XVe siècle. En 1483 il émigra à Cracovie et y fit fortune. Il s’enrichit dans la fabrication du papier et fut l’administrateur de la mine de sel à Wieliczka, banquier et ami du roi Sigismond le Vieux. Son frère Jacob resta à Vratislavie en gagnant dans le commerce de draps et accueillit des rois (dans sa maison « Au soleil d’or », Ladislas II Jagellon. Le fils de Jacob, Séverin hérita de son oncle Johann en développant ses activités avec succès.






La maison, restaurée librement, communique par un passage, comme le numéro 7, avec la rue Kiełbaśnicza, qui est un ensemble composé d'un hôtel, d'un restaurant et autres établissements qui servent à boire et à manger.

Au numéro 2, la Kamienica Pod Gryfami (aux Griffons), datant du XIVe, transformée plusieurs fois et remise à l'état du XVIe (dans le style maniériste flamand) en 1935. Le portail présente les armoiries des familles von Költsch (griffon) et von Turnau (pélican).

Côté septentrional (Naschmarktseite, aux Gourmandises)


Côté septentrional 1935-1940


A l'angle apparaît l'église sainte Élisabeth devant laquelle deux maisonnettes. Pour la description se reporter au chapitre précédent : Voire la ville d'en haut.


Vous pouvez continuer à poursuivre le tour de la place en regardant les façades des maisons dont beaucoup ont été reconstruites de façon assez libre sans tenir compte de leur état d'avant la guerre et évoquant les styles Renaissance ou baroque (cf. photo de 1905).



Au numéro 58, une façade éclectique et Sécession, appartenait au magasin construit en 1905 pour les libraires et éditeurs juifs, les Priebatsch.

Léopold, petit vendeur de livres acquit en 1876 la maison à la Palme d'or du XVIIe – XVIIIe. Son fils, Félix, termina ses études d'histoire et philosophie, soutint une thèse de doctorat et publia des travaux consacrés à l'histoire de la Silésie. En 1899 il reprit l'entreprise familiale en la développant. Son fils, Hans, diplômé de l'université locale et celle de Berlin en philologie classique et orientale poursuivit le développement de la maison qui publiait les manuels scolaires à la demande du ministère. En 1933, après avoir vu les autodafés dans sa ville il décida de la quitter, avec sa femme, pour la Palestine. (Le tombeau familial est au cimetière juif, rue Ślężna).

Les maisons aux numéros 48-50, épargnées lors du siège (Festung Breslau de 1945), témoignent de la fièvre de transformations architecturales que connut la ville avant la Première Guerre mondiale, l'époque où la mode emportait sur le principe de conservation caractéristique de notre temps. Elles furent l’œuvre des entrepreneurs et commerçants voulant apporter la modernité dans cette place historique. Les magasins Hünert dans le style néo-Renaissance (50), Trautner, les œuvres des architectes juifs R. et P. Ehrlich (49), « Der Grosse Bazar Marcus » (48), appelé aussi « A la tête de saint Jean », en constituent un ensemble évocateur de cette tendance.

La seule demeure bourgeoise restée intacte en 1945 est celle au numéro 46.

Au 44, la maison au Cerf d'or était avant le XVIIe la Pharmacie du Marché aux Gourmandises.

Au numéro 42, là où il y avait la vieille Pharmacie au Double aigle d'or fondée déjà au XIIIe siècle se trouve le musée consacré au savoir apothicaire, propriété de l'Académie de médecine. (Entrée libre).



En face une série de maisons occupent un pâté mitoyen de l'hôtel de ville. Sa reconstruction se prolongea au-delà de l'année 1960. Comme ailleurs, les maisons ont reçu un aspect rappelant les époques d'avant XIXe siècle.

Côté oriental (Grüne Röhrseite, côté du tuyau vert)


Côté oriental 1938


Côté oriental 1940. Vue sur le pâté central de la place



Nous poursuivons le tour de la place et passons au côté Est. Son nom traditionnel vient de la sortie d'eau du système d'adduction de la ville dont le tuyau était en cuivre et qui tombait (l'eau) dans une cuve en pierre couverte de mousse et algues. Les maisons en grande partie détruites ont été reconstruites de la même façon que les autres.

Au numéro 41 se trouve une maison qui est la dernière reconstruction de la place (1994). La Kamienica Pod Złotym Psem (au Chien d'or) est la réalisation qui rappelle celles des années après 1946. Elle symbolise la volonté de retour à l'état de la place avant les transformations du XIXe comme s'il fallait éliminer la patte du pouvoir impérial prussien dans cette contrée et revenir, par un saut historique, à l'époque bien plus présentable, celle des Habsbourg, héritiers de la couronne de Bohême et de surcroît celle des Piast donc slaves et polonais. En effet la maison est mentionnée dans les plans, celui de Weyhner et Vberus de 1562, puis celui de Hogenberger de 1713, lorsque la maison reçut la forme baroque et en 1730 son portail avec l'emblème (exposé avec d'autres éléments décoratifs datant des reconstructions vratislaviennes au Musée de l'architecture situé dans l'ancien cloître des Bernardins, ulica Bernardyńska 5-7). Transformée dans un style éclectique (1881-83), la maison fut détruite en 1945 et ce qui restait, rasé après, en laissant un espace vide à l'angle de l'ulica Wita Stwosza (de Veit Stoss), à côté du magasin de Louis Lewy (1904), dans le style Sécession, resté quasi intact. 



Au milieu s'ouvre une rue (que vous allez emprunter pour vous rendre à l'église de sainte Marie-Madeleine. A l'angle droit, sauvé de la destruction le magasin des frères Barasch.

Construit en 1904 dans le style Sécession d'abord et couronné d'un globe illuminé (cf. L'illustration), le bâtiment le perdit lors d'une tempête par la foudre et en 1929 il subit une modernisation. Les propriétaires juifs, Artur et Georg vendirent leur magasin en 1935 avant le début de l'aryanisation et émigrèrent. Les nouveaux propriétaires transformèrent la façade vitrée donnant sur la place et liquidèrent l'escalier monumental à l'intérieur en le remplaçant par l'escalier roulant. Après la guerre il subit tout de même d'autres modifications et deux rénovations (1961 et 1995) qui lui ont donné son aspect actuel du grand magasin du centre-ville.

Il en fut presque de même pour le magasin Goldene Krone (Couronne d'or) datant de 1904, au numéro 29 (à l'autre bout), victime d'incendie en 1945 et de démolition postérieure l'ensemble a été reconstruit (1957-60) dans son état originel (attique de type vénitien et le portail transféré d'une autre maison détruite, évoquent la période habsbourgeoise).

Ici en 1471 se trouvait la taverne wallonne puis en 1521 la maison fut acquise par le marchand Johan von Holtz de Cologne. Il employa les artistes italiens dont Vincenzio da Parmataro pour transformer sa demeure dans le style de la Renaissance vénitienne. Ses successeurs l'agrandirent aux maisons de la rue Oławska, réunies par des galeries et une attique. En 1881 l'ensemble devint un casino et club. En 1904, malgré de nombreuses protestations (c'était la première maison Renaissance dans la ville et qui inspira d'autres bourgeois dans le désir de la nouveauté à cette époque-là), l'ensemble fut démonté pour céder la place au magasin de Keiser et Grosheim qui devait faire la concurrence au magasin des frères Barasch (illustration).

En face, le pâté central, composé de 60 maisons au total, qui de ce côté a été reconstruit en partie de manière libre. Les bâtiments du XIXe en ruine furent rasés. Trois passages aux noms évocateurs: (de gauche à droite) aux Draps, de la Ferronnerie, de la Poterie et la «ruelle de Jerzy Grotowski» qui coupe ces passages du nord au sud. C'est ici que le fondateur du théâtre pauvre ouvrit en 1964 la salle du Théâtre Laboratorium des 13 rangées. Aujourd'hui c'est un des 3 locaux de l'Institut Jerzy Grotowski (salles de cinéma, de lecture, café THEA).

Chaque passage se termine par un couloir voûté donnant sur le côté occidental de la place.

Suite à l'invitation du maire de Vratislavie, Jerzy Grotowski transféra son théâtre d'Opole. C'est en 1963, à la faveur du congrès de l'UNESCO à Varsovie que les deux critiques parisiens, Raymonde et Valentin Temkine, avaient découvert cette scène pauvre et splendide. Au début de 1965, le Laboratorium présenta la pièce Akropolis dans la cave de Świdnica puis, après les adaptations de l'ancien centre de culture et d'art destiné à un club-café, c'est ce nouvel espace qui devint le symbole du renouvellement théâtral à l'échelle mondiale. Le 25 avril 1965 y eut lieu la première du Prince Constant. Grâce à l'entremise et l'obstination des critiques français, le Théâtre des Nations de Jean-Louis Barrault réussit à faire venir Grotowski. Le Prince Constant fut montré à Paris cette année-là. La sensation fut comparable à celle des Ballets russes de Diaghilev en 1907. Quatre ans plus tard le théâtre présenta Apocalypsis cum figuris qui produisit le même effet à New York. La comparaison avec les Ballets russes s'imposait d'autant plus que Grotowski avait son Nijinski, un prodigieux acteur qui ne ressemblait à aucun autre et qui lui devait tout: Ryszard Cieślak. Pourtant, la poétique du Théâtre-Laboratoire polonais était exactement l’antithèse de celle de Diaghilev. Les spectateurs, en très petit nombre, partageaient le même espace scénique que les acteurs. Pas de décor, pas d'effets de lumière, pas de grimage, pas de costumes. Pour Grotowski, l'acteur est le tout du théâtre et le théâtre est là pour favoriser son passage à un degré d'humanité plus vrai que le degré quotidien. Tout se jouait donc sur l'extraordinaire intensité dramatique et physique d'acteurs supérieurement entraînés, sur les qualités expressives de leur voix, et sur leur présence presque insoutenable dans l'espace. En dépit de son éclat parfois violent, l'action obéissait à la précision rigoureuse et comme nécessaire d'un rite. 


 Un training au théâtre de Grotowski' "Laboratorium" en 1972 par l'acteur fétiche
Ryszard Cieślak


 

A partir de 1969, et jusqu'en 1982, considérant qu'il avait atteint une perfection condamnée à se répéter, Grotowski se lança, avec l'appui de l'Unesco, dans un ambitieux projet intitulé «Théâtre des Sources». C'est dans son esprit une opération de raccord avec la société moderne d'un patrimoine ethnologique mondial en voie de disparition. Déjà familier de l'opéra de Pékin et de diverses formes du théâtre traditionnel indien, Grotowski séjourna au cours de cette période au Nigeria, en Haïti, en Amérique centrale, en Inde. Il réunit et fit travailler ensemble, en ateliers, des représentants des plus diverses et anciennes traditions rituelles et mystiques des cinq continents, pour en dégager des pratiques communes.

En 1975 le théâtre organisa une entreprise à une grande échelle et à la force d'influence importante : Université de recherche du Théâtre des Nations à laquelle participèrent plus de 5000 personnes provenant de 23 pays.

L'espace dont disposait Grotowski se révéla trop petit et il fallut annexer les locaux voisins (atelier de nickelage et entreprise d'eaux gazeuses) qui sont devenus le secrétariat et la salle de cinéma auxquels on peut accéder du passage de la Ferronnerie (Przejście Żelaźnicze).

En 1982, nouvelle coupure. La loi martiale proclamée dans son pays décida Grotowski à rompre définitivement avec la Pologne communiste. Il sollicita et il obtint la nationalité française. Il trouva asile aux États-Unis, où à partir de 1983, il occupa une chaire à l'université d'Irvine en Californie. Il y poursuivit le projet «Théâtre des sources» sous d'autres formes, avec des témoins qu'il fit venir de Haïti, de Bali, de Colombie, de Corée, de Taïwan.
Hanté par le désert intérieur auquel les technologies modernes de communication pouvaient conduire les jeunes, Grotowski fit un premier bilan des pratiques prétendument «sauvages», pour reprendre le mot de Lévi-Strauss, dont il fit l'inventaire: il proposa des structures (danses et chants) qui favorisaient la greffe entre d'anciens savoirs du corps et de l’âme et des jeunes gens issus de grandes villes modernes.
A partir de 1986, Grotowski s'installa définitivement à Pontedera en Toscane, où il dirigea un «Workcenter». Avec deux groupes de collaborateurs, qui reçurent de très nombreux hôtes du monde entier, dont Peter Brook et ses acteurs, il se livra à ce qui était, à ses yeux, la synthèse des recherches de toute une vie. Il s'agissait toujours de théâtre, mais comme l'a écrit Brook, de théâtre comme «véhicule», un véhicule qui entraîne ses passagers moins à représenter des rôles qu'à se connaître eux-mêmes, et à se reconnaître entre eux. L'inspiration du Workcenter n'est pas sans analogie avec celle des écoles philosophiques antiques telles que Pierre Hadot les a décrites. Les exercices du Workcenter se concentraient notamment sur la réminiscence de chants anciens dormant dans la mémoire, et sur l’exploration et le partage de l’expérience intérieure dont ils pouvaient être le point de départ. Il a laissé un défi et un sillage qui dépassent de toutes parts les limites du théâtre au sens classique, et qui touchent au cœur l'inquiétude contemporaine.
Après l'autodissolution du Théâtre-Laboratoire en 1984 son siège et son patrimoine furent transférés au Deuxième Studio vratislavien dirigé par Zbigniew Cynkutis (acteur engagé en 1961 par Grotowski et son proche collaborateur, metteur en scène indépendant de Grotowski) qui entreprit des changements dans la salle du théâtre (cabine acoustique, enduits sur les murs peints en noir) qui fonctionna comme centre d'études et recherches théâtrales de Jerzy Grotowski mais sans les anciens du Théâtre-Laboratoire. C'est en 2005 que le nouveau directeur décida de la rénovation en revenant à l'état d'origine (mur de briques) que l'on peut voir.
 
Pour lire:
Agnieszka Grudzinska (dir.) et Michel Maslowski (dir.), L'Âge d'or du théâtre polonais de Mickiewicz à Wyspiański, Grotowski, Kantor, Lupa, Warlikowski…, éditions de l'Amandier,‎ 2009.
Peter Brook, Avec Grotowski, Actes Sud,‎ 5 janvier 2009.
Jerzy Grotowski, Eugenio Barba, La Terre de cendres et diamants, éditions L' Entretemps, 2000.
Thomas Richards, Travailler avec Grotowski sur les actions physiques, Actes Sud,‎ 1999.
Vers un théâtre pauvre, L'Age d'Homme, réédition 1993.
Raymonde Temkine, Grotowski, La Cité,‎ 1970.
Serge Ouaknine, « Le Prince constant, étude et reconstitution du déroulement du spectacle », dans Les Voies de la création théâtrale, CNRS, t. I, 1970.
Ludwik Flaszen, Grotowski et compagnie, éditions L'Entretemps 2015


Pour voir:
- https://www.ina.fr/video/I08049773
-  http://fresques.ina.fr/europe-des-cultures-fr/impression/fiche-media/Europe00064/jerzy-grotowski-a-propos-de-la-notion-de-theatre-pauvre.html
-  https://www.youtube.com/watch?v=UtST2tTN4iA 
- https://www.youtube.com/watch?v=1p09ULGL0uU


Côté méridional (Goldene Becherseite, de la coupe d'or)



Côté méridional 1940 (vue de l'immeuble de la Caisse d'épargne sur l'Hôtel de ville, l'église de la Madeleine)



Vous revenez au côté sud où vous avez observé l'entrée de la cave de l'Hôtel de ville. Quelques bonnes reconstructions sont à observer comme celles, en face de la cave, par exemple, la Kamienica Pod Złotym Dzbanem (à la Cruche d'or) au numéro 22. C'est dans sa cour que l'on installa une brasserie au XVIe siècle qui communique par un tunnel avec la cave. Sa voisine (23), la Kamienica Pod Zieloną Dynią (à la Courge d'or), détruite dans sa forme Sécession (1910) et reconstruite (1952-60) dans le style Renaissance d'avant. Au numéro 26, la Kamienica Pod Złotym Pucharem (à la Coupe d'or), baroque à l'origine, le bâtiment subit des transformations successives, détruit 1945 et reconstruit dans le style baroque et classique alors que son voisin (numéro 29) a fait le tour de 90° (cf. l'illustration).

Finalement la seule maison d'origine est le bâtiment datant de 1903 construit dans le style Sécession (numéro 13) et à côté se trouve le centre d'information touristique.

Le style Sécession, terme autrichien adopté en Pologne est appelé en France et dans les pays anglo-saxons « Art nouveau ». En Allemagne, où il débuta dès 1875, il fut nommé « Jugendstil » et permit à la fois l'émergence d'individualités fortes et la production de masse. Des liens se nouèrent entre des plasticiens comme Fritz von Uhde, Wilhelm Trübner, Franz von Stuck, Eugene Spiro, tous d'origines diverses et de parcours différents, mais refusant le conformisme ambiant. Ainsi, von Uhde, après un séjour à Paris, ouvrit une école à Munich, où il croisa Franz von Stuck. Celui-ci, l'un des initiateurs de la Sécession munichoise de 1892, allait former Eugene Spiro. Grand voyageur, Trübner se fixa d'abord à Francfort, tout en gardant des liens forts avec Berlin, où il allait participer activement à la Berliner Secession (1899). Ouvert à tous ces artistes, le fondateur de Jugend, Georg Hirth, estimait que l'art nouveau avait commencé en Allemagne avec l'ouverture en avril 1897 de la foire de Leipzig, l'« Exposition industrielle et commerciale de Saxe et de Thuringe » (Sächsisch-Thüringische Industrie- und Gewerbeausstellung). Celle-ci permit notamment de découvrir les expériences architecturales de Paul Möbius (1866-1907) et une fresque monumentale de Max Klinger, laquelle provoqua une polémique mais permit d'asseoir définitivement l'élan moderniste dans l'opinion. Outre les progrès de type industriel qui y étaient mis en avant, la présence d'un certain « esprit viennois » y était manifeste. La capitale autrichienne était alors le théâtre d'une véritable révolution, la « Sécession ». Les grandes villes de l'Empire allemand comme Munich, Karlsruhe, Dresde, Berlin, Breslau et Leipzig, s'ouvrirent aux changements et organisèrent de nombreuses manifestations similaires, engendrant une forte émulation. L'influence des grandes expositions internationales comme celles de Barcelone (1888), Paris (1889) ou Chicago (1893) était incontestable, car elles favorisaient les échanges d'idées et nourrissaient une forme d'esprit de compétition, non seulement sur le plan industriel et commercial, mais aussi sur le plan esthétique.

La Sécession évolua jusqu’à la Ire Guerre mondiale pour se transformer en style plus géométrique et pour se prolonger dans l’Art déco.

Le terme « Art nouveau » fut utilisé probablement pour la première fois par le peintre et l’architecte belge, Henry van de Velde dans l’essai « Déblaiement d’art » (1894) et il fut popularisé un an plus tard lors de l’ouverture à Paris du salon de Salomon Bing appelé L’Art nouveau, au 22 de la rue de Provence et rebaptisé Maison de l'Art nouveau (« Maison Bing »).

Les artistes vratislaviens participèrent à ce mouvement et laissèrent un patrimoine en partie conservé et restauré. Un ouvrage d’excellente qualité est disponible depuis peu en trois langues (polonais, anglais et allemand). Il s’agit de « Secesja, Art nouveau, Jugendstil – Wrocław » de Barbara Banaś et Leszek Szurkowski.

Pour commodité nous avons utilisé les termes polonais ou français.

Le tour de la place est fini et vous avez mérité un repos. Les endroits pour prendre un verre ou manger ne manquent pas mais ne vous attendez pas à une quelconque originalité due à la ville. Beaucoup d'endroits proposent des bières et autres boissons alcoolisées, certains sont des restaurants avec le cuisine polonaise et internationale. Seule la Karczma Lwowska (Auberge de Léopol) prétend évoquer la cuisine de Kresy (les territoires de l'est perdus par la Pologne dont la galicienne Léopol-Lwów).


La Plac Solny


Côté nord de la place 1906



La place en 1929 (vue sur la statue de Blücher et l'angle nord-est donnant sur le Rynek)


Angle sud-ouest 1920-1930
 Angle nord-ouest 1905
 Côté occidental 1945
Côté occidental 1958. Il ne reste rien du grand magasin de l'angle nord-ouest, remplacé par des maisons construites dans le style de celles du Rynek


La Place au sel qui s'ouvre à l'angle sud-ouest du Rynek est aujourd'hui associée aux fleurs qui y sont vendues mais à sa création qui date de 1242 (après l'invasion mongole) son nom était la Place polonaise (sur un plan datant de 1300 selon la Chronik der Stadt Breslau, F. G Adolf Weitz Verlag von Max Vonwod, Breslau, 1888). Ceci évoquait certainement le lien que la cité entretenait avec la région de Cracovie, pourvoyeuse de sel (mines de Wieliczka). C'est seulement à partir de la fin du XVIIe que le produit si indispensable à la cuisine et à la conservation d'aliments commençait à venir aussi de Halle (en Saxe-Anhalt) dont la principale marchandise, depuis le Moyen-Age, était justement le sel.

Le roi Jean de Luxembourg accorda au Conseil municipal le monopole du commerce de sel en 1336. Pendant des siècles on y vendit aussi du miel, de la cire, des fourrures, du caviar, du thé et de la viande caprine (côté nord). Les marchands polonais et russes s'y installaient à même le sol lorsque la place manquait dans les auberges avoisinantes.

A la fin du XVIIIe siècle le sel se vendait déjà au détail dans les différents magasins et en 1815 les étals de sel, situés sur le côté nord, furent achetés par le Conseil puis démontés. En 1827 on y dressa au centre la statue du feld-maréchal Blücher et renomma l'espace carré en l'honneur du vainqueur de Napoléon. Après 1945 la place a retrouvé son nom originel tandis que le socle du monument enlevé par les Allemands fut détruit. Une aiguille en granit rose le remplace depuis peu et une fontaine aux dragons.

On remarque tout de suite, sur le côté méridional, le bâtiment de la Vieille Bourse dans le style classique construit en 1822 par Carl Ferdinand Langhans, architecte vratislavien d'opéras en Allemagne dont l'Opéra d'État Unter den Linden à Berlin. Le bâtiment avait plusieurs fonctions : financières, représentatives, de lieu de vie sociale pour les négociants et l'intelligentsia locale avant que la ville ne l'acquît suite à la construction de la Nouvelle Bourse. Il fut épargné en 1945 et devint tout de suite après la guerre le siège de nombreuses institutions. En 1992 ce bien fut mis en vente à Cannes lors du Salon international des professionnels de l'immobilier. Entre 1994 et 2004 le bâtiment a été rénové et a retrouvé ses fonctions d’antan.

Trois maisons historiques complètent ce côté-là. A l'angle se trouve un passage qui mène à la Place des Héros du ghetto de Varsovie, appelée sous Frédéric II, Judenplatz (sic) puis Carlplatz. Vous y reviendrez si l'envie vous pousse à voir plus de maisons anciennes.
Le côté occidental a été partiellement conservé mais, comme dans le Rynek, une patte restauratrice polonaise de l'après-guerre a donné aux maisons une esthétique bien plus ancienne que l'état de l'avant-guerre pour que ces façades rappellent celles de Léopol, Cracovie ou Poznań voire Varsovie à qui Vratislavie a fourni, entre 1949 et 1953, des centaines de millions de briques (dont 200 wagons de briques gothiques) allemandes pour sa reconstruction.




La maison au 20 plac Solny avant 1903, détruite pour faire place au Magasin Philippi (on peut voir les noms polonais des boutiquiers juifs présents dans la ville)




 La même maison côté Rynek (on voit à gauche un bâtiment en construction et derrière, côté Place au sel, l'immeuble récent en fonctionnement)





Le Magasin Philippi entre 1910 et 1914


L'état du Magasin Philippi et de son voisin (on peut lire "magasin de spiritueux" (lire de vodkas et autres boissons alcoolisées dont les "vins" de pommes bien connues de la Pologne communiste) côté Rynek en 1947 



Le côté oriental est dominé, à l'angle avec le Rynek, par un bâtiment rappelant l'Art Déco. C'est le magasin Geschäftshaus Philippi, spécialisé dans la confection d'homme, vente de vin et de tabac. Il date de 1904, épargné partiellement en 1945 pour devenir le siège de l'entreprise de transport communal (MPK). Le nouveau propriétaire, une entreprise d'investissement immobilier Na Solnym  l'a restauré récemment pour le destiner aux activités tertiaires et au logement de luxe en tentant d'y retrouver son style d'origine.



Quartier des quatre temples

A ceux qui s'intéressent à l'aspect œcuménique de religions nous proposons de visiter le Quartier des quatre temples (ou du respect mutuel). Il s'agit de parcourir quelques rues et prendre conscience d'une certaine diversité religieuse, toute proportion gardée dans un pays si homogène qu'est la Pologne, mais aussi d'autres monuments qui se trouvent sur ce parcours. Ce coin de la Vieille Ville reflète bien les conséquences de l'histoire de l'après-guerre d'une part et de l'évolution des mentalités de la ville et de ses habitants, d'autre part.

C'est un quadrilatère situé entres les rues suivantes :

świętego Mikołaja, Ruska, świętego Antoniego, Włodkowica et Kazimierza Wielkiego.

L'idée est née en 1995 suite à l'initiative des dirigeants des quatre communautés religieuses présentes dans cette partie sud-ouest de la Vieille Ville. L'élément déclencheur furent les actes de vandalisme contre les lieux de culte catholique (vitrage) et orthodoxe (icône au-dessus de l'entrée). Le témoin de ce dernier a été le vice-président de la communauté juive qui initia la rencontre entre les deux prélats responsables de ces lieux.

Les hommes de bonne volonté ont créé en 2005 la Fondation du respect mutuel en réponse à l'initiative des autorités communales qui voulaient y tracer un sentier culturel. L'acte fondateur a été signé par les paroisses catholique, orthodoxe et protestante ainsi que par la communauté israélite et le Conseil polonais des chrétiens et juifs à Varsovie. Son programme est la promotion de la culture des communautés religieuses et ethniques (biélorusse, ukrainienne, de Lemkos et juifs) présentes dans la ville, l'éducation et le dialogue inter-religieux.

La Fondation propose une visite guidée ce qui permet d'entrer dans les lieux de culte qui ne sont pas tous ouverts dans la journée (renseignement : it@dzielnica4wyznan.info.pl ). Sinon vous devez contacter un responsable de chaque lieu. Seule l'église catholique peut être ouverte en permanence comme c'est le cas dans le reste du pays (les Polonais sont pratiquants en majorité) mais c'est à voir sur place.



Voici les adresses des trois paroisses :


Kościół ewangelicki Opatrzności Bożej ( église luthérienne de la Providence divine)

adresse : ulica Kazimierza Wielkiego 29

contact : kancelaria@naszaparafia.pl , tél. 71 343 47 30

Kościół prawosławny pod wezwaniem Narodzenia Przenajświętszej Bogarodzicy (église orthodoxe de la Nativité de la sanctissime Mère de Dieu)

adresse : ulica świętego Mikołaja 40   

contact : Mieczysław Oleśniewicz (prêtre), tél. 601892727

Kościół katolicki pod wezwaniemezwaniem świętego Antoniego z Padwy (église catholique st Antoine de Padoue) annonce l'autorisation de visite annoncée à l'avance le dimanche à 13h. Information : marcinm1989@gmail.com

adresse : ulica świętego Antoniego 30

La synagogue à la Cigogne blanche

adresse : ulica Włodkowica 7

Information : Centrum Informacji Żydowskiej  tél. 71 343 64 01 e-mail: wroclaw@jewish.org.pl



Passage de la Place au sel à celle des Héros du ghetto (de Varsovie). 1949. Le tramway allemand blanc encore vient de la rue Krupnicza et remonte vers la Place au sel en contournant le pâ de maisons du côté sud.



Cette alternative suppose de prendre le passage ouvert dans l'angle sud-ouest de la Place au sel dont il était question ci-dessus. En traversant la place des Héros du ghetto vous atteignez la rocade Est-Ouest, dont la rue Casimir le Grand (ulica Kazimierza Wielkiego, anciennement Carlstrasse). La rue fut partiellement détruite sur ordre du Gauleiter Karl Hanke en 1945 et la décision du conseil municipal dans les années 1970 de liquider les trams du Rynek et de ses environs a eu pour conséquence d'autres destructions. Vous pouvez jeter un coup-d’œil sur la pittoresque rue Psie Budy (Maisons de chien) qui fut tracée au Moyen-Age entre le premier mur de l'enceinte et les anciens fossés municipaux. Originellement la rue suivait le cours de la rivière Oława noire (enterrée en 1866 après l'épidémie de choléra) et ses maisons faisaient fonction d'annexes aux demeures bourgeoises de la Place au sel et de la rue Ruska. Au XIXe la rue était connue pour ses maisons closes. C'est seulement le côté gauche qui a été reconstruit à l'exception du bout donnant sur la rue Ruska. En revenant sur vos pas, vous apercevez le bâtiment néo-gothique construit pour la bibliothèque municipale, transformée, après la guerre, en annexe de la bibliothèque de l'Université en reconstruction. Son architecte, Richard Plüddemann, l'auteur du pont suspendu (most Grunwaldzki, de Grunwald/Tannenberg), conçut une construction réfractaire grâce à l'emploi ajouré d'acier et l'absence de bois (cf. BN à Paris, British Museum). La bibliothèque possédait une collection importante de livres qui furent évacués par les Allemands. 


 La rue Kazimierza Wielkiego (Cartlstrasse): 1950-60 (à gauche le bâtiment néogothique de la bibliothèque, à droite l'église protestante. L'axe de communication (rocade) n'est pas encore réalisé mais une partie du tracé est déjà dégagé ici et les tramways ne passent plus par la place des Héros du ghetto (cf. ci-dessus)


En face vous voyez l'église du baroque tardif appartenant à la communauté luthérienne. Elle fut construite pour la famille royale (le château se trouve à côté) en 1750 en tant que temple de l'église réformée (calviniste) à laquelle appartenaient les rois de Prusse. En 1945 le bâtiment, peu endommagé, a été donné à la confession d'Augsbourg.

La porte rococo d'origine sculptée en bois s'ouvre sur l’intérieur peint entièrement en blanc, aux formes ovales grâce aux deux niveaux de galeries. Au-dessus de l'entrée, sur la deuxième galerie, furent installées les orgues rococo, l’œuvre de Johan Gottlieb Wilhelm Scheffler. Elles subirent une rénovation en 1922. Soigneusement restaurées en 1991 elles servent durant les offices ainsi que pendant les concerts et particulièrement lors du festival Wratislavia Cantans. L'église possède une excellente acoustique.

La présence à Vratislavie de la communauté luthérienne polonaise est liée aux conséquences de la guerre. En effet les autorités communistes voyaient dans la population dite autochtone les représentants du peuple honni, ayant appartenu à l'Allemagne nazie. Ses membres slavophones (Polonais et Silésiens) avaient reçu le statut de Volksdeutsch. Le Consistoire de l’Église luthérienne de Pologne nomma dès le 31 juillet 1945, Wiktor Niemczyk, son plénipotentiaire pour la Basse-Silésie qui entreprit l'organisation de premières paroisses dont celle de Vratislavie. Originaire de la Silésie autrichienne (Cieszyn-Těšín) il était à Vratislavie déjà le 10 mai dans le Premier Groupe de sciences et culture avec le professeur léopolitain, Stanisław Kulczyński, en train de travailler dans la fondation et l'organisation de l'Université et de l’École polytechnique. Le 5 août il célébra le premier office luthérien en polonais dans l'église de la cour alors que Vratislavie brûlait encore. Dans son rapport il évoquait la situation linguistique alarmante car seules les personnes âgées connaissaient la langue polonaise (les plus jeunes avaient subi une germanisation souvent forcée). L'évacuation de la population par les Nazis à partir de février avait provoqué l'abandon des domiciles qui furent occupés à partir de mai par les immigrants polonais venus de l'intérieur du pays. Le retour des anciens propriétaires suscita des tensions et provoqua un sentiment d'abandon et d'injustice parmi les miséreux revenants. Mais parmi les immigrants se trouvaient aussi des protestants polonais. Le plénipotentiaire s'adressa donc aux représentants de l’Église catholique afin de signaler l'absence de distinction faite, dans les administrations polonaises, entre les Allemands de souche et les autochtones protestants polonophones qui étaient menacés aussi d'être expulsés. Il demanda au Consistoire d'entreprendre une démarche auprès des autorités centrales afin de faire arrêter cette politique vexatoire et défaire diriger les immigrants de l'intérieur plus à l'Ouest, vers les territoires plus éloignés de l'ancienne frontière entre la Pologne et l'Allemagne. En 1947 la situation fut réglée et les 37 paroisses de la région allaient pouvoir fonder le diocèse de Vratislavie.

Son successeur, Waldemar Press, ancien déporté de Dachau comme beaucoup de membres du clergé luthérien polonais, consacra le bâtiment sous le nom actuel de la Providence divine et poursuivit l’œuvre du pasteur Niemczyk. La communauté vécut assez isolée durant la guerre froide, aussi bien de l'étranger que de la majorité catholique dont un grand nombre venait des Kresy (Ukraine, Biélorussie actuelles). Ces masses catholiques, d'origine paysanne en grande partie, avaient été élevées dans une vision restreinte et englobante de la polonité. La notion de tolérance à l'égard des autres, différents, leur était inconnue. Elles étaient victimes de la politique menée par l'occupant russe et autrichien avant 1918 puis de l'influence du discours nationaliste de le Pologne de l'entre-guerre et enfin de l'occupation soviétique puis allemande. Déracinées et étrangères à la région les Polonais de l'Est devaient voir dans cette communauté un dangereux autrui dont il faut se méfier. La propagande communiste y rajouta sa sauce monolithe. Aujourd’hui la communauté entretient des relations privilégiées avec les Églises luthériennes allemandes (de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale silésienne et de l'Allemagne du Nord) et participe au projet œcuménique du quartier. Environ 600 personnes fréquentent ce lieu de culte.

En sortant à droite vous pouvez visitez le Musée historique de la ville (numéro 35 de la rue Kazimierza Wielkiego).


Il siège dans l'ancien palais d’Heinrich Gottfried von Spätgen, grand chancelier de l’évêché, qui est devenu après son achat par Frédéric II la résidence royale des Hohenzollern. Le bâtiment baroque subit, entre 1751-1753, des transformations à l'extérieur, et l'intérieur dans le style rococo. Le principal architecte du royaume d'origine hollandaise, Jan Boumann, auteur des bâtiments connus comme l’Université Humboldt de Berlin et l’Église française de Potsdam, y rajouta une aile (disparue). A la fin du XVIIIe une autre transformation eut lieu à la demande de Frédéric-Guillaume II. Il demanda à l'auteur de la Porte de Brandebourg, Carl Gotthard Langhans, d'apporter un aspect plus classique à l'ensemble. D'autres transformations furent entreprises au cours du XIXe. Pour le centenaire de la conquête de la Silésie (1842) Frédéric-Guillaume IV décida de donner à l'ensemble un aspect plus résidentiel et plus cohérent.

L'arrivée sur le trône de Frédéric Guillaume IV en 1840 souleva beaucoup d'espoirs après le règne autoritaire de son père. Son penchant pour le romantisme et une politique libérale (amnistie pour les prisonniers politiques, allègement de la censure, rétablissement de l'usage habituel du polonais dans le grand-duché de Posen) étaient des garants d'un changement. Cependant, inspiré par le piétisme, et influencé par le chancelier autrichien Metternich ou le tsar Nicolas Ier de Russie, son beau-frère, il refusa d'accorder une Constitution à ses sujets. Lorsque l'assemblée nationale de Francfort lui proposa le 3 avril 1849 la couronne d'Allemagne, il la refusa, officiellement car il considérait que ce titre ne pouvait lui être accordé que par l'ensemble des princes et rois d'Allemagne ; en privé il déclara qu'il « ne la ramasserait pas dans le caniveau ». Lui roi de droit divin, ne voulait pas devenir un roi de droit populaire, élu par les « cordonniers et les gantiers » et « béni par les charcutiers et les boulangers ». 

                                                                             


 Défilé de scouts sur la place d'exercices: 1912 (au fond, au centre, l'église de Dorothée, Wenceslas et Stanislas et l'hôtel Monopol, à droite le théâtre municipal)



Place d'exercices: 1918. Au fond à gauche l'ancien siège du parlement provincial, Ständehaus et à sa droite le Pokoyhof, de l'autre côté de la rue Krupnicza.



Hitler à Breslau en 1937 lors de la fête de l'Union de chanteurs. Au fond les bâtiments du théâtre municipal (Opéra) et du commandement général.


Le Gauleiter de la Silésie, Hanke, devant le château en décembre 1944



L'état de la place de en 1947. Il résulte non de bombardements soviétiques mais de l'ordre de Hanke de dynamiter le bâtiment du parlement provincial transformé en Musée d'art industriel et d'antiquités après la 1re GM, en mars 1945, afin d'en faire une piste de décollage de son avion. De nombreux bâtiments restés debout dans le secteur seront démolis plus tard (pour récupérer les briques ou pour ouvrir l'axe de communication Est-Ouest (angle supérieur droit)


La Place de la Liberté en 2005

 

La place vratislavienne des exercices militaires devant l'aile sud devint le Forum royal dont l'organisation devait correspondre à son idée de l’État d'ordres à la tête duquel se trouvait le roi gouvernant avec les représentants d'ordres tandis que les pouvoirs judiciaire et militaire garantissaient ce système patriarcal des états et le défendaient. Les bâtiments y construits devaient prendre valeur de manifeste en devenant les piliers du système professé par le monarque : roi, états, droit et armée. Cette vision romantique de la chose politique devait être transposée dans l'architecture et l'urbanisme. Le palais se situant à la lisière de la ville médiévale compacte et fermée et avant les faubourgs occupés moins densément et ouverts devait constituer une clef de voûte de l’édifice politique et imaginaire. Le caractère baroque et classique de la résidence royale fut complété en face, de l'autre côté du fossé, par l'ensemble de bâtiments réservés à la justice et à l'emprisonnement dans le style néo-gothique. La proximité de l'église gothique sainte Dorothée (que vous allez visiter plus tard) accentuait la référence médiévale. Après la révolution de 1848 l'espace commença à perdre son importance et la construction de nouveaux bâtiments bourgeois (Pokoyhof, Nouvelle Bourse, nouvelle synagogue (am Anger, au pâturage, détruite en 1938) finit par constituer un contrepoids idéologique et artistique. 




 Musée du château: le 8 juillet 1929





 Etat des bâtiments (Musée du château et église protestante) en 1945. Aujourd'hui c'est l'axe de communication Est-Ouest




 Le même bâtiment entre 1955 et 1960



 Le bâtiment reconstruit pour y loger le Musée d'archéologie:1969



 

Le palais fut transféré aux autorités de la ville après la Ire Guerre mondiale qui y créèrent en 1926, le Musée du château qui fonctionna jusqu'en 1942 lorsque les nazis décidèrent d'évacuer les collections (de l'artisanat et de l'Antiquité). Le 14 et le 15 mai 1945 le château brûlait encore et l'aile donnant sur la place de la Liberté (Plac Wolności, ancienne Schlossplatz, place du château) consommée par les flammes fut démantelée en 1952. 

 Château royal du côté de la Place du château Schlossplatz. 1940 (au fond à droite on aperçoit le Musée du château)





 Etat du bâtiment en 1960-61 (cf. la photo ci-dessus de 1945), à droite en bas la construction d'un café visible ci-dessous, à gauche derrière les voitures

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Wrocław la polonaise en 1965-70

Il en reste un fragment de cette aile (cuisines et pavillon occidental aux arcades fermées par les murs et fenêtres) qui furent le siège de l'association de Grecs vratislaviens). Vous pouvez y accéder par le jardin qui donne sur la rue Zamkowa divisant le complexe palatial. En 2016 les restes de cette aile, une fois rénovées, sont devenues le Musée du théâtre, adjacent au Forum national de musique (un complexe destiné à la musique).

La partie principale conservée fonctionna d'abord comme musée d'archéologie puis d'ethnographie. Depuis l'an 2000, à l'occasion du millénaire de la fondation de la ville, le bâtiment est devenu un des départements du Musée communal.

Le Musée historique expose des objets d'histoire, d'art et d'artisanat, les collections : iconographique (graphisme, gravures et photographies en rapport avec la ville), de documents imprimés mobiles, affiches, étendards et celle concernant l'histoire des théâtres vratislaviens qui est unique (cf. art de l'affiche polonaise, très apprécié autrefois, auquel est consacré le musée de Wilanów à Varsovie). L'exposition permanente « Mille ans de Vratislavie » mérite une visite si l'on veut avoir une vue d'ensemble avant de parcourir la ville. Vous pouvez y visiter aussi les chambres royales soigneusement reconstituées dont celle rococo de Frédéric II, grand amateur de la culture et de l'art français ou celles de ses successeurs. Dans l'appartement jaune, Frédéric-Guillaume III signa, en 1813, son fameux Appel à mon peuple, alors que Berlin était entre les mains de troupes napoléoniennes. C'est ici que le roi institua, le 10 mars, la Croix de fer.

La chambre de Beyersdorf est le résultat du transfert de l'intérieur de la demeure d'un marchand vratislavien, Adrian Bögel, située sur la Place au sel. Son décor date de 1730 et est un bon exemple du baroque local. Son nom vient de la donatrice, Adelheid Beyersdorf, qui l'a offert au Musée communal avant la guerre. L'allégorie de la Justice et de la Paix est peinte au plafond dans un cadre ovale, les autres tableaux font référence au commerce maritime de la Hanse du marchand originaire de Hambourg. Une collection de faïence dans le style de Delft complète le décor.

Le musée est ouvert du mardi au samedi de 10h à 17h et le dimanche de 10h à 18h, et propose le service de guide audio en anglais et allemand.





La Nouvelle synagogue (inaugurée le 29.09.1872). Entrée occidentale, à gauche le siège de la police. 1935


En revenant sur vos pas vous continuez sur le même trottoir pour traverser la rue Krupnicza et avant le numéro 8 (bureau d'information touristique et le Bike-Café) vous passez sous un arc pour vous diriger par un étroit passage à la synagogue à la Cigogne blanche. Construite entre 1827 et 1829 par Carl Ferdinand Langhans dans le style classique, elle a été successivement affectée au judaïsme libéral (1829-1872), au judaïsme conservateur (1872-1939), après l'édification de la Nouvelle synagogue (la deuxième plus grande synagogue de l'Allemagne, détruite lors de la Nuit de cristal) et au judaïsme orthodoxe (1945-1974 et de 1996 à nos jours). De ce fait le bâtiment subit plusieurs transformations. Il symbolise le processus d'émancipation des juifs dans le royaume de Prusse et les conflits entre les représentants des courants du judaïsme présents dans la ville. C'est la communauté juive de Breslau qui joua un rôle fondamental dans l'histoire de la diaspora juive européenne. C'est aussi ici comme à Berlin et Königsberg que se formèrent les bases du mouvement émancipateur Haskala. C'est ici lors de débats entre les courants religieux progressiste et orthodoxe que furent construites les bases de la fraction la plus dynamique du judaïsme, le courant conservateur (massorti en hébreu). C'est dans les murs du Séminaire rabbinique de théologie vratislavien (Jüdisch-Theologisches Seminar fondé en 1854 par le riche banquier Jonas Fraenckel, l'actuelle rue Włodkowica que vous allez voir plus tard), que Zacharias Frankel étudia le développement historique du judaïsme. Il est connu pour être le fondateur du judaïsme positivo-historique, ancêtre idéologique du judaïsme conservateur. 

 La synagogue à la Cigogne blanche. Entre 1915 et 1934


Dévastée mais épargnée de l'incendie en 1938 en raison de la proximité d'autres bâtiments, la synagogue fut rénovée après et utilisée par les deux communautés mais séparément jusqu'en 1943. Transformée en garage, elle servit d'entrepôt de biens confisqués, sa cour, de lieu de rassemblement de Juifs vratislaviens avant leur déportation (cf. Histoire de la ville).

La communauté israélite arrivée comme les autres Polonais d'ailleurs demanda un lieu de culte au président de la ville. Le bâtiment a été entièrement réparé et adaptée au culte par la Congrégation de la confession mosaïque à Vratislavie.
Dans les années 1960, la synagogue fut victime de nombreuses attaques des vandales qui restèrent inconnus. Ses vitraux furent définitivement détruits et les fenêtres régulièrement brisées, le bâtiment commença à se détériorer. Les autorités de la ville ne répondirent pas aux appels à la sauvegarde de ce lieu de culte, fréquenté encore par plus de 2000 fidèles lors de grandes fêtes. Les événements de mars 1968 mirent fin à la présence israélite en ville. En 1974, sur la base d'une loi sur les biens appartenant avant la guerre à des Allemands, la synagogue fut confisquée par l'État et la même année transférée à l'Université. La synagogue devait être transformée en bibliothèque, en salle de lecture et en salle de conférence. Les travaux débutèrent en 1976 pour l'adapter à ses nouvelles fonctions. Le sol fut remplacé, de même que des fragments de peintures polychromes. Après quelques mois cependant, les travaux durent être suspendus par manque de crédit.
En 1984, le bâtiment de la synagogue fut acheté par le Centre de la culture et des arts pour les représentations et expositions. Par deux fois, il fut endommagé par des incendies. En 1989, il fut transmis à l'Académie de musique de Vratislavie, qui désirait le transformer en salle de concert.
Le toit fut alors démonté mais les travaux arrêtés et le bâtiment commença à tomber en ruine, les murs exposés à la pluie moisissaient et les crépis et décorations se détachaient.
En 1992, la synagogue fut achetée par un homme d'affaires qui n'effectua pas de travaux de réparation ou de conservation. Dès lors, poussée par Erica Bowesa, une Juive de Vratislavie qui vit maintenant aux États-Unis, la communauté juive décida de récupérer la ruine.
Mais, les négociations entre le propriétaire du bâtiment et la municipalité échouèrent car le prix demandé était exorbitant. Les représentants de la communauté juive décidèrent de contacter l'archevêque de Vratislavie, le cardinal Henryk Roman Gulbinowicz, au sujet du bâtiment délabré. Grâce à son entregent et à sa persuasion, le ministre de la culture et des arts accepta de le racheter et de le remettre à la communauté juive.

Le 24 septembre 1995, pour la première fois depuis de nombreuses années, un office fut célébré à l'occasion de la fête de Roch Hachana, auquel participèrent 400 personnes. À cette occasion, retentit le nouveau chœur de la synagogue "à la Cigogne blanche". En 1996, la synagogue est redevenue officiellement la pleine propriété de la communauté juive de Vratislavie. Dès le mois de mai 1996, ont été entrepris de lourds travaux de restauration. La première phase concernait la réparation du toit et a été financée par une fondation germano-polonaise. La deuxième phase a démarré en juin pour les parties restantes du bâtiment. La troisième phase, débutée fin 1998, concernait les finitions, comme la remise en état des murs craquelés, la reconstruction des encadrements des fenêtres et le plafond de la nef centrale, l'installation d'un chauffage et un nouvel escalier. Des fonds provenant de "KGHM Polska Miedź", le plus grand combinat minier de cuivre polonais, ont permis de terminer l'intérieur.
Le 8 novembre 1998, lors de la célébration du 60ème anniversaire de la Nuit de Cristal, un service religieux solennel s'est déroulé à la synagogue à la mémoire des victimes de ces événements. Ces célébrations étaient aussi l'occasion de fêter le retour du lieu à la communauté et la sauvegarde de la synagogue.
L'événement symbolique du quartier a été le mariage célébré dans la synagogue par le rabbin en présence des prélats catholique, luthérien et orthodoxe le 2 juillet 2000. Les mariés étaient originaires des États-Unis comme le rabbin.
Le 10 mai 2002, vers 20h 30, des inconnus ont mis le feu à des matériaux de construction stockés contre le mur Ouest de la synagogue. Grâce à l'arrivée rapide des pompiers appelés par le gardien, les dégâts ont pu être limités.
Le 7 mai 2005, le Centre de culture et d'éducation juive s'est ouvert dans les locaux de la synagogue, financé par la fondation de Bente Kahan, directrice du centre et directrice artistique de la synagogue. La fondation Bente Kahan, avec l'Association des communautés juives de Pologne, désirent faire de la synagogue "à la Cigogne blanche", un centre communautaire moderne avec la création du Musée juif de Vratislavie. Le 10 novembre 2007, a été inauguré le nouvel Aron ha-kodech (Arche sainte), qui rappelle celui qui se trouvait dans la synagogue avant la guerre et juste après.



La synagogue à la Cigogne blanche est bien restaurée et sert de lieu de culte à la petite communauté juive orthodoxe renouvelée. Elle ne se limite pas uniquement au culte religieux, mais est aussi un centre dynamique de la culture juive où se déroulent de fréquentes expositions, des concerts, des ateliers et des conférences.
Depuis décembre 1999, ont lieu le samedi soir, après la fin du chabbat, des concerts de klezmer, de musique synagogale et de musiques juives et israéliennes. Le chœur de la synagogue "à la Cigogne blanche" est actuellement le seul chœur de musique synagogales en Pologne. Du 24 juillet au 12 août 2007, organisé par la fondation Bente Kahan, s'est déroulé un cycle de concerts de jazz dénommé "Musique d'été à la Cigogne blanche". 

A l'image de Cracovie s'y déroule au mois de juin le Festival de la culture juive SIMCHA (cf. Fundacja "PRO ARTE 2002" ulica Ruska 46 B et http://www.proarte.org.pl/?lang=en).
La synagogue organise la visite guidée en anglais le dimanche à 13h. Un joli café (kascher) vous propose une terrasse ombragée dans la cour.


Dans le bâtiment (ancien hôpital juif fondé par en face de la synagogue se trouve un porche qui donne sur la rue Włodkowica (ancienne Wallstrasse comme Wallstreet).
Elle fut le centre de la culture juive. Les commerçants juifs qui venaient à Vratislavie de Pologne, logeaient aux numéros 1-3 (en sortant à gauche, au bout de la rue). Le Pokoyhof faisait partie d'un ensemble de bâtiments qui occupaient le pâté jusqu'à la rue saint Antoine (par laquelle vous avez accédé à la synagogue). Son nom est signalé dans les sources de 1612 (Pokquaies-Hoff) comme lieu de prière. Sous Frédéric II c'était un des quatre relais pour les commerçants juifs étrangers. Ils y trouvaient où loger, déposer leurs marchandises et prier. Au centre du pâté se trouvait une synagogue construite sur le modèle des lieux de prière en Pologne. Le bâtiment datant de 1853, construit comme immeuble de rapport selon le projet de l'architecte silésien du néo-gothique, Alexis Langer, reçut une décoration encore visible au-dessus de l'entrée composée des figures du patron chrétien de Vratislavie, Jean-Baptiste et de la patronne de la Silésie, sainte Edwige, bien qu'il fût la propriété juive. Transformé en 1911, il reprit les fonctions traditionnelles d'hôtel-relais. Les commerçants déposaient leurs marchandises dans les caves, au rez-de-chaussée ils disposaient de boutiques et aux étages, d'appartements. 
En face du Pokoyhof se trouve la Nouvelle Bourse datant de 1867, construite par Karl Lüdecke, actif architecte et conseiller vratislavien, dans le style néogothique évoquant l'époque des Tudor (comme le bâtiment du tribunal plus loin à gauche, derrière le fossé). Autrefois la grande salle servait aussi de lieu de concerts (en 1891 Ignacy Paderewski s'y produisit), le bâtiment sert aujourd'hui au club sportif local, Gwardia, et la grande salle a été transformée en lieu de combat. Vous êtes au bord de la rue Krupnicza (de gruau), habitée au Moyen Age par les semouliers, puis par la bonne société juive et non juive. En face, à gauche un joli immeuble peu profond car mitoyen de l'ancien siège de la filiale de la Reichsbank. A droite le Forum national de musique, construit tout récemment à l'emplacement du siège du parlement provincial (Ständehaus), datant du milieu du XIXe (cf. ci-dessus le Forum royal). Il devint en 1899 le Musée d'art industriel et d'antiquités (Schlesisches Museum für Kunstgewerbe und Altertümer). Le bâtiment fut dynamité et rasé en mars 1945 sur l'ordre du Gauleiter Karl Hanke qui garait sur la place royale, caché au bord de l'Opéra, un petit avion. Le bâtiment du musée constituait une barrière pour son décollage. En réalité le décollage eut lieu ailleurs, le sort des bâtiments de la place Grunwaldzki fut le même.






Revenez sur vos pas. La rue était autrefois très vivante par la présence de nombreux commerces mais aussi habitée par les membres des hautes sphères de la société. Au numéro 4, le palais néo-gothique des Ballestrem. La parcelle était déjà occupée depuis 1862 par la résidence familiale des comtes von Ballestrem, officiers, industriels et hommes politiques prussiens, originaires de la Haute-Silésie. Franz von Ballestrem acheta les parcelles voisines (6 et 8) et fit construire par Albert Grau le nouveau bâtiment et créer un jardin à la fin du XIXe lorsque, dirigeant du parti Zentrum il devint le président du Reichstag (1898-1907). Après la guerre, le bâtiment fut occupé par les sinistres services de sécurité de l'Etat puis il fut divisé en logements et tomba en ruine. Classé monument historique il a été revendu en 2012 à un investisseur privé qui, après avoir entrepris les travaux de restauration sous la surveillance du conservateur municipal, l'a destiné à un usage commercial (club de musique, restaurant et bureaux).
C'est ici que se trouvaient les institutions de la communauté juive. Au numéro 18, dans le bâtiment disparu, fonctionna l'une des plus connues écoles rabbiniques en Europe (cf. ci-dessus). Aujourd'hui au numéro 9 fonctionne une cantine kascher, au numéro 5 (ex-premier hôpital juif), le seul restaurant juif de la ville, le Centre de la culture et de l'éducation juive et le café-club Mleczarnia. Ce dernier est une filiale de l'institution cracovienne de Kazimierz. Cet endroit fort sympathique et original par son décor éclectique est incontournable pour les étudiants, intellectuels et businessmen vratislaviens. On peut y trouvez les journaux suspendus aux murs, auxquels on a accroché de vieilles photographies, et déguster une excellente pâtisserie. Tout cela évoque une Mitteleuropa disparue que certaines villes en Pologne, Hongrie, pays tchèques et slovaques essaient de reconstituer. Le café-club organise des rencontres, vernissages, projections de films et concerts voire des soirées dansantes. Il reste ouvert jusqu'à 4 heures du matin, chose rare ailleurs. Aujourd'hui la rue semble avoir retrouvé son animation d'antan. L'ensemble qui date de 1900 est l’œuvre de l'architecte vratislavien, juif assimilé, Richard Ehrlich. Lui (à 76 ans) et son frère Paul, cadet de 4 ans, aussi architecte, furent déportés en 1942-43 à Theresienstadt où ils sont morts.

En suivant le trottoir de droite vous tombez sur un square qu'il vous faut traverser en biais pour trouver le passage à travers les anciens bâtiments du couvent franciscain pour retrouver la rue saint Antoine (świętego Antoniego). Si la porte y donnant est fermée vous êtes obligés de faire le tour complet en allant jusqu'au bout de la rue Włodkowica puis tournez à droite et continuez jusqu'à l'église saint Antoine de Padoue

 La rue et l'église saint Antoine. 1920-26

Elle appartenait aux Franciscains qui avaient reçu ce terrain en récompense de leur couvent confisqué par la ville en 1522 (actuel Musée d'architecture) mais 150 ans plus tard, lorsqu'après avoir abandonné la cité, ils réclamèrent l'intervention impériale et contraignirent le conseil municipal à verser la somme de 10 000 Reichstalers en argent (équivalent de 7 800 000 euro) et récompenser leur perte (couvent des Bernardins dans la Nouvelle Ville) par ce terrain. L'église fut construite à la fin du XVIIe selon le plan d'un architecte italien par Mathaeus Biener dans le style baroque. Une façade simple à trois axes et un portail au fronton brisé et occupé par la statue du saint donne une certaine élégance au bâtiment qui, à l'intérieur, possède une seule nef avec deux rangées de chapelles latérales surmontées de galeries. La voûte en berceau est, dans sa base, percée de lunettes. Cent ans plus tard les Franciscains furent obligés de quitter l'ensemble qui fut repris par les Élisabéthaines (de sainte Élisabeth de Hongrie, landgravine de Thuringe) qui restèrent ici jusqu'à la guerre.
 
Le Tiers-Ordre franciscain séculier auquel elles appartiennent fut fondé en 1222 à Bologne par François d'Assise, à la demande de personnes mariées voulant vivre à l'exemple des frères franciscains sans entrer dans un ordre religieux. Inspirées par l'exemple de sainte Élisabeth les tertiaires apportaient des soins aux malades dans les établissements (hôpitaux et hospices) qu'elles ouvraient. En 1626 Apollonia Radermecher fonda à Aix-la-Chapelle le couvent de sainte Élisabeth qui associé à l'église de la Providence Divine et à l'hôpital devient le berceau de la congrégation sous la tutelle des frères mineurs. Leurs institutions se développèrent dans le reste de l'Allemagne, en Bohême donc aussi en Silésie et en Pologne.
Elles étaient arrivées à Vratislavie en 1737. Le roi de Prusse, après la prise de la Silésie leur garantit les biens qu'elles possédaient, la possibilité de diriger l'hôpital et le privilège de tenir une pharmacie. Leur établissement situé ailleurs était endommagé par les inondations et leur demande de dotation auprès du gouvernement rencontra une réponse sous forme de transfert de leur institution au couvent abandonné par les Franciscains réformés. En 1793 elles prenaient possession du couvent rue świętego Antoniego 26-34. Bientôt elles ajoutèrent une aile au sud et l'ensemble fut exempté de la sécularisation pour leur activité caritative. En 1819 elles acquirent une parcelle de l'autre côté de la rue Włodkowica, à l'emplacement des fortifications démolies où elles installèrent un jardin pour la culture de plantes médicinales et pour les convalescents. L'établissement élisabéthain fut plus tard agrandi aux maisons mitoyennes et rehaussé d'un étage supplémentaire. Durant les années 1853-95 fonctionnait une filiale, plac Kościelny (place de l’Église), sur l'Ostrów Tumski que vous allez visiter. En 1896 les bonnes sœurs déménagèrent dans le nouveau couvent, ulica Grabiszyńska 105-109 en gardant ici une filiale consacrée aux maladies chronique et incurables.
Durant la IIe Guerre mondiale, les Polonais déportés pour les travaux pouvaient y participer aux messes dites à leur intention. Les combats de 1945 ont provoqué d'importantes destructions à l'exception de l'église où une semaine après la capitulation (cf. Histoire de la ville) pouvait être dite la messe par le prêtre polonais. Les Salésiens (Société de saint François de Sales, congrégation des salésiens a été fondée à Turin par saint Jean Bosco en 1859 ) reprirent l'ensemble en le restaurant mais en 1953 les autorités communistes leur saisirent les bâtiment conventuels pour les transformer en logements pour étudiantes. Une partie a été restituée mais le gros transformé en logements communaux (qui ont été mis en vente et n'ont pas trouvé d’acquéreur). Les religieux, qui avaient réussi à achever, dans les années 1980, la construction de leur église dans le quartier de Szczepin, ont cédé l'ensemble aux pères pauliniens qui officient actuellement.

A partir de 1945 l'église est devenue le siège de la paroisse saint Nicolas pour de nombreux Polonais venus construire ici une nouvelle vie.

La paroisse fut fondée en 1272 mais suite à la Réforme les catholiques devinrent minoritaires voire absents intra-muros. Les autorités municipales saisirent les 3 églises urbaines (sainte Élisabeth, de la Madeleine et du saint Esprit). Comme les prêtres manquaient pour assurer le service divin, l’évêché procéda au rattachement des paroisses rurales voisines aux églises restées catholiques de saint Maurice et saint Nicolas. La Contre-Réforme eut comme conséquence l'augmentation de catholiques dont le nombre atteignit 18 500 âmes en 1724. Ils étaient servis par les ordres monastiques présents dans la ville et dans les îles de l'Oder ou les curies attachées à une église (sainte Dorothée par exemple). La sécularisation des biens ecclésiastiques par la Prusse et les récompenses immobilières de 1818 bouleversèrent encore plus l'organisation ecclésiastique catholique. Au total 8 églises paroissiales constituèrent jusqu'aux années 1890 un ensemble relevant de l’évêché vratislavien. Le nombre croissant de fidèles provoqua les division des anciennes structures et la curie de saint Nicolas perdit une partie de son territoire. En 1929 la ville comptait 204 000 catholiques sur le total de 580 000 habitants. En 1939, les paroisses catholiques étaient plus nombreuses (35) que les luthériennes (25). La fin de la guerre et l'échange de populations dû aux accords de Potsdam ont modifié la structure confessionnelle de la ville. Dorénavant ce sont les catholiques polonais qui ont remplacé les catholiques allemands. La paroisse englobait jusqu'à la chute du communisme une grande partie de la ville à l'Ouest. Son église était servie par les pères salésiens. Les nouvelles églises et paroisses ont poussé comme les champignons avec la démocratie et celle de saint Nicolas ne compte aujourd'hui que 4700 fidèles.
Depuis 1998 la paroisse est servie par les pères pauliens (les mêmes qui sont installés dans le lieu le plus sacré pour les Polonais où se trouve la Vierge noire de Częstochowa) dont la présence en Silésie date du XIVe siècle. A l'intérieur de l'église vous avez vu la copie de la sanctissime icône polonaise.

En sortant de l'église vous vous dirigez à droite pour entrer au numéro 15 dans le passage Niepolda qui vous mène, en tournant à gauche, à la cour de Tolérance (les bâtiments que vous voyez correspondent à l'hôtel-relais A la Roue d'or et au deuxième hôpital juif).

Vous poursuivez votre chemin par les cours entre les immeubles jusqu'au porche donnant sur la rue Ruska que vous prenez à gauche jusqu'à la place Jean-Paul II (Königsplatz avant 1945). Elle correspond à l'ancienne Porte médiévale saint Nicolas. Aménagée au XIXe siècle pour la promenade et l'ouverture plus large (fossé comblé en partie) à l'endroit où se joignent les deux rues venant du Rynek : saint Nicolas et Ruska vers les nouveaux quartiers à l'Ouest du faubourg saint Nicolas. Elle fut victime de destructions dues aux défenseurs allemands qui avaient décidé de dégager le plan de tir en direction de l'Ouest en dynamitant les bâtiments. En avançant dans la place, sur la gauche dans la promenade municipale, se dresse la Fontaine de l’allégorie du combat et de la victoire réalisée en 1905 par Ernst Seger. La statue d'Otto von Bismarck (symbole pour les Polonais de politique de fer et de germanisation forcée en Posnanie et Poméranie orientale) qui se trouvait en face, de l'autre côté de la chaussée, a été détruite peu après la capitulation de la ville. La place a reçu le nom du 1er Mai et ce n'est que depuis 2006 qu'elle porte ce nouveau nom.



 Place royale en 1935-40 (aujourd'hui Jean-Paul II) avec la fontaine de Bismarck, et Hercule combattant avec le lion de Némée, au fond la rue saint Nicolas et à gauche l'église sainte Barbe, aujourd'hui la cathédrale orthodoxe)


A votre droite arrive la rue saint Nicolas (świętego Mikołaja) que vous prenez pour atteindre tout de suite à gauche l'église orthodoxe de la Nativité de la sanctissime Mère de Dieu. Ne soyez pas étonnés, le bâtiment gothique du XVe fut d'abord une annexe de l'église sainte Élisabeth et qui avait la fonction funéraire. La sainte Barbe, patronne de l'église l'était aussi de l'hôpital voisin. L'église à 3 nefs fut l'objet de nombreuses modifications : en 1533 on y dressa la première chaire à prêcher protestante en Silésie, en 1570 furent édifiés le porche et la galerie à l’ouest ainsi que ceux au nord, au XVIIe. Le décor baroque remplaça le précédent, qui, à son tour, fut transformé en décor néogothique entre la 2e moitié du XIXe et le début du XXe. Devenue église paroissiale en 1874, elle fut détruite à 30% lors du siège en 1945. Sa reconstruction, entreprise en 1947 s'étala jusqu'en 1961. Elle est devenue la cathédrale de l’Église orthodoxe autocéphale de Pologne du diocèse de Vratislavie-Szczecin en 1963 et fut décorée dans le style byzantin (vitraux, fresques et iconostase). Les murs extérieurs sont décorés de nombreux bas-reliefs et épitaphes baroques.


 L'église sainte Barbe en 1941...

et en 1948



Si les orthodoxes habitent traditionnellement à l'est de la Pologne en face de la Biélorussie et l'Ukraine car ils y constituent la minorité ethnique de quelques centaines de milliers de personnes, leur présence à l'ouest de la Pologne peut surprendre. Le diocèse de Vratislavie-Szczecin qui compte aujourd'hui plus de 40 000 fidèles et qui couvre la majeure partie des territoires ex-allemands (Silésie, Lubusz et Poméranie), a été créé en 1951 pour répondre à la nouvelle situation de la Pologne déplacée à l'Ouest. 

Durant la période de janvier 1943 à mai 1944, vingt archevêques et évêques ukrainiens séjournèrent à Varsovie comme invités du Gouvernement Général. Ils avaient fui leurs diocèses orientaux face à l'offensive de l'Armée rouge. Ils représentaient trois courants de l’Église ukrainienne : autocéphale, autonome et celui de l’Église vivante. Le 4 avril 1944, le synode élut le métropolite Dionizy, patriarche de l’Église autocéphale. Le 11 mai Hans Frank reçut à Cracovie au château royal, la délégation de l’Église avec, à sa tête, le nouveau patriarche. Dans le contexte de la situation sur le front de l'Est, ce dernier fut contraint de séjourner de juillet 1943 à mai 1945 en Slovaquie et Autriche. Dès son retour en juin 1945, il appela le clergé à prier pour « la Pologne démocratique, ses autorités et son armée » et envoya une lettre au président du Conseil d’État du pays (création soviétique afin de couper l'herbe au gouvernement polonais en exil à Londres), Bierut dans laquelle il expliquait ses activités pendant la guerre. Par ailleurs, il prit contact avec le patriarche de Moscou, Alexis, afin de régler la question de l'autocéphalie. Les négociations furent un échec car le métropolite de Varsovie ne voulait pas renoncer à l'autocéphalie obtenue en 1924 ce que n'acceptait pas la métropole moscovite. Il prit même la décision délicate et dangereuse de créer à Varsovie l'Institut de théologie orthodoxe privé auprès de la cathédrale métropolitaine, ce qui provoqua son arrestation en février et sa destitution en avril 1948. Ses tentatives de récupérer sa dignité ecclésiastique échouèrent et cela malgré la médiation du patriarche œcuménique de Constantinople, Athénagoras, d'une part et celle du gouvernement de Londres, de l'autre. Il fut contraint de s'installer à Sosnowiec en Haute-Silésie en 1951 et plus tard il revint à Varsovie où il décéda en 1960. Son successeur, Jerzy Szreter, futur métropolite Tymoteusz (Timothée) était originaire de Volhynie où il avait débuté sa carrière ecclésiastique. Il s'y considérait comme Polonais alors que la région fut en 1943 le théâtre du massacre de Polonais par les nationalistes ukrainiens. En 1944 il était le seul évêque orthodoxe présent sur les territoires polonais libérés. Le troisième administrateur était né en 1900 à Saint-Pétersbourg mais il fit sa carrière dans la Pologne indépendante, au sein de l’Église autocéphale reconnue par Constantinople. En 1948 il faisait partie de la délégation des prélats qui se rendirent à Moscou pour régler la nouvelle situation de son Église. Il faut rappeler ici l'importance du synode de Léopol du 8-10 mars 1946 qui prononça la rupture de l'Union de Brest de 1596 (qui avait créé le courant gréco-catholique) pour soumettre l’Église uniate ukrainienne au patriarcat de Moscou (lui-même créé en 1589 par Ivan le Terrible). Après beaucoup de négociations et hésitations, c'est seulement en 1951 que les autorités communistes en accord avec les décisions synodales permirent la réorganisation de l’Église orthodoxe autocéphale de Pologne reconnue par Moscou et la création du diocèse de Vratislavie-Szczecin.

Le déplacement des frontières et le transfert de populations sont la conséquence les décisions prises lors des conférences de Téhéran, Yalta et Potsdam. Comme dans le cas des catholiques et protestants il s'agissait d'adapter les structures ecclésiastiques à cette nouvelle situation. Le mythe nationaliste et communiste de la Pologne catholique et homogène ne tient pas face à la réalité, toute proportion gardée. Les premiers orthodoxes étaient présents dans la région à cause des déportations pour les travaux forcés organisés par les nazis dans le Gouvernement Général entre 1939 et 1945. Sur 1,3 à 1,5 millions de citoyens polonais concernés 400 000 étaient ukrainiens et d'autres orthodoxes, biélorusses et russes. Après l'invasion de l'Union soviétique, d'autres représentants de cette confession se retrouvèrent dans la région en tant que prisonniers de guerre et déportés des territoires soviétiques. Des déportés bulgares et grecs y faisaient partie aussi. Une partie de ces populations fuit l'avancée de l'Armée rouge en hiver 1945. Les rapports des autorités polonaises de la Basse-Silésie signalaient la présence de Bulgares et Grecs encore en 1947 (une centaine). Comme la région fut choisie par l'URSS comme le centre de commandement militaire des forces soviétiques stationnées en Pologne (Legnica, à 60 km à l'ouest de Vratislavie), les familles des officiers, malgré la répression antireligieuse pratiquée par le régime stalinien, fréquentaient les lieux de culte orthodoxe. Ainsi auprès de la population catholique polonaise s'est établi une figure d'orthodoxe, présente encore aujourd'hui comme russe, étranger et occupant.

Le rapatriement, comme disaient les communistes, des populations polonaises des territoires annexés par l'URSS, concerna un petit nombre d'Ukrainiens et Biélorusses, qui avaient opté pour la citoyenneté polonaise, auxquels se joignirent des paysans biélorusses de la région de Białystok (Nord-Est), partis à la recherche du travail dans les industries. C'est l'Opération Vistule (Akcja „Wisła") opérée par le gouvernement polonais en 1947 qui, par la décision d'expulser des territoires du Sud-Est les supposés partisans et soutien de l'Armée insurrectionnelle ukrainienne (140 000 personnes déportées), amena des milliers d'Ukrainiens, Boykos et Lemkos. Ils furent dispersés dans les territoires « recouvrés » sur l'Allemagne afin d'être coupés et assimilés. Bien qu'ils fussent gréco-catholiques (uniates) en principe, certaines étaient aussi orthodoxes. Dans le cadre de cette opération 20 000 personnes furent installées en Basse-Silésie dont 5000 orthodoxes.

La guerre civile en Grèce et ses conséquences apportèrent un nombre important de réfugies grecs et macédoniens (plus de 14 000) qui furent placés, en majorité, en Basse-Silésie (Zgorzelec/Görlitz en particulier). Le dégel, après la mort de Staline, permit le rapatriement d'autres Polonais restés en URSS parmi lesquels des Ukrainiens orthodoxes (50% alors que les juifs et les catholiques ne représentaient que 25% pour chaque groupe).

Le 5 juin 1946 fut créée l'Administration orthodoxe des Territoires « recouvrés » (gagnés sur l'Allemagne) dont le premier responsable était Aleksander Kalinowicz qui y entreprit la première étape de l'organisation de l’Église. Le 15 juillet 1951 l'Administration fut transformée en diocèse dans le cadre de la nouvelle division de la métropole dans la Pologne aux nouvelles frontières.


En octobre 1946 les habitants orthodoxes de Vratislavie ont adressé une lettre au métropolite Dionizy lui demandant la création d'un lieu de culte car la plus proche paroisse était à quelques centaines de kilomètres. Leur vœu a été exhaussé rapidement. Le 11 décembre 1946 la première messe orthodoxe a été célébrée dans une maison particulière où l'on avait fait venir l'iconostase de l'église saint Nicolas détruite en 1938 à Sosnowiec (Haute-Silésie, russe avant 1914 et polonaise après la Ire Guerre mondiale). Cet iconostase se trouve actuellement devant l'autel latéral de la cathédrale.

En attendant un bâtiment les orthodoxes célébraient dans l'ancienne chapelle baptiste, partiellement endommagée par la guerre. Les baptistes polonais réclamaient ce lieu mais acceptaient provisoirement la présence des orthodoxes. La chapelle a été consacrée par l’archevêque Timothée le 31 août 1948 pour devenir le seul lieu de culte. En septembre y a été intronisé l'évêque Michał Kalin que les autorités ont reconnu comme tel. Il faut rappeler ici que, selon la tradition, la langue liturgique des églises slaves est le slavon que les fidèles ne comprennent pas forcement (cf. le latin avant le Vatican II) et que dans les églises il n'y a pas de chaises : les fidèles restent debout pendant la durée de la messe (parfois deux-trois heures).

L'augmentation de la population orthodoxe à Vratislavie décida les prélats de déposer la demande afin d'obtenir un plus grand lieu de culte. Les autorités municipales choisirent l'église sainte Barbe dont la reconstruction extérieure s'était achevée. La paroisse orthodoxe recevait en 1961 un bâtiment gothique en brique rouge qu'il fallait adapter au culte. Les travaux de rénovation (intérieure et extérieure et d'adaptation) se sont prolongés jusqu'aux années 1990. En 1994 s'est achevée la transformation du presbytère, siège de la paroisse et de la curie (en face), qui est une maison historique de 1690 épargnée des destructions de 1945.

Au début des années 1960 la paroisse comptait 500 fidèles mais, suite à la création de trois autres paroisses dans la ville, elle n'est plus fréquentée que par 150 fidèles.

Les lecteurs attentifs et curieux se demandent où se trouve le lieu de culte gréco-catholique. Ils pourront assouvir leur curiosité en visitant plus tard l'église saints Vincent et Jacques.


Poursuite de la visite de la Vieille Ville (à l'ouest, au nord, au sud et à l'est du Rynek)

Point de départ: l'ancienne église sainte Barbe (actuellement la cathédrale orthodoxe)


En sortant de l'église à droite et en suivant la rue Wszystkich Świętych (de la Toussaint) qui, après la courbe, devient celle d'Antoni Cieszyński vous allez longer l'ancien hôpital qui, jusqu'en 1949 portait le même nom et dont la fondation remonte au XVIe siècle en tant que premier hôpital communal. L'hôpital fermé en 2007 englobait cette partie de la rue. Le terrain de 2,5 ha composé de bâtisses en brique du XIXe a été mis en vente. Vous allez voir les travaux et même déjà leur résultat, de restauration et de transformation de cet ensemble en nouveau quartier d'habitation, d'activités tertiaires et de loisir en plein centre-ville.

C'est un exemple de transformations économiques en Pologne après la chute du communisme qui s'appelle « marche vers l'économie de marché » mais qui, de fait, a été une libéralisation totale dans beaucoup de secteurs laissant de côté certaines catégories de populations et de quartiers. Privatisations, abandon d'activités et de bâtiments non rentables et en piètre état voire en ruine, manque de moyens pour l'entretien, conflits d'intérêt, corruption, spéculation immobilière, revitalisation de quartiers, reprise du contrôle de l'immobilier (ce que vous venez voir dans le Quartier des quatre temples), projets novateurs et respectueux de l'habitat ont été les étapes vers la situation actuelle. Le constat est là, devant vous. On peut le contester, critiquer, s'en étonner mais grâce au dynamisme des habitants, des pouvoirs locaux et aux fonds structurels de l'Union Européenne, il est incontestable que la ville renaît, pour la troisième fois, comme le phénix de ses aléas historiques, politiques et naturels (cf. l'inondation de juillet 1997). Mais ne pensez pas que toute la ville est l’objet de soins et de transformations. Il existe des quartiers plus ou moins périphériques qui restent dans l'état d'abandon et désolation.

 


L’Arsenal communal devenu musée fut d'abord un grenier. C'est un bon exemple d'architecture civile de la fin du Moyen Age. Certaines parties datent du XVIIe. Frédéric II en déclarant la ville forteresse ordonna d'en faire un entrepôt d'armes. L'institution qui appartient au Musée de la Ville, est divisée en trois départements : le musée d'arts militaires, le musée d'archéologie (qui a repris la tradition prussienne de 1815 et allemande en ce qui concerne la région) et les archives de la construction du musée d'architecture que vous allez visiter plus tard).

Les heures d'ouverture : du mercredi au samedi de 10h à 17h et le dimanche de 10h à 18h.



La rue Nowy Świat (Neuewelt Gasse en all.) en 1946. Ces maisons sauvées du siège furent démontées et leurs briques envoyées probablement à Varsovie, à droite l'Arsenal.

 Côté opposé vu de l'Arsenal en 1972-74, avant les travaux d'aménagement de l'artère est-ouest. Il ne reste plus une seule maison de ce côté.




En sortant à gauche vous atteignez la rocade est-ouest ouverte dans les années 1970 (ici Nowy Świat) que vous prenez à droite en restant sur le trottoir. Vous arrivez à la rue saint Nicolas. Il s'agit d'une des deux artères est-ouest de la Vieille-Ville (l'autre étant la rue Ruska) qui menaient à la porte saint Nicolas (mêmes noms en allemand), disparue déjà au XIVe lorsque la ville s'agrandit et avança, plus à l'ouest, ses fortifications détruites en 1807.

Nous vous proposons la poursuite de la visite par les rues animées ou calmes dont certaines ont perdu leur patrimoine d'avant 1945 et d'autres, au contraire ont conservé partiellement ou entièrement les bâtiments historiques.


A l'angle sud-ouest se trouve le bâtiment transformé récemment pour les bureaux qui correspond à l'ancien hôpital du saint Sépulcre, fondé en 1411. Construit d'abord en style gothique. Dès la fin du XVe il était destiné aux enfants ce qui était une rareté dans le saint Empire. La Réforme ne changea pas sa fonction de recevoir aussi les enfants abandonnés. L’orphelinat rencontrant des difficultés financières aux XVIIe e XVIIIe siècle fut détruit puis reconstruit en 1789 dans le style classique dont la forme est encore conservée. Équipé par le riche négociant et philanthrope, Andreas Krischke il fonctionna sous l'administration municipale jusqu'en 1845. Après la guerre s'y logeait une école. A l'angle on peut voir la statue polychrome du Christ ressuscité.

En face vous voyez des maisons restaurées qu'autrefois longeait une rivière transformée en fossé avant l'agrandissement de la ville au XIVe. Vous continuez après avoir traversé la rocade est-ouest. Sur votre gauche vous voyez aux numéro 65-68, l'immeuble de la firme fondée en 1946, Herbapol, spécialisée dans l'herboristerie et la production de médicaments à base de plantes. Il s'agit de l'immeuble construit par Georg Harter pour usage multiple. Appelé parfois Viktoriahaus sa construction en béton armé et dans le style Sécession date de 1900. C'est ici que s'installa en 1906 un des premiers cinémas de la ville. Aryanisé, le bâtiment devint en 1942 la fabrique de cigarettes AVIATIK-ZIGARETTENFABRIK. Observez les deux derniers étages décorés de motifs végétaux et allégoriques et à l'angle, la figure féminine avec un putto. En allant plus loin dans la rue Rzeźnicza (de boucherie) vous pouvez voir d'autres bâtiments de la même époque. Au numéros 28-31, l'ancienne banque Vorschuss-Verein zu Breslau construite en 1910 dans le style néo-Renaissance. Transformée, après la guerre, en bureau de poste, elle a été récemment vendue et restaurée pour devenir l'Heritage Gates. Le bâtiment suivant (numéros 32-33) fut l’œuvre des grossistes et fabricants juifs Schlesinger&Grunbaum qui se spécialisaient dans la confection du prêt-à-porter pour hommes et garçons. Aryanisé, le bien devint la propriété de la firme Mueller&Co et après la guerre sa fonction a été continuée par l'entreprise d’État, Intermoda. La construction en béton armé et sans socle donne une impression de légèreté et de dynamique. Un portail néogothique surprend dans ce bâtiment Séceession parfaitement restauré et multifonctionnel. Observez les masques qui ornementent la partie supérieure. Une plaque commémorative y a été placée en 1998 pour le bicentenaire de la naissance du poète Karl von Holtei qui avait vécu à cet endroit entre 1865 et 1866.

Poète, acteur, dramaturge, metteur en scène et directeur de théâtre allemand, il a souvent transcrit, à travers ses poésies, l'âme de la Silésie et fut l'ami d'Adam Mickiewicz (et son traducteur) et des Polonais. Encore un symbole pour les habitants actuels de Vratislavie qui n'ont pas de racines profondes dans cet espace géographique, et de la réconciliation germano-polonaise.


Si vous êtes fana de ce genre de construction, d'autres vous attendent dans la rue Ruska (et ailleurs). Elles ont survécu à la Festung Breslau, à la démolition de l'après guerre et au régime communiste qui les a transformées et plus ou moins entretenues dans leurs nouvelles fonctions. A partir des années 1990 elles ont été convoitées par les investisseurs privés désireux de s'installer dans la partie historique de la ville. Elles ont retrouvé leur beauté extérieure d'antan mais leur âme n'y est plus.


Reprenez la rue saint Nicolas. En vous approchant de l'église sainte Élisabeth, sur la gauche, remarquez un voisinage surprenant entre une maison baroque à arcades et le moderne Renaissance Business Centre. Vous croisez la rue Kiełbaśnicza (de saucisses, de 1824 à 1947, Herrenstrasse, de seigneurs).


Herrenstrasse entre la Place au sel et la basilique sainte Élisabeth en 1929


L'état de la rue en 1950-60
  

A votre droite, elle était habitée au Moyen Age par les familles patriciennes dont certaines demeures étaient reliées à celles du côté occidental du Rynek (cf. la visite du Rynek). Aux angles existaient avant la guerre deux magasins de la famille juive, Bielschowsky


                                                                     1900-1910


                                                       1960


 
Confisqués par les nazis en 1934, l'un d'eux a été sauvegardé et restauré, l'autre, resté en état de squelette jusqu'aux années 1990, a été remplacé par le complexe moderne du Wratislavia Center (cf. illustrations). Vous pouvez parcourir ce bout de la rue pour voir quelques belles demeures bourgeoises bien restaurées: la Cérès au numéro 26, sur votre droite et celles en face qui communiquent avec les maisons du Rynek (numéros 2 à 5).
A votre gauche, la rue mène vers le coin de la ville où, au Moyen Age, se situaient les moulins au bord de l'Oder et des boucheries et par conséquent les artisans fabriquant les saucisses. L'aspect actuel de la rue est assez hétéroclite par l'architecture: immeubles de rapport côtoient les résidences bourgeoises du XIXe siècle, au numéro 20, le bâtiment datant de la fin du XVIe de l'imprimerie Baumann (famille d'imprimeurs connus pour avoir publié les manuels pour l’École communale polonaise à Vratislavie), restauré récemment. 

Prenez à droite la rue Malarska (de peintres) où vous remarquez sur votre gauche l'intéressante maison des Artzat du XVIIe. Observez les bustes aux extrémités du toit et les volutes accompagnées de motifs de feuilles de vigne. Les maisons à droite appartenaient autrefois aux bouchers. Au bout de la rue tournez à droite pour jeter un coup-d'œil à la ruelle Jatki, évoquant les boucheries médiévales qui y fonctionnaient de part et d'autre, transformée en galeries d'art. Elle communique avec la rue Kiełbaśnicza. Reprenez la rue en face pour atteindre la rue Odrzańska (de l'Oder) qui a conservé beaucoup de maisons anciennes. Elle reliait la place du marché à la porte du même nom. Puis en tournant à droite on atteignait le pont permettant le passage sur l'Oder et au-delà l'abbaye d'Olbin. 



                       ulica Malarska (Maler Gasse) 1900-1915, vue depuis la rue de l'Oder

Poursuivez le tour en reprenant la rue en face à droite. C'est la rue Kotlarska (de chaudronniers) puisque les habitants de cette rue fabriquaient les ustensiles en fer. Beaucoup de ses maisons ont été détruites et leur reconstruction n'a commencé qu'au début des années 1960 mais certains pâtés ont été occupés par les immeubles modernes. C'est l'occasion de voir comment certains fragments des villes polonaises détruites ont été modifiés par le besoin croissant en logement (cf. les villes françaises bombardées par les Alliés avant le débarquement). On y a construit des parallélépipèdes (blok en polonais) séparés entre eux et entourés de verdure et place de jeux, sans respecter la structure urbanistique existante. Ce coin de la Vielle-Ville a été l'objet de modernisation et de remplissage immobilier des parcelles restées longtemps vides. Vous arrivez à la rue Kuźnicza (de forges, Platea Febrorum en latin) qui, comme son nom indique était habitée par les forgerons, près du château ducal (actuel bâtiment de l'Université) alors que son secteur près du Rynek était occupée par les serruriers. Elle formait avec la rue Świdnicka la colonne vertébrale (nord-sud) de la Vratislavie médiévale. Elle fut aussi l'endroit où logeaient, dès le XVIe siècle, les sujets du roi de Pologne. En 1550 on signale ici la Polnisches Haus (Maison polonaise), plus tard les auberges-relais comme la Stadt Warschau (ville Varsovie), Aux deux Polonais, Au Polonais rouge et surtout la dernière encore marquée dans l'entre-deux-guerre, par un panneau en polonais, Au sceptre d'or (au numéro 22, bâtiment de la chaire de philologie anglaise contenant des restes gothiques et Renaissance de l'ancien relais). Y logea en 1803 le créateur de l'hymne polonais, Józef Rybicki. En 1813, l'officier prussien, Adolf von Lützov y ouvrit le bureau d'enrôlement pour les jeunes gens enthousiastes et prêts à combattre les Français. Les recrus du Freikorps (corps francs) de Lützov y recevaient les uniformes noirs aux liserés rouges et boutons dorés (couleurs de l'Allemagne républicaine). La partie menant au Rynek est assez bien conservée alors que celle qui conduit à l'Université fut très endommagée.

Au numéro 12 reste debout intacte malgré les destructions des alentours la maison A l'heaume d'argent sur laquelle débouche la rue Igielna (d'aiguille). Sa façade aux fenêtres séparées par des bas-reliefs ne manque pas d’élégance. Au premier ils évoquent l'art militaire, au second, ils représentent des guirlandes de feuilles et fleurs et ceux au troisième, de fruits. Le sommet est décoré d'un buste resté intact en 1945.

Continuez la parcours et vous arrivez à la rue Szewska (de cordonniers). Elle est aussi une vieille artère médiévale habitée par les membres de la guilde qui avait reçu l'acte de fondation du duc Henri IV le Juste en 1273. La rue se terminait au nord (à votre gauche) par la porte saint Matthieu, devant laquelle l'Ordre des croisés à l'étoile rouge construisit au XIVe un hôpital qui fut détruit au XVIIe pour y ériger son siège vratislavien sous forme d'un palais baroque (aujourd'hui le bâtiment abrite la Fondation Ossoliński transférées de Leopol après la guerre). Devant le palais, une collégiale gothique saint Matthieu (fondation comme l'hôpital, de la veuve d'Henri II le Pieux et la figure du très populaire saint tchèque, Jean Népomucène (1723, de Johann Georg Urbansky, sculpteur originaire de Bohême, très actif à Vratislavie). L'église construite sur le plan en croix latine possède deux autels latéraux baroques et une chaire Renaissance. Dans la crypte fut enterré Johannes Angelus Silesius.


Angelus Silesius (1624-1677) fut élevé dans le luthéranisme. Fils de Stanislas Scheffler, noble d'origine polonaise, il commença ses études au St. Elisabeth-Gymnasium à Vratislavie, ensuite la médecine et les sciences à l'université de Strasbourg - alors luthérienne. De 1644 à 1647, il fut élève à l'université de Leyde, où il découvrit l’œuvre de Jacob Böhme et fréquenta un des amis de ce dernier, Abraham von Franckenberg, qui l'initia probablement à la Kabbale, à l'alchimie, à l'hermétisme et lui fit rencontrer certains écrivains mystiques vivant à Amsterdam. Franckenberg avait rassemblé les œuvres complètes de Böhme à l'époque où Scheffler vivait aux Provinces Unies. La République accueillait à l'époque de nombreux groupes religieux dissidents, ainsi des mystiques et des universitaires persécutés ailleurs en Europe. Scheffler termina ses études à l'université de Padoue, où il fut reçu docteur en philosophie et en médecine en 1648, avant de rentrer dans sa région natale. Poète, médecin, théologien et mystique de langue allemande, influencé fortement par Abraham von Franckenberg, son mentor et protecteur auprès du duc de Württemberg-Oels dont Angelus Silesius devint le médecin. Son mysticisme et ses critiques de la doctrine luthérienne (en particulier de la confession d'Augsbourg) entraînèrent des tensions avec le duc (luthérien dévot) et certains membres de la cour ducale. Scheffler commença par ailleurs à cette époque à avoir des visions mystiques ; une partie du clergé luthérien le considérait comme un hérétique. À la mort de Franckenberg, en 1652, Scheffler démissionna de son poste - peut-être sous la contrainte - et se plaça sous la protection de l'Église catholique. En 1652 il retourna à Vratislavie où il devint médecin dans le couvent de l'Ordre des croisés de l'étoile rouge auprès de l'église saint Matthieu. C'est ici qu'il se convertit au catholicisme en prenant le nom d'Angelus. Il participa activement à la Contre-Réforme et fut attaqué par les protestants menaçant en tant que noble polonais de demander la protection du roi. En 1654 il fut nommé médecin de l'empereur Ferdinand III. En 1661 il reçut, ayant la dispense papale, le sacrement de prêtrise à Nysa. Il exigeait la recatholisation de la Silésie. Et il devint le conseiller et le maréchal de la cour épiscopale. Ses dernières 10 années furent consacrées à la vie dans le couvent saint Matthieu où il s'occupa en tant que médecin du corps et de l'âme de pauvres.

Sa principale œuvre de polémique est la Conviction morale motivée ou démonstration selon laquelle l'on pourrait et devrait contraindre les hérétiques à la vraie foi (publié en 1673).

Très lu par les poètes et philosophes de culture allemande dès le XIXe siècle, son influence posthume s'étend jusqu'à Rilke, Schopenhauer et Heidegger.

Ces deux vers sont au centre de la pensée heideggerienne :

« La rose est sans pourquoi, elle fleurit parce qu'elle fleurit,
N'a pour elle-même aucun soin, – ne demande pas : suis-je regardée ? »


A votre droite vous voyez l'église de la Madeleine que vous avez déjà visitée (cf. la ville vue d'en haut). En arrivant à la rue Wita Stwosza (Albrechtsstrasse), tournez à gauche pour vous diriger vers la place Dominikański (des Dominicains)
. A droite, au numéro 12, le palais des princes Hohenlohe est exemple unique à Vratislavie du style néo-classique pur de la fin du XVIIIe, importé de France au royaume de Prusse. Le bâtiment a subi tout de même des modifications aux XIXe et XXe siècles. A l'angle, à la place du restaurant Piramida, se trouvait le Wiener Café Royal. Plus loin, à gauche, deux bâtiments peuvent attirer votre attention. Aux numéros 33-35, l’ancienne Schlesischer Bankverein (Goldene Muschel), aujourd'hui, le siège de la banque PKO Bank Polski (caisse d'épargne) datant de 1899 (visible au dessus de l'entrée de la Société bancaire de Silésie) et 31-32. L'ancien palais des Hatzfeld était le plus bel hôtel particulier de la ville. Gravement endommagé, ce bâtiment néo-classique datant de 1765-1773 est l’œuvre de l'architecte français d'origine italienne, Isidore Ganneval, très actif à Vienne et Budapest. Il fut le siège du Oberpräsidium de Silésie jusqu'à 1945. Il devait être restauré des destructions puis dans les années 1960 il a été partiellement démonté et réduit au rez-de-chaussée et à la mezzanine et transformé en salle d'exposition.



Albrechtsstrasse 1909 (au fond à droite le bâtiment de la Poste centrale, détruit après la 2GM)





Albrechtsstrasse (Wita Stwosza) à gauche le palais des Hatzfeld, au fond l'église saint Adalbert (avant la 2GM)


Vous débouchez sur l'église saint Adalbert de Prague, le couvent dominicain et la place du même nom (plac Dominikański). Cette dernière était beaucoup plus petite que l'actuelle qui n'est que le résultat des destructions de 1945 et des démolitions qui ont suivi la prise de la ville par les autorités polonaises. Les vieilles maisons médiévales au bord de ruelles furent rasées lors de bombardements soviétiques au phosphore ou dynamitées (pas loin, au sous-sol de la nouvelle place du marché, rasée aussi, un des principaux bunkers de la Festung Breslau). La Poste centrale, à l'angle de Wita Stwosza (à votre gauche), brûlée mais dont les murs étaient debout, a été démolie au début des années 1950. Selon le bruit couru son architecture était trop prussienne (de fait dans le style néo-baroque) mais en réalité la décision venait du manque de moyens pour sa reconstruction. Ses briques et pierres ont été envoyées à Varsovie que toute la nation devait reconstruire (cf. Histoire de la ville). Entre 1951 et 1989 la place portait de nom du révolutionnaire polonais, Félix Djerjinski!

 
La première église saint Adalbert date du XIIe siècle et se trouvait encore en dehors des fortifications. En 1226 elle fut donnée aux Dominicains de Cracovie qui entreprirent, par étapes, la construction gothique à deux nefs. Au XIVe le temple commençait à prendre la forme actuelle. Les périodes suivantes ont rajouté les chapelles et le décor baroques. En 1810 la sécularisation des ordres la transforma église paroissiale. Elle fut restaurée entre 1915-17. Détruite à 70-75% en 1945, elle a été progressivement remise en état (46-48, 53-55 et à partir de 1981 reconstruite). La chapelle du bienheureux Czesław Odrowąż (disciple de saint Dominique), visible de l'extérieur, vaut l'entrée dans l'église. Construite entre 1715–1730 la chapelle qui contient son tombeau est restée intacte lors du siège.

La place actuelle est occupée par un hôtel et une galerie marchande où vous pouvez constater la globalisation à marche forcée... et y faire des emplettes voire vous reposer sur une chaise d'observation car l'endroit est devenu depuis sa construction un lieu de passage obligé. Pour ceux qui préfèrent du calme et aspirent au repos, la rue qui longe l'église possède un endroit particulier: l'ancienne église sainte Catherine et ses dépendances conventuelles dominicaines reconstruites dans les années 1975-1980 et transformées pour usage laïc : cafés, restaurants, Théâtre du chant de bouc, salles d'expositions et de concerts (Stary Klasztor). 

Site du théâtre - http://piesnkozla.pl/en/o-nas/

Site du Stary Klasztor - http://www.staryklasztor.com.pl/

Derrière l'église saint Adalbert se trouvent trois institutions qui valent la peine d'être visitées. Vous contournez l'ensemble par la rue de Jan Evangelista Purkyně (principale rue de la Nouvelle Ville dont le particularisme fut vite annulé et elle fut englobée dans la Vieille-Ville) ou par la place en suivant le trottoir de l'église saint Adalbert et en traversant la première rue pour atteindre la rue Bernardyńska. Le Musée d'architecture (numéro 5) occupe l'ancien couvent et l'église des Bernardins (Franciscains observants). L'ordre de saint Bernard de Sienne fut amené à Vratislavie en 1453 par le le moine italien, Jean de Capistran qui avait été envoyé par le pape Nicolas V en tant qu'inquisiteur pour combattre les vices et les hérésies en Europe centrale. Il reçut du conseil municipal un terrain pour y construire un couvent afin d'installer les 30 jeunes recrus. En 1517 l'ensemble fut achevé mais les Bernardins ne séjournèrent dans la ville que 70 ans. En conflit avec les Franciscains réformés de saint Jacques et le conseil ils furent expulsés et leurs bâtiments conventuels, transformés en hôpital tandis que leur église, donnée aux luthériens. Bombardé, l'ensemble a été reconstruit et adapté aux nouveaux besoins (1956-1974). C'est le seul musée de ce type en Pologne. Il propose une collection d'éléments d'architecture et de sculpture, provenant des bâtiments non existants de la ville et la région en tant qu'objets d'artisanat spécifique, et de documentation photographique. L'ensemble des tendances dans l'architecture vratislavienne sur 1000 ans est exposé de manière claire et instructive.


Ouvert tous les jours à l’exception du lundi comme suit : mardi, vendredi, samedi, dimanche (11-17h), mercredi (10-16h), jeudi (12-19h). 
 
En revenant à la rue Jan Evangelista Purkyně à droite vous tombez sur un bâtiment circulaire dont la conception des années 1950 a été réalisée seulement à la fin des années 1970 pour des raisons politiques. Le Panorama de Racławice est une fresque picturale panoramique de 114 mètres pour 15 mètres de hauteur retraçant la bataille de Racławice durant l'insurrection de Kościuszko en 1794. 
 
Mais les vicissitudes des relations entre les autorités communistes polonaises et leurs frères et décideurs soviétiques n'ont permis l'ouverture de l'exposition qu'après les événements de 1980-81 (changement d'équipe dirigeante et création de Solidarność). Les travaux du bâtiment ont repris mais la situation catastrophique de l'économie polonaise et de l'état de conservation des toiles a retardé l'ouverture qui n'a eu lieu qu'en 1985.
C'est l'une des rares œuvres de ce type (datant du XIXsiècle) encore préservée, et la plus ancienne en Pologne. Le panorama est exposé dans une salle cylindrique, dont le centre accueille les spectateurs. Il représente différentes scènes sous plusieurs angles de vue. Le style de perspective utilisé dans la peinture, et les effets rajoutés de lumière et de terrain artificiel, créent une sensation d'immersion dans la scène.
L'idée revient au peintre Jan Styka, qui invita le peintre de bataille de renom Wojciech Kossak à prendre part à ce projet. Ils furent assistés par Ludwik Boller, Tadeusz Popiel, Zygmunt Rozwadowski, Teodor Axentowicz, Włodzimierz Tetmajer, Wincenty Wodzinowski, et Michał Sozański. La totalité du panorama, de plus de mille sept cents mètres carrés, fut réalisée en neuf mois, entre août 1893 et mai 1894, et sa première présentation eut lieu le 5 juin 1894, lors de l'Exposition universelle de Galicie à Leopol (Lwów, actuellement en Ukraine), attirant une foule immense de curieux et de touristes ainsi le l'empereur François-Joseph et sa famille. Deux ans plus tard il fut transporté et exposé à Budapest où, pendant un an, 800 000 Hongrois vinrent le voir en s'identifiant aux Polonais dans leur lutte contre l'envahisseur russe. C'est cette victoire, plus symbolique que stratégique qui fut le sujet délicat dans les relations polono-soviétiques (russes).

L'oeuvre fut restituée par l'URSS en 1946 pour reprendre une nouvelle vie à Vratislavie.

Le Musée national dont dépend le panorama se trouve plus loin, à droite. Il occupe l'ancien siège des autorités prussiennes pour le district de la Silésie centrale (Regierungsbezirk Breslau) datant des années 1883-86, construit comme premier en Allemagne dans le style néo-Renaissance néerlandais. Il présente au rez-de-chaussée une collection de sculptures en pierre de la Silésie (XIIe -XVIe), au premier étage, l'art de la Silésie (XIVe-XVIe et XVIe-XIXe), au second étage, l'art polonais (XVIIe-XIXe), européen (XVe-XXe) ainsi que l'art de l'Orient et au dernier, l'art contemporain polonais.

Certains objets proviennent des institutions prussiennes et allemandes comme le Musée royal d'art et d'antiquités (Königliches Museum für Kunst und Altertümer), Musée silésien des beaux arts (Schlesisches Museum der bildenden Künste) et Musée silésien d'art industriel et d'antiquités (Schlesisches Museum für Kunstgewerbe und Altertümer). Elles n'existent plus, leurs collections ainsi que les objets d'art présents dans les églises furent dispersés à travers toute la Silésie et mis à l'abri. Certains objets ont été sauvés par les Allemands et se sont retrouvés à l'ouest, d'autres furent victimes de combats, de destruction et vol par les soldats soviétiques, les vandales et pillards.

Les objets sauvés de la guerre ont souvent été envoyés dans les musées de Varsovie, Cracovie et Poznań afin d'effacer le passé allemand sur place. Depuis 1989 ils commencent à retourner à Vratislavie. La collection d'art polonais provient des collections de Leopol et Kiev. La collection d'art contemporain est parmi les plus grandes de Pologne.

Dans la collection d'art européen on peut voir les œuvres d'Antonio Bronzino, Pieter Brueghel le Jeune, Wassily Kandinsky.

Ouverture: du mardi au vendredi (10-16h), samedi, dimanche (10-17h) du 1 octobre au 31 mars et une heure de plus du 1er avril au 30 septembre.

Comme la baie de gondoles est juste derrière le musée vous pouvez profiter pour faire un tour sur le fleuve. Sinon une ballade à travers le parc (piste cyclable) vous conduira le long du fleuve à la place Nankiera (cf. Histoire de la ville) en tournant à gauche. Sur votre gauche la Halle de marché n. 1 (les trois autres n'ont pas survécu à la guerre et aux démolitions postérieures), construite par deux architectes Richard Plüddemann et Heinrich Küster (1906-08). Le bâtiment, qui était censée accueillir tout le commerce à l'extérieur, par son aspect (le style néo-gothique, la tour évoquant les fortifications démolies) et par sa conception innovatrice (éléments porteurs de forme parabolique en béton armé), peut vous intéresser. La bourse d'Amsterdam (Bourse de Berlage) lui a servi de modèle. D'ailleurs si vous regardez le plan de la capitale hollandaise vous constaterez une ressemblance surprenante avec le site de la Vratislavie médiévale, les caneaux mis à part. De plus, en entrant vous pouvez y acheter des produits frais et autres victuailles pour pouvoir continuer votre visite.



Vous êtes dans l'ancienne Nouvelle Ville (Neustadt), résultat de la fondation du XIIIe siècle en tant qu'un ensemble séparé de la Vieille-Ville (pas pour longtemps) et premier plan urbanistique en damier. Au centre de cette partie, le Nouveau Marché (Neumark) dont il ne reste que le bâtiment public datant de la Ire Guerre mondiale qui, relié au palais des Hatzfeld (cf. ci-dessus), faisait partie du complexe administratif de la province (Oberpräsidium). La place, que vous pouvez atteindre en avançant vers le sud, fut presque totalement détruite et même si quelques maisons restaient encore debout leur sort fut scellé par les démolisseurs des années 1947-1950. Elle a été entourée par les immeubles d'habitation dans les années 1960 qui ont complètement changé son caractère commercial. Elle est devenue une sorte de cité, quasi morte le soir. Le bâtiment épargné sur le côté sud abrite l'administration municipale. 
 
 La place du Nouveau Marché 1904 (au fond l"église de la Madeleine)


L'état de la place en 1945-48 au premier plan l'entrée du bunker antiaérien de Festung Breslau


Vue sur le côté nord de la place avec au fond l'église de saints Vincent et Jacques 1950-60



Années 1955-60: la place a retrouvé sa fonction de marché paysan sans cadre architectural détruit ou démoli




 Nouveau cadre architectural du milieu des années 1960



La place fut le centre de la vie active pendant 7 siècles: artisans, marchands et négociants de la Hanse allemands, wallons, juifs et polonais côtoyaient ici les paysans venus vendre leurs produits. Elle était traversée par la grande route commerciale nord-sud reliant la mer Baltique à la Méditerranée. Vous venez de voir le Pont de sable  (most Piaskowy) qui permettait et contrôlait le passage sur le fleuve. L'habitat en bois de la place était progressivement transformé en brique. Plusieurs fois détruite par incendies et bombardements, elle renaissait à chaque fois grâce à son importance économique. En 1455, 27 maisons furent détruites par le feu, en 1534, la place fut pavée avec les matériaux provenant de l'abbaye d'Olbin, en 1592 un puits y fut creusé qui allait recevoir, en 1732, la forme de statue de Neptune. Pendant la guerre des Trente Ans encore une incendie détruisit l'habitat qui, reconstruit, fut de nouveau bombardé lors de la dernière guerre de Silésie (1760). Durant la période prussienne la place perdit son rôle commercial. En 1908 le marché fut transféré dans la halle voisine. Au début de la IIe Guerre mondiale, les Allemands construisirent dans le sous-sol le bunker antiaérien autour duquel circulaient des histoires sur les soirées de débauche organisées par le Gauleiter Hanke, maître absolu pendant le siège de la ville en 1945.



Après la guerre et jusqu'au début des années 1960, l'endroit fonctionnait comme un marché à ciel ouvert. A côté des pillards tentant de vendre leur prise (d'où le nom de Szaberplac, szaber étant un mot yiddish signifiant casse, vol et qui était très répandu dans le ghetto de Varsovie puis dans les territoires anciennement allemands, « recouvrés » par la Pologne, et qui consistait à entrer dans les maisons et appartements abandonnées par les Allemands en fuite), les paysans des environs vendaient leur production dans les étales au milieu de la boue et des animaux vivants.

A partir des années 2000 un débat animait les habitants et les autorités quant à l'avenir de la place : fallait-il détruire les blocs d’habitation de l'époque communiste ou au contraire, les conserver comme témoins et monument caractéristique de l'époque révolue. Finalement, les blocs et la place ont été rénovés et un parking souterrain aménagé dans le cadre de la revitalisation de ce quartier central si proche du Rynek.


En revenant sur vos pas vous voyez un des bâtiments de l'Université (ancien couvent franciscain puis des Prémontrés venus de l'abbaye d'Olbin, détruite par les autorités municipales) et l'église saints Vincent et Jacques. Si le bâtiment conventuel fut victime de la sécularisation de 1810, l'église devint paroissiale jusqu'en 1991. Sa fonction d'être l'église de garnison (pendant les travaux de reconstruction après l'incendie, de l'église sainte Élisabeth) a été abandonnée en 1997 pour le culte gréco-catholique sur la décision de Jean-Paul II.

La population transférée d'origine ukrainienne (cf. ci-dessus la partie consacrée à la cathédrale orthodoxe du Quartier des quatre temples). C'est une construction gothique remontant au XIIIe et fondée par le duc, Henri II le Pieux dont le corps fut enterré, après la bataille de Legnica. Son cadavre (décapité par les Tatares) fut emmené en 1944 par les scientifiques allemands et soumis aux tests en vue de prouver ses origines aryennes. Durant le siège de 1945 le cadavre a disparu.

L'église subit de nombreuses modifications à la fin du Moyen Age et au XVIIIe lorsqu'on a rajouté la chapelle sainte Barbe et surtout la chapelle funéraire- mausolée de l’orgueilleux abbé Ferdinand von Hochberg, tout récemment restaurée.

Quant au couvent, aujourd'hui le siège de l'Institut de philologie polonaise, il est intéressant de signaler que c'est un moine franciscain appelé Benoît de Pologne qui entama d'ici l'une des plus grande expéditions jusqu'à la cour du Grand Khan de l'Empire mongol en 1245-1247. Il accompagna Jean de Plan Carpin dans son voyage en tant que délégué du pape Innocent IV.

Le bâtiment actuel est l'ancien couvent des Prémontrés qui s'installèrent ici en 1530 à la place des Franciscains. Ces derniers arrivèrent à cet endroit en 1240 et construisirent leur résidence à Vratislavie sous le patronat de saint Jacques. Il ne reste de leur passé que l'église que vous allez visiter. Transférés dans le « Quartier des quatre temples » suite à la compétition avec leurs frères observants (Bernardins) et au conflit avec les dirigeants de la ville en train de passer à la Réforme.  Les Prémontrés (ordre augustinien), eux-mêmes chassés de leur abbaye d'Olbin,  transformèrent les bâtiments conventuels d'abord dans le style Renaissance au début du XVIIe puis baroque. Le couvent organisé autour d'un patio à trois ailes de trois niveaux et, à côté, un véritable palais pour la résidence du dignitaire ecclésiastique. La patte baroque est visible de l'extérieur mais on peut entrer dans l'Institut de philologie.       


On sait peu sur la vie de Benoît au-delà du récit du voyage. Le monastère franciscain de Vratislavie où il résidait fut le premier arrêt important de la mission de Jean de Plan Carpin après son départ de Lyon en avril 1245. Benoît qui parlait le vieux slave fut choisi comme interprète pour accompagner la mission. Il faut rappeler que les troupes tatares de la Horde d'Or avaient tenté de s'emparer de l'Europe (cf. la bataille de Legnica dans Histoire de la ville) et le duc de Vratislavie, Henri II le Pieux,  y trouva la mort. Les Mongols étaient aux portes de Trieste en 1242 d'où pour des raisons inconnues elles rebroussèrent  chemin. Le Grand Khan, Ögedeï, venait de mourir. Batu, le khan de la Horde d'Or et petit-fils de Gengis Khan, voulait avoir un mot à dire sur le choix du grand chef des Mongols.

Face aux dangers qui pesaient sur l'Europe, entre autres, aux rivalités entre les princes chrétiens, le nouveau pape, Innocent IV, voyant ses appels à la croisade contre les Tatares vains, décida de prendre contact directe avec les Mongols. La mission fut confiée aux Franciscains et aux Dominicains qui menaient une intensive mission d'évangélisation à l'est de l'Europe. Afin d'augmenter les chances d'atteindre l'objectif, il envoya quatre ambassades (légations) : deux dominicaines et deux franciscaines qui devaient emprunter les chemins différents. Le but fut atteint par une seule, celle qui avait choisi la route septentrionale en passant par l’Ukraine actuelle, dirigée par un diplomate expérimenté,  Giovannni da Pian del Carpine, disciple et compagnon de saint François d'Assise et le provincial supérieur de l'ordre en Pologne. Il y avait séjourné plusieurs années et n'ignorait pas la langue du pays. Après la défaite de Legnica, il se rendit à Rome et c'est à la cour papale qu'il plaida la cause de sauver l'Europe de la menace mongole. Il proposa au pape de prendre dans son expédition le moine polonais qui pourrait servir de guide, secrétaire, interprète et expert de la langue et des us et coutumes des Ruthènes (Russines de Kiev et non Russes de Moscou). Il était probable d'utiliser comme intermédiaires ses prisonniers ruthènes  à la cour du Khan. Certains historiens pensent que Benoît connaissait la langue mongole grâce au contact avec les prisonniers mongols pris par les princes  silésiens un mois auparavant.

Les buts recherchés par le pape étaient multiples dont la conversion khan au christianisme et une alliance contre les musulmans au Levant. La mission ayant le caractère religieux, politique, diplomatique, d’espionnage et de découverte, commença le 15 avril 1245 à Lyon où se déroulaient les préparatifs pour le concile. Ce jour-là Jean di Piano Carpini entama à 63 ans son voyage à dos d'âne pour porter la lettre du pape au Grand Khan. Il choisit comme compagnon de voyage, frère Štefan  (Stephanus) de Bohême. Ayant traversé les Alpes ils atteignirent Prague où ils furent reçu par le roi Wenceslas. Ils y furent rejoints par frère tchèque Czesław, tandis qu'à Vratislavie, par Benedictus Polacus et un autre franciscain, C. de Bridia (mentionné comme tel sans que l'on sache son origine- Brzeg, Bardo en Pologne ou Bréda du Brabant, d'où venaient certains colons en Silésie). La mission quitta Vratislavie  en novembre pour se diriger vers Cracovie (où les Franciscains rencontrèrent le prince ruthène, Wasylko Romanowitch, vassal de la Horde d'Or) puis vers Łęczyca, la capitale du duc de Mazovie, Conrad, où ils prirent langue avec des guides venus de la Rus'. De là, accompagnés déjà du serviteur du prince de Volhynie et chargés de cadeaux (essentiellement des fourrures) ils se rendirent à Kiev en plein hiver 1245/46 en empruntant la route commerciale qui passait par la Volhynie et qui était souvent attaquée par les Lituaniens. Tombés malades, incapable de se tenir sur la selle, transportés sur les traîneaux, ils furent témoins de destructions tatares (bourgs incendiés, squelettes entassés). Fin janvier ils étaient dans la capitale, ville qui se relevait de la dernière visite tartare et dont le prince était le vassal de la Horde d'Or. Le 3 février les Franciscains quittaient Kiev équipés de nouveaux chevaux, mongols et mieux adaptés aux hivers de la steppe asiatique. 20 jours plus tard, ils étaient à Kaniov, au sud de Kiev, au bord du Dniepr. Là, ils entraient sur le territoire directement administré par les Mongols et c'est là que le frère Stephanus abandonna la mission. Après la traversée du fleuve ils le longèrent jusqu'au campement militaire tatar à 90 km de l'embouchure. La mission fondait comme la neige alors qu'il faisait très froid car les guides ruthènes prenaient rebroussaient le chemin et les frères se retrouvèrent quasi seuls. La première rencontre faillit mal se terminer : les avant-postes mongols les prirent pour espions. Mais après les explications les Franciscains obtinrent une escorte jusqu'à Astrakhan où séjournait Batu, le khan de la Horde d'Or avec ses 60 000 combattants. Ainsi  se rendirent-ils à  Saraj Berke, la tout nouvelle capitale du khanat après avoir suivi la côte de la mer d'Azov et traversé la steppe des Coumans, peuple turc qui, mélangé aux Mongols donna naissance aux Tatares de Crimée mais aussi aux Kazakhs et des Gagaouzes en Moldavie (et ils sont associés aux célèbres Danses polovtsiennes de l'opéra Le Prince Igor d'Alexandre Borodine).

Mais revenons à nos moines qui le 4 avril virent à Saraj Breke une immense armée qui devait laisser aux moines cette impression de ville plus grande que Paris ou Florence. De là ils atteignirent Astrakhan où ils furent reçus le 7 avril par Batu à qui ils offrirent les "cadeaux poilus" (fourrures). Le khan les autorisa à poursuivre le voyage à condition qu'ils se séparassent en deux groupes.  Czesław et C. de Bridia retournèrent à Saraj tandis que  Jean di Piano Carpini et son secrétaire, Benoît de Pologne entamèrent le jour de Pâques (il fallait avoir la foi) le voyage long de 5000 kilomètres, après avoir obtenu le firman leur garantissant la protection du khan, les chevaux frais et les traducteurs de ruthène. Ils mirent trois mois et demi pour atteindre le Karakorum, capitale de l'empire jusqu'au choix par Kubilai Khan de Khanbalik (actuelle Pékin) vers 1260. Ils traversèrent les immensités asiatiques durant le jour comme la nuit en changeant les chevaux trois, quatre fois par jour voire six à sept fois.

Il est difficile d'établir le tracé de leur expédition et ce malgré une description détaillée réalisée par Benoît, car les noms topographiques ont changé depuis. On peut seulement admettre qu'ils parcoururent le Kazakhstan actuel, l’Ouzbékistan (mer d'Aral, la Syr-Daria), de nouveau le Kazakhstan (lac Balkhach et région de Jetyssou plus à l'est) et l'actuelle région autonome ouïgour du Xinjiang et le plateau mongol dont le désert de Gobie. Profitant de relais de poste pour les chevaux et la nourriture composée essentiellement de millet, les moines, épuisés et amaigris, atteignirent à la sainte Madeleine (22 juillet 1246) la résidence d'été du Grand Khan, Syra Orda au bord de la rivière Orhon, dans la capitale de l'Empire, Karakorum. Une longue attente ne leur permit pas de se restaurer et retrouver esprit, les Mongols réunis en khuriltai procédaient à l'élection du nouvel « empereur » et nos deux braves moines, mal traités faillirent mourir de faim. Un orfèvre ruthène, Kuzma, les approvisionna et les envoya au palais de la régente depuis la mort du khagan en 1241. L'aristocratie mongole élut Güyük, fils d’Ögödei, troisième fils de Gengis Khan et de son épouse principale Börte. Sa mère Töregene ayant assumé la régence après la mort d’Ögödei (1241-1246).  Les ambassadeurs du pape furent témoins de terribles précipitations et inondations qui frappèrent la région mais cela ne les empêcha pas de profiter de quatre mois de séjour à la cour du nouveau khagan pour apprendre un peu la langue et communiquer, et d'entrer en contact avec les ambassades du califat de Bagdad, du sultanat de Dehli, du royaume de Géorgie, de Corée et de Chine qui étaient venues rendre l'hommage et apporter le tribut et les cadeaux. L'intronisation de l'empereur comme l'appellent les Franciscains dans le récit, dura une semaine à partir du 24 août. Carpini et Benoît la décrivent avec beaucoup d'étonnement quant à la richesse, le caractère mufti-ethnique, aux réjouissances qui se déroulaient sous une immense tente au fond de laquelle était dressé un trône en en ivoire. Le khagan, homme d'une quarantaine et de taille moyenne, leur paraissait fort intelligent, prudent, sérieux et noble. Et c'est à cette occasion qu'ils furent reçus par Güyük pour la première fois. Une deuxième audience eut lieu le 11 novembre lors de laquelle ils lui offrirent le peu de cadeaux qui leur restaient de la distribution qu'ils avaient dû faire aux dignitaires locaux rencontrés pendant leur long voyage. Ils lui lirent la lettre du pape et prononcèrent quelques prêches sans grand effet. La réponse du khagun à l'appel du pape fut négative et le chef de l'Eglise fut invité à se présenter avec les princes chrétiens pour lui rendre hommage et prêter le serment de fidélité. En échange ils garantissait la paix et la renonciation aux attaques de ses armées. Deux jours plus tard, les ambassadeurs du pape reçurent une lettre rédigée en quatre langues (mongole, perse, turque et latine) qui confirmait la position du Grand Khan qui s'y proclama l'empereur de tous les croyants. Il s'y indignait de l'idée de l'Occident de considérer sa religion comme la seule vraie et de mépriser celle des autres. Selon lui, on ne savait pas à qui Dieu destinait sa grâce. Ce même jour, après avoir obtenu la permission de retour, les ambassadeurs quittèrent le capitale mongole pour rejoindre l'Europe. Leur périple dura 1 an et 5 jours avec les mêmes problèmes et les incommodités de l'hiver rude d'Asie centrale tout en prenant des notes de leurs observations concernant les pays traversés et les peuples rencontrés et leurs coutumes et croyances. Ils avaient constaté une tolérence des Mongols à l'égard des chrétiens, en particulier des nestoriens bien présents en Chine et en Mongolie.


En mai 1247 ils étaient à Seraj où ils furent rejoints par leurs confrères.  C. de Bridia avait appris la langue, la stratégie militaire et la tactique mongoles pendant son séjour obligé.

Kiev de Wasylko Romanovitch les accueillit le 10 juin avec joie, honneur et festin. En juillet ils étaient en Pologne mais personne ne les attendait. Leur apparition fut une surprise totale et du coup ils devinrent des héros. Ce fut le cas de toutes les villes sur leur parcours. Les princes organisaient les réceptions et attendaient des récits que certains notaient (cf. Chronica sancti Pantaleonis qui évoque leur passage à Cologne). Leur voyage fut quelque chose d'exceptionnel d'autant plus que les Mongols étaient imaginés comme monstres sanguinaire, diables à tête de chien qui mangent leurs ennemis.

Après avoir traversé le Rhin ils poursuivirent la route jusqu'à Lyon où ils arrivèrent le 18 novembre 1247. Le concile était depuis longtemps terminé mais le pape y résidait encore et dirigeait la lutte contre l'empereur détrôné, Frédéric II. Ils transmirent les récits oralement et rendirent leurs notes et la lettre du Grand Khan. Leur mission était terminée.

Benoît retourna en Pologne en passant par de nombreux couvents et en y rapportant ses récits. Dans son couvent vratislavien probablement il dicta en polonais au frère C. de Bridia le compte-rendu de l'expédition qui fut ensuite traduit en latin sous le titre Historia Tartarorum, le document a disparu. En 1957 l'antiquaire de New Heaven acquit en Europe un document avec ce titre. Il fut publié en 1965 par les chercheurs de Yale University.

Benoît écrivit lui-même un texte intitulé De Itinere Fratrum Minorum ad Tartaros,  premier traité européen sur la culture et les langues de l'Extrême Orient contenant beaucoup de termes mongols avec leur traduction en latin, les descriptions géographiques, les contes, la présentation du Grand Khan comme le Gog de la bible et Batu comme Magog, la citation complète de la lettre du khagan au pape, les informations concernant la Pologne et plus particulièrement la Silésie aux assauts tartares. 

Le Franciscain vratislavien peut être considéré comme le premier orientaliste. Oublié par les chroniqueurs et ses frères polonais, il est cité dans les sources étrangères d'où ce nom- Benedictus Polonus.

De Itinere Fratrum Minorum ad Tartaros (Sur le voyage des frères franciscains vers les Tartares), a été édité en latin par Marie-Armand d'Avezac en 1838 en appendice de l’édition de la Relation des Mongols ou Tartares par le frère Jean du Plan de Carpin. Édition en latin. Sa première traduction en polonais date de 1986.
 



En sortant vous continuez sur le même trottoir de la place de Nankier pour voir l'église saintes Claire et Edwige de Silésie (mère d'Henri II le Pieux et patronne de la réconciliation germano-polonaise). Les Clarisses furent installées à Vratislavie par la décision de la veuve d'Henri II le Pieux (encore lui, décidément un vrai saint) en 1257. Elle leur donna ce terrain de la rive gauche ainsi que deux îles (Bielarska et Słodowa). Les premiers bâtiments étaient en bois et c'est à l'apogée de l'ordre (fin du XVIIe) que l'ensemble conventuel fut construit en style baroque. Au début de leur existence les Clarisses sélectionnaient les candidates à la vie monacale. Les novices provenaient de grandes familles princières et de chevalerie. Avec le temps les familles bourgeoises reçurent la possibilité de placer leurs filles mais ces dernières n'avaient aucune chance de prétendre à la gouvernance du couvent. Pendant les premiers deux cent ans les abbesses étaient toutes d'origine princière et c'est pour cela que les ducs silésiens furent enterrés dans ce couvent très sélectif, en même temps que leurs princesses. En 1810 le couvent fut donné aux Ursulines qui fondèrent dans la ville deux écoles pour filles. En 1945 l'ensemble conventuel ne subit pas beaucoup de dégâts et les Ursulines allemandes offrirent leur institution aux Ursulines polonaises qui vinrent de Galicie orientale, annexée par l'URSS, en y abandonnant leurs biens. En 1946, elles ont créé leur collège et lycée privés qui fonctionna durant toute l'époque communiste sans grandes entraves comme leurs autres écoles à travers la Pologne (certaines familles liées au régime n’hésitaient pas à placer leurs filles dans cette institution catholique avec un internat afin de mieux les former et les encadrer que les institutions publiques).

L'église fort endommagée a été transformée, après les travaux de reconstruction, en Mausolée des Piast silésiens. On peut y voir les tombes et les gisants des membres de la dynastie.

En sortant vous tournez à droite dans la pittoresque ruelle, Zaułek Ossolińskich, vous avez mérité un repos dans le jardin de la Fondation Ossoliński (cf. ci-dessous). Au fond vous avez une sortie donnant sur la rue Szewska qui vous permettra de commencer à apprécier l'ensemble universitaire. Si vous désirez voir (de l'extérieur) le bâtiment de la Fondation (anciens hôtel de l'Ordre des croisés à l'étoile rouge, signalé plus haut), vous faites le tour en avançant dans la ruelle (entrée principale, à l'intérieur une jolie cour) et en sortant à gauche sur le rue Grodzka (de bourg, belle vue sur les îles) et en revenant sur la rue Szewska.
 
La Fondation Ossoliński fut créée en 1817 à Léopol (Lemberg) par  le comte Joseph- Maximilien Ossoliński, savant, bibliophile, collectionneur et membre des institutions scientifiques impériales. Quelques années après le dernier partage de la Pologne, il entreprit de fonder une institution, à caractère de bibliothèque et musée, nationale en vue d'assurer la continuité de la conscience polonaise. La fondation devait réunir des livres, manuscrits, objets de numismatique etc. et en même temps éditer une revue scientifique et prendre soin de jeunes savants. En 1817 l'empereur François permit la réouverture de l'Université Jean-Casimir de Léopol et de la chaire de la langue et littérature polonaise dont Ossoliński fut chargé de préparer le programme. Ainsi se présentait la nécessité de créer une bibliothèque dont les fonds survirevraient aux étudiants de lettres.
L'acte fondateur fut transmis à l'empereur qui l'approuva en 1817. Le comte acheta les bâtiments de l'ancien couvent de carmélites qui  devaient être transformés et adaptés à leur nouvelle fonction. Joseph Bem, futur héros de l'insurrection hongroise, s'en chargea.

En 1823 l'accord avec le prince Henri Lubomirski, grand aristocrate et collectionneur d’œuvres d'art aussi, prépara l'élargissement et l'enrichissement de la fondation qui devint l'Ossolineum (son nouveau nom) en 1827, un an après la mort du fondateur. Il stipula la création du musée portant le nom de l'aristocrate au sein même de l'Ossolineum. La famille de Lubomirski obtint le poste héréditaire du Conservateur littéraire. L'institution en organisant des rencontres entre les scientifiques, des soirées littéraires et concerts, en publiant une revue ou le dictionnaire de la langue polonaise de Samuel Linde, devient le premier centre de la vie intellectuelle et culturelle de la Pologne sous l'occupation étrangère, et ce jusqu’à l'indépendance voire au-delà, jusqu'à la IIe Guerre mondiale. Sa collection ne cessa d'augmenter pendant toute cette période.

Mais en septembre 1939 Léopol se trouva sous l'occupation soviétique. Le 31 janvier 1940 l'Académie des sciences de la république soviétique d'Ukraine saisit les biens de la fondation en en faisant une succursale de la bibliothèque de Lviv. Les nouvelles autorités prirent la décision de liquider le musée Lubomirski en dispersant sa collection d'art entre les musées locaux sous l'administration ukrainienne. L'entrée des Allemands en juillet 1941 mit fin à cette politique d'ukraïnisation en soumettant la bibliothèque léopolitaine au Département central de science et d'instruction du Gouvernement général. Les Allemands nommèrent le directeur polonais, Mieczysław Gębarowicz, qui avait prêté serment d’allégeance au Conservateur littéraire, Andrzej Lubomirski. L'approche du front, au début de 1944, poussa les Allemands à évacuer une partie de la collection importante pour la culture germanique. Le directeur tout en préparant les documents « allemands » profita pour sauver aussi les documents « polonais ». Dans deux transports d'évacuation se trouvaient 2300 manuscrits, 2200 diplômes, 1800 manuscrits anciens, 2300 dessins, les documents les plus inestimables pour l'histoire et la culture polonaise de la Bibliothèque des Baworowski (autre institution prestigieuse de Léopol), une collection de numismatique et de médailles qui prirent la direction de Cracovie. Là, l'ensemble devait être protégé dans les caves de l'Université Jagellon mais en juillet les Allemands décidèrent son évacuation vers intérieur du Reich. Le transport fut abandonné en Basse-Silésie où les Polonais le trouvèrent et transférèrent à Vratislavie. En 1947 l'institution reprit son activité ici,  dans cette ville fraîchement polonaise.

Entre 1946 et 1947, la fondation a reçu le « don de la nation ukrainienne à la nation polonaise ». Il s'agissait de l'envoi de Lviv (nom ukrainien de Léopol) de 217 000 volumes dont 7068 manuscrits et 41505 d'imprimés anciens. On estime que 70% des fonds de l'Ossolineum d'avant la guerre sont restés à Léopol. A partir de 1992 des négociations sont menées avec les autorités de l'Ukraine indépendante en vue d'accès libre et entier aux documents polonais se trouvant dans la bibliothèque de Vasyl Stefanyk et autres institutions lviviennes possédant les documents de la Fondation, avec la possibilité de copier, scanner, faire des microfilms de documents ou procéder à leur numérisation.

En 1945 beaucoup de Léopolitains, et en particulier des représentants d'élite sauvés de l'extermination nazie, sont venus s'installer dans leur nouvelle petite patrie. Ce sont les professeurs de l'Université léopolitaine qui, tout en travaillant pour la réouverture de l'université locale, préparèrent, dans les bâtiments de l'ancien hôpital de l'Ordre des croisés de l'étoile rouge, les conditions pour accueillir les collections sauvées en Basse-Silésie. L'ensemble était, depuis le début du XIXe, exploité comme collège et lycée catholique saint Matthieu. Après les travaux de rénovation les bâtiments étaient prêts en 1947. L'Ossolineum fut rattaché entre 1953 et 1994 à l'Académie des sciences polonaise (sur le modèle soviétique) et posséda sa propre maison chargée de publications scientifiques et littéraires, bien connues des anciens. Il joua un rôle important par son rayonnement national et international en gardant un certain esprit léopolitain propre. Par ses fonds qui contiennent les manuscrits, autographes des grands écrivains et poètes polonais l'institution vratislavienne est devenue la plus importante de la culture polonaise (de plus, par le projet de reconstitution du département des revues déposées et restées à Léopol/Lviv avant 1939).
 

En 1995 l'institution est devenue indépendante de l'Académie des sciences par le vote de la Diète du 5 janvier sous patronat du président de la République. L'Ossolineum tente de ressusciter le Musée des princes Lubomirski et les autorités polonaises ont lancé la campagne de revendication des œuvres volées et dispersées comme par exemple les dessins de Dürer, dans les collections publiques et privées en Europe et aux États-Unis (cf. The Fate of the Lubomirski Dürers. Recovering the Treasures of the Ossoliński Institute” d'Adolf Juzwenko   et Thaddeus Mirecki qui présentent l'ensemble des arguments). Une partie de la collection est restée à Lviv (Leopol).
 


L'institution, qui organise des expositions, concerts et spectacles de théâtre, peut être visitée (cour et salles d’exposition) du lundi au vendredi (8h-20h) et le samedi (9h-14h), en été les heures d'ouverture sont modifiées.
 




 La place de l'Université 1932-36



 L'état de la place en 1945



De la rue Szewska vous accédez à la place de l'Université. L'église baroque du sanctissime nom de Jésus appartient à l'Université qui, comme elle, fut bâtie sur l'emplacement du château ducal. L'entrée latérale vous permet d'y accéder de la rue où vous êtes. C'est un avant-goût de ce que vous allez voir dans la salle Léopoldine de l'Université. C'est une construction exemplaire de la Contre-Réforme en Silésie datant de la fin du XVIIe. La conception du décor du début du XVIIIe est due à Christophe Tausch, jésuite et peintre, élève d'Andrea Pozzi. Il se chargea des murs marmorisés, dorures, moulures, chaire et autels. Johann Michael Rotmayr von Rosenbrunn, formé en Italie et ayant travaillé pour la cour impériale de Vienne, l'archevêque de Saltzbourg entre autres, exécuta les fresques. Des dizaines de scènes: d'adoration de noms, de la vie de Vierge et du Christ, d'apôtres et de saints jésuites et Edwige de Silésie, de l'Ancien Testament, décorent les voûtes du chœur, de la nef et des galeries.

Les travaux de conservation de fresques furent  entrepris entre 1879- et 1893. Détruites en 1945, elles ont été reconstituées en 1947 et à partir de 1980 les conservateurs ont repris leur travail grâce aux fonds de l'Union Européenne.



En sortant à droite de l'église vous apercevrez la statue-fontaine de Szermierz (escrimeur) que Hugo Lederer, sculpteur allemand, artiste de l'Art nouveau et professeur d'art à Berlin, a réalisée en 1904. Le bassin est décoré de quatre masques. Selon les étudiants de l'époque, elles représentaient les professeurs tandis que l'eau qui en sortait symbolisait leur « cours de paroles » ennuyeux. Une autre légende raconte que le visage du jeune homme n'est que l'autoportrait du sculpteur qui, étudiant préférait le jeu de cartes aux cours ex cathedra. Ainsi, il aurait tout perdu aux cartes à l'exception de son fleuret et le visage de l'escrimeur n'est qu'une sorte d'expiation des pêchés de la jeunesse et rappel aux futures générations d'étudiants.

Sur cette place se dresse aussi un bel exemple d'architecture baroque pas si civile que ça. C'est un ancien internat jésuite construit entre 1724 et 1755 par Joseph Frisch. Le Collegium Convictorium Societatis Jezu ad S. Josephum fut fondé par la Compagnie de Jésus pour accueillir les jeunes gens désireux s'instruire dans le Colleguim Leopoldinum.
 

La vie d'environ 80 pensionnaires se déroulait autour de la cour, de la chapelle et du réfectoire (bien conservé) au rez-de-chaussée où se trouvaient aussi les étables, la cuisine, la chambre de l'adjoint du supérieur. Au premier se trouvaient la bibliothèque, les chambres du supérieur et du catéchumène, la salle de théâtre et le musaeum pour les pensionnaires. Au dernier logeaient les alumini et les surveillants.

Sous l'administration prussienne les Jésuites n'avaient que peu de chance de prospérer. En 1765 le rez-de-chaussée fut loué à la filiale de la Banque royale de Berlin et les étages, rétrécis pour les occupants. Les conséquences pour la chapelle étaient néfastes: son riche décor baroque a disparu avec le temps et l'usage. Néanmoins, le roi intervint en 1790 et finança les cours de danse, d'équitation, d'escrime, et de langues modernes (au début du XIXe), mais seulement aux jeunes gens nés nobles. Durant cette époque la chapelle perdit tout son décor et en 1800 l'institution fut placée sous l'administration d’État en tant qu'internat du Matthias-Gymnasium. Le baron Joseph Karl Benedikt von Eichendorff (futur poète et romancier) y fut placé avec son frère entre 1801 et 1804.

Après la réorganisation universitaire les autorités décidèrent de destiner les étages de cette noble institution aux logements pour les professeurs (cf. ci-dessous). Le premier étage fut occupé par Henrik Steffens, professeur d'origine norvégienne (qui a donné le nouveau nom au bâtiment). Ce philosophe, physiologiste, naturaliste et écrivain romantique est connu pour son appel à la mobilisation lancé de cet endroit à la jeunesse estudiantine le 10 février 1813 pour combattre les Français. Comme un vrai héros romantique il participa à l'organisation des Corps francs de Lützow et partit à la tête d'un détachement composé de ses étudiants renverser le tyran à Paris.

En 1822 les autorités vendirent deux statues de l'entrée au représentant de la famille d'éditeurs bien connue à Vratislavie pour les publications en polonais, entre autres, Johann Gottlieb Korn. La maison fournissait déjà en livres polonais le dernier roi de Pologne ou encore les universités de Wilno et Leopol mais elle éditait aussi le plus ancien journal de la région en langue allemande, le  Schlesische Zeitung (1742-1944). Les deux statues servirent à embellir le tombeau familial dont une, celle de sainte Lucie que vous pouvez voir dans la cour, a été retrouvée après la guerre qui n'avait pas épargné l'édifice.
 

L'ensemble a été restauré d'abord pour la Société vratislavienne des sciences puis fonctionna comme un département de l'Académie polonaise et enfin comme Institut d'anthropologie. Aujourd'hui vous pouvez y visiter la Salle de Czekanowski décorée de moulures et fresques (ancien réfectoire) et le Musée de l'Homme (ancienne chapelle) qui propose une riche collection de crânes exotiques et rares provenant en partie de la collection allemande sauvée grâce aux informations fournies par le professeur Egon von Eickstedt qui avait dirigé l'Institut avant la guerre. Il séjourna à Vratislavie au primtemps 1946 et permit de retrouver les adresses des assistants, leurs notes, instruments etc. et la collection de crânes exotiques de Hermann Klaatsch emportés lors de l'évacuation des archives, dépôts bancaires, habitants face à l'avancée de l'Armée rouge, et cachés dans les environs. D'autres objets proviennent de l'Institut d'anthropologie de Varsovie qui fut liquidé en 1953.


Avis aux amateurs des hominidés et autres homini sapiensi: le musée est ouvert lundi (8h-15h30), mardi (10h-16h), mercredi (8h-10h), vendredi (10h-15h) le Collegium anthropolgicum, aux horaires de cours.
 

A côté de l'église se trouve l'entrée du Musée de l'Université qui retrace son histoire dans les salles d'exposition et qui donne accès à l'Aula Leopoldina, l'Oratorium Marianum, au Musée et à la Tour de mathématiques (cf. Voir la ville d'en haut).

L’université de Vratislavie est née en 1702 en tant qu'une institution jésuite. C'est l'ordre d'Ignace de Loyola qui entreprit les démarches auprès de l'empereur Léopold  qui octroya les mêmes privilèges qu'avaient les autres universités européennes. Au début l'ordre fit édifier l'église puis en fonction de besoins croissants il prépara les plans de construction de l'ensemble en attendant la décision du conseil municipal concernant l'état juridique du terrain et de la porte d'accès au pont sur l'Oder. En 1728 les travaux commencèrent et un an plus tard les murs étaient dressés puis les travaux furent ralentis par manque de moyens et l’écroulement de la voûte de l' Oratorium Marianum. Pendant la construction de la Tour de mathématiques, l'Aula Leopoldina recevait les fresques de  Johann Christophe Handke et les moulures de  Franz Joseph Mangoldt. En 1732 elle fut consacrée ainsi que l’Auditorium Comicum (salle de théâtre, disparue depuis). L'aile occidentale ainsi que la Tour furent terminées cette année-là. Joseph Frisch remplaça le directeur de travaux, Johann Blasius Peintner, pour cet achevement. L’université ne reçut pas l'autorisation d'ouvrir les facultés de droit et de médecine. Parallèlement on entreprit l’élévation de l'aile orientale, après la démolition des bâtiments existants du château ducal, destinée au réfectoire, à la bibliothèque et aux logements des professeurs du Collège. Cette aile fut percée par un porche permettant la liaison avec la rue Kuźnicza. En 1740 les travaux, ralentis par une inondation, une sécheresse, une épidémie et le manque de main d’œuvre, étaient quasi terminés, la balustrade de l'aile occidentale ayant reçu les statues des quatre Vertus Cardinales, les ailes - la toiture.

Mais la mort de l'empereur Charles VI, le problème de succession et l'invasion de l'armée prussienne, changèrent la situation. Les bâtiments furent transformés en hôpital militaire ce qui provoqua des dévastations et l'arrêt de travaux. Les militaires ne quittèrent les lieux qu'en 1746 ce qui obligea la direction d'entreprendre des rénovations. Dix ans plus tard les militaires y revinrent et destinèrent les bâtiments aux dépôts de céréales puis à la prison pour les soldats autrichiens. La dévastation de l'ensemble se poursuivit à l’exception de la salle Léopoldine. L'année académique de 1763 y fut commencée mais tout prolongement de travaux fut stoppé définitivement et en 1773 survint la dissolution de la Compagnie de Jésus.

Durant les années 1780 les autorités conduisirent les travaux de rénovation et en 1791 la Tour de mathématiques devint l’observatoire astronomique. En 1811 le roi, Frédéric-Guillaume III ordonna le transfert de l'université Viadrina de Francfort sur l'Oder à Vratislavie. Et après quelques travaux de rénovation le 19 octobre fut inaugurée l'année académique. Le nom de l'université Léopoldine disparut pour être remplacé par Viadrine.

Les Prussiens permirent le développement de l'université en créant de nouvelles chaires comme celles de physique et de chimie laquelle fut installée dans un nouveau bâtiment pour en devenir l'Institut. Suite aux travaux de dénivellation de 2 mètres, une partie de l'université se trouva dans les sous-sols et il fallait y adapter le porche. Les rénovations se poursuivirent à la fin du XIXe et au début du XXe et les travaux de conservation contestables exécutés par Joseph Langer (peintre et conservateur silésien) furent fort critiqués. L'Auditorium Comicum, utilisé depuis 1814 comme musée zoologique, fut transformé en grande salle de cours (Auditorium Maximum). Une partie reçut l'éclairage électrique et du chauffage à vapeur dont l'Aula Leopoldina qui fut soumise à de nouveaux travaux de conservation et reçut une estrade et du nouveau mobilier.

Durant la Ire Guerre mondiale le bâtiment de l'université redevint un hôpital militaire mais cela n'empêcha pas de compléter les salles en éclairage électrique. Dans la période de l'entre-deux-guerres les travaux de rénovation reprirent et cela jusqu’en 1940.

Dévasté en grande partie, le bâtiment avait perdu les toitures (une grande brèche due à une bombe se créa à l'est de la Tour dont le sommet fut détruit), la Salle de musique était en ruine en mai 1945. Les autorités polonaises ont entrepris aussitôt les travaux de reconstruction et les fresques de la salle Léopoldine, ont été restaurées (1948-58).
   
Aula Leopoldina

C'est la plus grande et la plus représentative partie de l'université. C'est un monument civil unique en Pologne décoré dans le style du baroque tardif. Son nom vient de l'empereur Léopold Ier, son fondateur. Elle est le projet de l'artiste Christoph Tausch, élève d'Andrea Pozzo, (voir ci-dessus) réalisé par Johann Christophe Handke pour les fresques, Franz Joseph Mangoldt d'Olomuniec pour le statuaire et Ignazio Provisore, pour les moulures. Divisée en trois compositions: celles du podium, de l'auditorium et de la galerie de la musique.

Oratorium Marianum


La composition de l'intérieur est à lier à celle de l'Aula Leopoldina. Les travaux de décoration furent dirigés par Blasius Peintner puis Joseph Frisch et exécutés par les mêmes artistes que ceux de la salle précédente et l'escalier impérial auxquels il faut rajouter le sculpteur Johann Albrecht Siegwitz et le stucateur Johann Anton Schatzel. La salle est divisée en huit travées aux voûtes avec des lunettes. Les colonnes engagées et pilastres, les putti et séraphins rehaussent le décor peint en majorité et voué au culte marial.



L'ancien musée de l'université fut le premier musée public fondé suite à l'acte de cassation (sécularisation des biens des couvents et des collégiales catholiques) signé en 1810 par Frédéric-Guillaume III. Leurs meilleures œuvres se trouvèrent sous la tutelle de l’État prussien qui les destina au nouveau Musée de l'université dont le nom officiel était Königlisches Museum für Kunst und Altertümer (musée royal de l'art et des antiquités). Gustav Gottlieb Büsching (1783-1829), son directeur choisit pour son institution l'ex-couvent des Augustins sur l'Ile de sable qui abrita aussi la bibliothèque universitaire. Le musée conserva les meilleures œuvres dont 536 tableaux, des sculptures, des objets d'artisanat, d'arts militaires, de numismatique et des collections archéologiques alors que la bibliothèque, des exemplaires d'anciennes bibliothèques monastiques, des gravures et estampes dont une partie provenait de Francfort sur l'Oder et du Collège jésuite de Vratislavie.

L'Université de Vratislavie dans ses traditions s'appuie sur celles des universités allemandes ainsi que sur celles de l'Université de Jean Casimir fondée à Leopol en 1661 et dont les cadres vinrent en partie ouvrir l'année académique dès octobre 1945. 32 milles étudiants la fréquentent aujourd'hui.


Au bout du bâtiment en allant vers l'ouest vous tournez à gauche pour emprunter la rue Więzienna (de prison) qui vous conduira en effet à la prison municipale. Sur la gauche, à l'angle avec la rue Nożownicza (de couteaux), vous êtes devant un bâtiment en brique rouge, construit au Moyen Age (et transformé à plusieurs reprises) destiné aux prisonniers de classes inférieures (de là ils étaient conduits au Rynek pour la sanction capitale). Au début du XIXe, l'institution fut fermée et à partir de 1818 fonctionnaient ici le mont-de-piété et des institutions philanthropiques. Aujourd'hui, la triste bâtisse est le siège de l'Institut d'archéologie et ethnographie de l'Académie des sciences (entrée au numéro 6). La rue vous mènera au Rynek.

A l'opposé, c'est-à-dire, du côté sud du Rynek, vous avez un autre passage qui débouche sur la rue Ofiar Oświęcimskich (des victimes d'Auschwitz). A droite, jetez un coup-d'œil au numéro 1. C'est la maison du conseiller communal Heinrich von Rybisch. C'est lui qui fit voter la destruction de l'abbaye d'Olbin dont les matériaux servirent à paver la place du marché de la Nouvelle-Ville mais aussi à la construction de sa demeure que vous voyez. 
 
Heinrich von Rybisch (1485-1544) est un bon exemple des familles patriciennes vratislaviennes. En 1518 il représentait sa ville aux noces du roi de Pologne, Sigismond Ier avec la princesse italienne, Bona Sforza. En tant que protestant il s'opposait aux influences, encore vivantes dans la cité, du catholicisme. En 1522 le conseil municipal ordonna aux Bernardins de la Nouvelle-Ville (Musée d'architecture) de quitter la ville. Les moines portèrent plainte au roi de Bohême, Louis Jagellon. Et c'est Rybisch qui fut envoyé à Prague pour défendre la cause de la municipalité. Le conseil royal, dominé par les catholiques, commanda son assassinat mais prévenu par un courtisan protestant (en fait ledit conseiller ne voulant pas dévoiler le secret du conseil royal, l'aurait raconté à une statue du pont Charles alors que Rybisch y passait), Rybisch sauva sa peau en s'enfuyant, déguisé en femme. Selon la légende, ce même Rybisch aurait gagné au jeu de dés, l'église sainte Élisabeth, au maître de l'Ordre des chevaliers à l'étoile rouge, pour la donner au culte protestant. Propriétaire aussi des biens en Bohême ( Javornik et Jansky Vrch, territoires appartenant aux évêques de Vratislavie), il menait un train de vie qui était critiqué par ses coreligionnaires. Il prépara son passage dans l'au-delà, en faisant construire un tombeau monumental dans l'église de la Madeleine (vous l'avez peut-être vu) qui fut vandalisé avec de la graisse une nuit de l'année 1539.
A l'endroit que vous êtes, l'orgueilleux et richissime conseiller occupait une grande parcelle entre cette rue (Junkerstrasse avant la guerre!!!) et la rue Kazimierza Wielkiego. Il fit sculpter sur les portails et pilastres son propre portrait et celui de sa femme, les armoiries familiales ainsi que la scène présentant la naissance de son fils, Siegfried. Il ordonna aussi de graver les aphorismes destinés aux bourgeois envieux de sa richesse. L'un d'eux disait « Si tu es pieux, construis-toi, sans envie ni haine, une plus belle maison et laisse la mienne à moi » Tout un programme bien protestant. L'édifice à deux étages avait la fonction d'apparat et de représentation et logeait une bibliothèque, une collection de tableaux et de monnaies . Il possédait une terrasse avec une tour surmontée d'un heaume en cuivre. Notre Rybisch devait contempler d'en haut la ville et signifiait aux autres sa puissance. Derrière s'étendaient une cour avec fontaine, puis, les bâtiments servant aux activités commerciales et à loger le propriétaire et sa famille, et au-delà, au bord de la rivière (Oława noire), une maison d'été et un jardin, sur l'autre rive, relié par une passerelle en bois. Un luxe bien protestant!
Aujourd'hui un fragment de l'édifice est conservé et soigneusement restauré. Une galerie d'art s'y est installée depuis 2007.

Remontez les numéros de la rue. Elle vous dirige vers la grande artère, rendue aux piétons, ulica Świdnicka. Son tracé date de la fondation de la ville sur la loi de Magdebourg (cf. Histoire de la ville) et elle menait vers la porte du même nom. Bordée d'une série de fondations ecclésiastiques et caritatives. Au XIXe siècle elle devint la plus élégante et la plus représentative rue de la ville en pleine croissance économique et démographique (magasins, banques, hôtels, bâtiment du commandement général, opéra, forum royal) et la plus photographiée (excellent site iconographique: http://dolny-slask.org.pl créé par les Wratislaviae Amici, amis de Vratislavie). Elle a été victime de destructions du siège et de l'après-guerre. Son état actuel est le résultat de la politique de construction et d'aménagement de la fin des années 1950 et du début des années 1960. Le côté est, en ruine en 1945, a disparu pour être remplacé par des immeubles d’habitation et de commerce situés en retrait par rapport à la situation originelle. Le côté ouest a eu plus de chance et a conservé quelques façades d'origine malgré leurs modifications et la simplification. 
 
Un passage souterrain a été aménagé lors de la construction de l'axe est-ouest (lieu de manifestations de l'Alternative orange, cf. à la fin du chapitre). De l'autre côté vous avez encore deux églises gothiques à voir. 
 

De la première vous ne voyez que le chevet. C'est un édifice fondé par Charles IV en visite dans la ville en 1351. Dédiée aux saints Wenceslas Ier de Bohême, Stanislas Szczepanowski et Dorothée et offerte aux soins des Augustins ermites (ordre mendiant appelé aussi ordre des grands Augustins et concurrents des Dominicains). La présence de Charles IV à Vratislavie est associée à la négociation avec le roi de Pologne, Casimir le Grand qui devait y renoncer en tant que Piast et héritier des princes silésiens au droit sur la région. Les trois saints représentaient les trois éléments ethniques de la ville: tchèque, polonais et allemand (colons invités par les ducs silésiens).Tout un programme et symbole de la Mitteleuropa bien que déjà à la fin du XIVe les deux premiers saints ne soient plus mentionnés dans les documents. Sa construction se prolongea jusqu'au début du XVe. C'est un édifice à trois nefs égales en hauteur (type halle) aux voûtes d'ogives simples pour le chœur, plus complexes pour la nef centrale et les latérales, plus étroites. A l'intérieur au décor baroque, les stalles en bois richement sculptées du XVIIIe, représentant 14 scènes de la vie de saint François, surmontées de figures d'anges, du roi David avec la harpe et de sainte Cécile avec orgues, la chaire avec la Vierge adorée par les saints moines et le Christ ressuscitant sur un globe dans la nef centrale. Dans la nef latérale nord (gauche) l'autel dédié au saint franciscain Joseph de Cupertino peut être vu, l'homme avait des dons de lévitation. Mais c'est dans la nef sud que vous pouvez admirer l’œuvre du rococo, le tombeau de Heinrich Gotlieb von Spätgen (de 1752-53), l’œuvre de F.J. Mangoldt, signalé à propos de la salle Léopoldine de l'université. Il fut financé par ses quatre filles peut-être grâce à la vente de la résidence familiale au roi de Prusse (cf. le Musée municipal). Les vertus du défunt proclame la Gloire qui soulève le rideau alors que Kronos avec une faux et l'ange de la mort avec un crâne lui rappellent la vie qui passe. L'église est un des meilleurs exemples du gothique silésien et la plus grande construction dans ce style de la Vieille-Ville.

L'église fut récupérée avec le couvent par les Franciscains des saints Vincent et Jacques en 1530 mais le nombre de moines diminuant face à la Réforme, l'ordre en fit cadeau, quatre ans plus tard, au conseil municipal. C'est seulement en 1561 que l'empereur Ferdinand Ier autorisa les bourgeois vratislaviens à transformer l'ensemble des bâtiments en dépôts après leur avoir permis de les vider du mobilier qui fut vendu. L'empereur Matthias Ier rendit les bâtiments en 1613 aux frères mineurs qui entreprirent les travaux de rénovation. Peine perdue, l'église fut victime d'incendie (1686), de foudre (1748), d'explosion (1757). En 1717 elle devint une paroissiale et reçut un décor baroque, constamment enrichi. Les bâtiments conventuels, après la cassation, furent transformés en prison puis abandonnés pour être démolis et leur terrain vendu par lots (on y construisit l'Hôtel Monopol et le magasin M. Gerstel, entre autres). L'église, restaurée plusieurs fois sous le pouvoir prussien, a été relativement bien épargnée en 1945 et servit de cathédrale en attendant la reconstruction de cette dernière. Dédiée aux mêmes saints mais dans l’odre inversé pour les deux premiers, et appelée communément sainte Dorothée (sic).



                                    Vue sur l'hôtel et l'église 1910-1920




A côté, l'Hôtel Monopol construit entre 1863 et 1865 avec un magasin du même nom pour la société du banquier B. Wallenberg-Pachaly. Son architecte, Karl Grosser invita le sculpteur Otto Lessing (sculptures du Reichstag, du château de Berlin et du Berliner Dom) pour décorer à l'intérieur, cet édifice néo-baroque (Art nouveau). Sa parcelle fut vendue par la ville à l'entrepreneur sous condition de ne pas cacher l'église voisine. Modernisé en 1909 et agrandi devant le portail à trois arcades en 1937, l'hôtel reçut plusieurs fois Hitler et c'est de sa terrasse-balcon que le Führer s'adressait aux habitants de la ville la plus nazie de l'Allemagne. Épargné partiellement il fonctionna comme l'hôtel de l'entreprise de tourisme d’État, Orbis. Il accueillit les invités du Congrès mondial des intellectuels pour la paix en 1948 (cf. Histoire de la ville) et a été classé monument historique en 1984. Vendu en 2007 à un entrepreneur polonais privé (Holding Liwa) et rénové, il a retrouvé sa classe d'autrefois.

En face un ancien magasin de Julius Schottländ construit par Richard et Paul Ehrlich en 1911. Sa construction en béton armé a été fermée par les parois plaquées de grès rose. Vous pouvez voir sur la façade de votre côté deux figures au sommet des colonnes engagées, au troisième étage, représentant un vieillard en costume antique (allégorie du commerce) et un ouvrier athlétique (allégorie de l'industrie). La façade du côté de la rue Teatralna, moins spectaculaire, possède un portail décoré de putti dont quatre se prenant pour des Atlas. C'était un des plus élégants magasins de la ville : les grandes fenêtres au rez-de-chaussée attiraient la clientèle, le premier était occupé par une maison de mode et le Café Palais, plus haut, dépôts et appartements de service. Une organisation assez typique de ce gendre d'établissements multifonctionnels. 
 
Le terme magasin est peut-être trop marqué et il faudrait traduire en maison comme c'est le cas en allemand (Haus) et en polonais (dom) avec comme qualificatif sa fonction (de commerce, de marchandises) comme en allemand (Kaufhaus de marque, firme ou Geschäfthaus, multifonctionnel, et Warenhaus, grand magasin).


A l’angle opposé, un grand immeuble de rapport bien conservé de Moritz et Leopold Sachs. Moritz était un riche négociant juif qui s'adressa à l'architecte, Karl Schmidt dont il sera question par la suite. Le bâtiment des années 1870 logeait, à part les particuliers, une entreprise de courtage et le Café Fahring, bien connu de l'intelligentsia de l'époque. Y brillaient autrefois la petite-fille de Moritz, peintre, Clara Sachs (1862-1921) ou Ilse Molzahn (1895-1981), écrivain et critique féroce de la société vratislavienne (ville-havre selon elle, la Breslau allemande accueillait des aventuriers, fantaisistes , mendiants venus de l'est comme de l'ouest et était habitée par les gens pour lesquels le petit-pain à la saucisse à l'ail était le summum du plaisir sans compter la vodka bue par gallons). La famille Sachs perdit son immeuble après l'arrivée d’Hitler au pouvoir et la ville un endroit chic. Après la guerre, bien que épargné, il a été dévasté par les locataires polonais d'origine paysanne et est tombé en ruine. Mal rénové, il a perdu son décor intérieur mis à par les moulures et la boiserie.



 La rue Świdnicka (Schweidnitzstrasse): au premier plan à gauche-Opéra puis l'hôtel Monopol et le chevet de l'église saints Wenceslas, Stanislas et Dorothée. 1930-40


En face l'Opéra de Vratislavie, une institution qui commença sa carrière comme le Théâtre de ville en 1841. Carl Ferdinand Langhans, son architecte, prévit une scène moderne et une salle pour 1600 spectateurs mais après les incendies de 1865 et 1871 (décidément la ville en fut souvent victime) le bâtiment fut transformé par Karl Lüdecke (1865) puis Karl Schmidt (1872). La salle et la scène furent rehaussées et le portique, agrandi, la corniche reçut les sculptures de muses (copies aujourd'hui). Après 1945, on enleva pour les raisons politiques (!) les bustes en bon état de compositeurs et poètes allemands ( Beethoven, Goethe, Mozart et Schiller) et on martela les fresques de Schmidt de la façade. La partie sud a été agrandie (54-56) puis en 1997 on a commencé les travaux de modernisation et de restauration des intérieurs bien conservés depuis le XIXe (plafond avec les portraits de compositeurs, lustres, loge impériale et les dorures). L’Opéra a retrouvé son éclat en 2007.

En face plus à droite, l'église Corpus Christi (Bożego Ciała), de l'ancienne commanderie de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, présente une façade simple à une haute fenêtre en arc brisé et un pignon en escalier. L'absence de tours ne doit pas surprendre, cela correspondait parfaitement aux vœux de pauvreté prononcés par les moines, or une tour au Moyen Age symbolisait la domination. L'intérieur a été fortement baroquisé. Il en reste des éléments que vous pouvez voir, et ce malgré les destructions et « prélèvements » après la guerre. Le crucifix mystique au Musée national à Varsovie, deux figures d'évangélistes dans la salle du Sénat de l'université, deux autres au château de Brzeg (à 50 km à l'est, que vous allez peut-être visiter), le retable de la Dormition de la Vierge au Musée national ont trouvé leur autre refuge. Ce qui est resté de cette baroquisation peut intéresser certains. Le cadre du tableau la Cène (de Johann Franz de Becker) transféré à la cathédrale (ici sa copie) représentant Dieu le Père sur un globe tenant un sceptre et le Saint Esprit (colombe) au-dessous se trouve au fond du chœur. Dans la nef latérale gauche, vous pouvez voir trois tableaux du XVIIIe (Christ ressuscité, Christ portant la croix et sainte Anne) qui ayant disparu après 1945 ont été restitués par un ancien responsable communiste désireux réparer sa faute des temps troubles de l'après-guerre. Dans la nef droite se dresse dans un cadre baroque une Piéta de Johann Georg Urbansky. La mère dolorosa est assise sur une roche et à ses pieds sont posés les symboles du martyre de son fils : la couronne d'épines et une pomme. Les anges debout à son hauteur, tiennent l'un une lance seule, l'autre un roseau avec une éponge. Plus haut, deux autres anges, l'un avec un rouleau de papyrus (Ancien Testament), l'autre un livre ouvert (Nouveau Testament). Au sommet, l'ange tient entre ses mains le voile de sainte Véronique. Le sacramentaire gothique rappelle les origines médiévales du temple ainsi que les fenêtres et les voûtes en croisés d'ogive.
 
L'ordre hospitalier est signalé en Silésie dès le XIIe siècle. Les chevaliers-moines reçurent des biens dans les environs de la ville (village Gaj, aujourd'hui, un quartier de la ville). L'église est déjà mentionnée en 1320 sous son nom actuel tandis qu'en 1351, les chroniques parlent d'un hôpital en face et relié par un galerie couverte. L'actuelle forme gothique date de la 2e moitié du XVe et l'édifice se trouvait accolé aux murs de l'enceinte, plus précisément, la porte et de ce fait exposé aux dangers de siège et aux projectiles. Il existe une gravure du début du XVIIIe montrant la situation stratégique et commerciale de l'endroit (appartenant à l'Ordre de Malte, successeur des Hospitaliers de Jérusalem et de Rhode): le Prospectus Templi Corporis Christi infra Portam Schveidniziana. En effet on y voit quatre porches en arc brisé, dont un d'eux avec une sorte de tourniquet, qui permettaient le passage aux charrois et piétons. La première porte extérieure de Świdnica se trouve derrière la galerie en direction du Rynek, tandis qu'au-delà, et non visible, la voie tournait à gauche pour déboucher sur une porte en forme d'arc de triomphe et le pont levis sur le fossé.

Une excellente documentation iconographique existe grâce à la Topographische Chronik von Breslau, éditée par Karl Adolf Menzl (1805-07).

Durant la guerre de Sept Ans (1758-1763), l'église servit de dépôt de céréales, plus tard elle fut occupée et dévastée par les défenseurs de la ville (1778-90 et 1805-07) et en 1813 les bâtiments reçurent des blessés et des prisonniers de guerre. L’État prussien avait déjà confisqué (1810) l'ensemble conventuel ce qui allait provoquer la destruction de la galerie obstruant la rue destinée à être élargie pour les nouveaux besoins de transport, d'autant plus que les Français avaient ordonné la démolition de l'enceinte fortifiée. L'église fut donnée en 1826 aux vieux-croyants catholiques (Église «vieille-épiscopale» d'Utrecht) qui ont construit en 1875 le porche néo-gothique existant. Mais en 1921 le bâtiment est revenu aux catholiques. Durant le siège l'édifice, déjà détruit à 75% , a été abandonné en mars 1945 par les fidèles allemands qui quittèrent la ville en 1946. Les Polonais ont entrepris les travaux de reconstruction en deux étapes (1955-62 et 1967-70).

Mais reprenez la rue Bożego Ciała et à quelques pas vous apercevez le Théâtre de Marionnettes, sur la droite. C'était autrefois un club très select des négociants et marchands chrétiens. Construit dans le style néo-baroque en 1892-1894) puis agrandi entre 1905-1909 pour en faire un endroit d'élite protégé par une clôture et englobant une terrasse, une orangerie et un jardin du côté oriental. Le Zwingergarten (jardin entre- murs). Le terrain englobait l'espace libéré de fortifications entre la Porte de Świdnica et la Porte de la Poche, plus à l'est (actuelle rue Piotra Skargi, Taschenstrasse en allemand).

Au XVIe c'était un terrain d'exercice de la Fratrie de la Poule dont les membres s'entrainaient au tir et organisaient un concours annuel dont le vainqueur était proclamé roi de la Poule. Au XVIIIe sur ce terrain fut construit un palais classique par l'architecte de la Porte de Brandebourg, Karl Langhans qui fit élever de hauts murs autour pour protéger les passants de balles perdues. La Fratrie finit par céder le terrain aux riches marchands en 1822 qui occupèrent le palais comme club d'été car en hiver ils se réunissaient dans le Vieille Bourse (Place au Sel). Les projets initiaux ne furent pas réalisés par manque d'espace et une orangerie servit de salon pendant le mauvais temps et le potager était réduit à douze rangées mais le guide de 1831 signale l'endroit parmi les plus grandes attractions de la ville (le Zwinger de marchands).
Mais grâce à l'ambition du membre du comité du club, médecin et directeur du
Jardin botanique, Heinrich Göppert, on entreprit en 1853 des travaux qui se prolongèrent pendant 20 ans. On planta les tulipiers de Virginie et de Chine, les catalpas, des chèvrefeuilles et glycines du Japon. On dressa un kiosque à musique (de fait une scène en forme de coquille), on installa une fontaine et on rénova l'orangerie. Le jardin si exclusif autrefois a été rendu au public après la guerre et faisait partie de la promenade municipale. Les autorités ont décidé de fermer la partie du jardin d'autrefois en dressant une clôture à l'image des jardins parisiens mais en s'inspirant des Jardins Tivoli à Copenhague et proposant un espace pour les enfants, une scène d'été et une volière pour les oiseaux résistant aux rigueurs du climat continental.


Le bâtiment logea jusqu'en 1992 la Société de l'Amitié polono-soviétique (puis russe) et à partir de 1964 une partie a été cédée au Théâtre de Marionnettes qui l'année suivante a occupé l'ensemble du bâtiment. L'institution vratislavienne propose des spectacles pour les enfants et les adultes, des stages et des ateliers, et est reconnue internationalement par ses représentations à l'étranger (en Europe, Amérique, au Japon).

Vous pouvez continuer votre visite par le jardin où vous pouvez voir la statue de l'Amour sur le Pégase de Theodor von Gossen réalisée en 1913 pour l'exposition du Centenaire (cf. la Halle du Centenaire dans la partie Via Sacra vratislavienne et Histoire de la ville). Le dieu a perdu son arme et pourtant les amoureux l'adorent alors que le cheval, sa queue. Ou vous reprenez la rue Teatralna (Zwingerstrasse) où au numéros 10/12 vous pouvez pour une somme modique profiter de cet établissement balnéaire et de mise en forme. Et il y a de quoi assouvir votre désir de repos, récréation, de musculation, de solarium et saunarium. Des piscines et des salles de massage sont à votre disposition dans ce centre privé (Wrocławskie Centrum SPA) ouvert dès 6 h du matin jusqu'à 23 h pour les piscines du lundi au vendredi, le samedi (8-22h) et le dimanche (9-21h). Pour les adeptes de la musculation du lundi au vendredi (6-22h), le samedi et le dimanche (10-20h), pour les saunas sec ou vapeur, le Spa & wellness, le fitness, les horaires sont plus courts. A vous de tenter la chance. Mais c'est aussi l'occasion de visiter un vieil établissement dont l'histoire remonte à la fin du XIXe siècle.

L'existence de bains publics remonte au Moyen Age comme c'est le cas à Paris mais c'est seulement au début du XIXe, sur la vague d'intérêt pour la balnéothérapie qu'apparurent deux conceptions rivales. L'opposition se situait quant à l'origine de l'eau pour le thérapie. En 1802, le partisan de l'usage de l''eau de source, le médecin Jäkel fonda à cet endroit, avec son beau-frère, le bourgeois Nitschke, un établissement proposant des cures à base de l'eau de nappe phréatique profonde propre. L'institution disposait d'un jardin et d'une pharmacie et au-dessus de son entrée on pouvait lire : Lava. Bibe. Convalens. En 1804 on ouvrit un établissement concurrent sue l'île saint Matthieu (Tamka aujourd'hui) qui utilisait l'eau du fleuve. Au milieu du XIXe fonctionnaient neuf établissements de ce type qui, au nombre de 30 à la fin du XIXe, étaient divisés en plusieurs catégories  : fluviale, de vapeur romaine et russe (bania), de baignoires. La communauté juive disposait de ses propres établissements. Ils étaient privés donc payants et la municipalité décida dans les années 1880 de créer un réseaux de bains-douches gratuits. C'est dans cette vague d'hygiénisme que fut lancé le projet de l'établissement qui est devant vous.

En effet ces thermes modernes (Entreprise balnéaire communale) naquirent de l'initiative de la Société vratislavienne de natation en 1895. Elle répondait aux besoins croissants en hygiène et au désir de popularisation de la natation toute l'année. En 1894 le président de la Société G. Kallenbach et le conseiller municipal des questions sanitaires, dr E. Kobierski, fondèrent la Société par actions Établissement de bains communal afin de trouver des fonds pour la construction d'une piscine couverte destinée aux soins aussi. Parmi les actionnaires on trouvait l'éditeur connu et déjà signalé, Heinrich von Korn, le conservateur municipal, Hans Lutsch, le chirurgien Jan Mikulicz-Radecki (fondateur de des écoles de chirurgie à Cracovie et Vratislavie et initiateur de l'antisepsie et l'asepsie dans la région) ou encore l'architecte et le conseiller municipal chargé de bâtiments, Richard Plüddemann qui a laissé beaucoup de constructions encore debout à Vratislavie. Le concours fut gagné par W. Werdelmann et les travaux commencèrent à l'emplacement de l'ancien établissement privé de Jäkel.

La première partie, celle entre les rues Teatralna 10/12 et Mennicza (de monnaies) 12, autour d'une cour, fut destinée aux hommes (piscine n.1) et achevée en 1897, la deuxième partie, plus à l'est, avec la tour et les réservoirs d'eau, aux femmes (piscine n.2) et achevée seulement 1907. A côté de solutions modernes (hydrothérapie et balnéothérapie), l'établissement rappelait, par son architecture et son décor, les thermes romains et les palais italiens de la Renaissance mais aussi l'esprit de Sécession (Art nouveau). Par la suite les bains turcs furent agrandis et l'équipement complété par les filtres, la blanchisserie et la salle des machines (1909). Durant les années 1925-27, l'établissement fut rehaussé de deux étages pour les salles à baignoire, le solarium et le buffet et en 1928 la piscine n.1 fut adaptée aux compétitions sportives. En 1929-30, les deux piscines, l'une pour les garçons, l'autre pour les filles, y furent aménagées.

Les combats de Festung Breslau épargnèrent les bâtiments et ils ont été ouverts déjà en été 1945. Mais les travaux de rénovation de 1960-62 ont détruit en grande partie les décorations d'origine pour les remplacer par les éléments modernes dont les mosaïques. En 1977 l'établissement a été inscrit sur la liste des monuments à conserver.

En continuant la rue, sur la droite ou à la fin du jardin, vous apercevez un édifice, l'ancien palais (hôtel particulier) de Leipziger ayant été construit en 1874 pour le riche banquier juif, Ignatz, par l'architecte connu , Karl Schmidt. Mais quatre ans plus tard il fut vendu au gouvernement du district (Kreisausschuss) qui y installa en 1878 son administration ( jusqu'en 1945) en le transformant à deux reprises. Après la guerre l'Entreprise de géologie s'y est logée et, privatisée, elle l'a mis en vente tout récemment. Du faste d'autre fois (certains avancent l'histoire de sa transformation pendant la guerre en maison close très selecte, casino pour les militaires haut gradés ou Lebensborn, une sorte de maison de reproduction SS) il ne reste qu'un magnifique escalier d'apparat.

Vous arrivez devant la colline des Résistants (Wzgórze Partyzantów) qui, à vrai dire n'a rien à voir avec la résistance ici. Avant la guerre la colline s'appelait Liebichshöhe. L'histoire de cet endroit est assez extraordinaire et mérite d'être connue.


Il est l'objet d'étude des historiens de l'art polonais intéressés par un courant artistique et plus particulièrement architectural appelé « historicisme ». Ce terme désigne d'abord une période de l'historiographie allemande incarnée par Ranke, Droysen ou Meinecke, mais aussi par les économistes List, Hildebrand, Knies ou Schmoller, et dominante dans la seconde moitié du XIXe siècle. Désireux d'ériger l'histoire au rang de science rigoureuse, ces auteurs défendaient plusieurs principes communs : l'historien devait établir les faits tels qu'ils s'étaient produits et saisir le passé dans sa singularité par rapport aux autres époques, sans chercher à émettre un jugement de valeur ; toute entreprise de systématisation devait être rejetée au profit d'une recherche des causes immédiates des événements. S'inspirant de la pensée de Herder, ils appelaient à considérer chaque époque en elle-même et rejettent toute philosophie téléologique de l'histoire. Cet historicisme appliquait à la méthode historique les concepts du positivisme. Par ailleurs, rejetant l'universalisme de l'école classique, ils considéraient que chaque cas national devait être étudié à part, pour parvenir à la connaissance.

L'historicisme, comme d'autre courants artistiques occidentaux du XIXe siècle, puisait son inspiration dans les formes du passé. Dès le XVIIIe siècle, le néoclassicisme affirmait déjà sa volonté de retrouver la pureté formelle des œuvres passées, en particulier dans l'architecture antique, mais aussi dans les arts picturaux et plastiques. Mais l'historicisme poursuivait surtout une démarche rationnelle, non dénuée de romantisme.

L'historicisme avait pour but de remettre en valeur des styles architecturaux anciens et parfois dits "dépassés". Ici encore le romantisme apportait avec lui le développement de l'architecture néogothique se fondant dans les formes médiévales, alors que la mode est au néoclassique.
En Allemagne, on assistait dès la moitié du XIX
e siècle à un engouement pour la mode historiciste, mode qui s'accentue sous Guillaume II d'Allemagne, de même au Royaume-Uni pendant l'ère victorienne. Cet ensemble de styles se retrouvant à la même époque créait un attachement nouveau en Europe pour l'architecture et les arts en général, le tout lié aux innovations de la Révolution industrielle, cette nouvelle mode était à la base des expositions universelles.
L'historicisme correspondait à une phase unique dans l'architecture où de nombreux et différents styles cohabitaient, de ce fait on assistait aussi à l'art éclectique qui permettait de mêler ces différentes architectures. De plus, l’avènement de l'art nouveau à la fin du XIXe siècle créait le contraste avec ses formes nouvelles et végétales par rapport aux traits des styles anciens.

L'historicisme en architecture, d'où dérive l'éclectisme, désigne la tendance à retrouver les racines nationales des différents styles européens par opposition au style néoclassique et de manière plus large que le néogothique ou le romantisme en vogue. Il se décline en périodes historiques et en styles régionaux où on trouve néo-roman, néo-Renaissance, néo-baroque, néo-classique, néo-byzantin, néo-mauresque dont sont issus les styles éclectiques avec une (ré-)affirmation identitaire culturelle, souvent liés au régionalisme.
Ce mouvement couvre la période allant jusqu'à l'entre-deux-guerres, où lui et l'art nouveau seront peu à peu remplacés par l'Art déco.

L'endroit était encore à la fin du XVIIIe siècle un bastion, élevé au XVIe et qui faisait partie des fortifications et constituait l'élément défensif de la Porte de la Poche (Tauschentor) et dans lequel on stockait de la poudre. La destruction des fortifications décidée par les Français en 1807 permit à la ville de récupérer cet espace en 1813. Plusieurs projets virent jour en vu de son aménagement : un temple dorique au sommet d'un bâtiment à quatre niveaux, jardins suspendus sur les terrasses chacune en retrait avec un pavillon au sommet, temple de l'Art avec des salles destinées aux sociétés d'art et culturelles, aux expositions et à la conservation d'objets d'art, un jardin romantique avec des ruines laissées en partie comme témoins de la splendeur passée de la ville, un belvédère. La colline, la seule dans une ville plate, était en train d'être sacralisée dans la première moitié du XIXe par l'élite intellectuelle de la ville imbue de la culture antique et aspirant à un idéal à la fois pastoral d'une Arcadie et démocratique de la cité attique. Les différents projets plus ambitieux que d'autres rencontraient un obstacle fondamental : argent.

C'est le dernier projet qui fut financé par le riche industriel silésien, Adolf Liebich. L'idée de belvédère était de son frère Gustav, poète qui mourut quelques mois plus tard et Adolf pensait en faire une sorte de monument à la mémoire du défunt et au-delà, restituer aux Vratislaviens la « vue perdue sur les montagnes de Silésie ». La construction, après l'achèvement devait revenir aux autorités municipales. Le mécène renonça aux revenus des locaux qui devaient y être aménagés. Le projet fut confié à l'architecte Karl Schmidt, qui avait déjà réalisé le bâtiment du Théâtre de la ville (cf. Opéra de Vratislavie), et qui y voyait le répondant à son édifice dans l'axe de la rue Zwinger (Teatralna). La genèse de la forme architecturale se trouverait dans les réalisations de Friedrich August Stüler à Schwerin et Potsdam et dans les conceptions d'August Ortha et Adolf Lohse pour le prince Albrecht près de Dresde. Ces architectes et urbanistes auraient cherché l'inspiration dans l'Italie Villas Giulia à Rome et Farnese à Caprarola de Vignioli, de Tivoli et Frascati) mais aussi dans les modèles antiques connus à cette époque. L'architecte fit face aux difficultés liées à la pente en aménageant des terrasses et en employant les éléments de type pyramidal pour les relier entre eux. Aux pieds il fit dresser un atrium sur la base du carré avec une fontaine au centre dont la cuve répétait la forme carrée et était ornée de la statue d'Ariadne de Naxos. De part et d'autre de l'atrium surmonté d'une balustrade, s'élèvent les escaliers en demi-cercle menant à la terrasse circulaire au centre de laquelle se trouve un bassin, également en forme de cercle. Cette terrasse est fermée à l'est par une loggia élevée de quelques marches en demi-cercle. De son centre un escalier mène au belvédère. Ce dernier conçu à base d'octogone (exprimant la gratitude) qui est en retrait à chaque niveau, le tout surmonté d'une coupole (gloriette à 32 mètres par rapport au sol) au sommet de laquelle était située la statue de la Victoire. La présence de l'eau symboliserait la vie terrestre alors que la coupole, la vie céleste. Le motif de l'eau rappelle la réalisation de Palladio de la villa Maser, non seulement par la conception mais aussi par le commentaire de l'auteur, lui-même. La question que pose Bożena Grzegorczyk, historienne de l'art de l'Université Nicolas Copernic de Toruń dans son « Architecture et construction théâtrales à Vratislavie depuis 1770 jusqu'à la fin du XIXe» (en polonais) est si Adolf Liebich méritait un monument commémoratif au centre-ville. S'il mérita la considération des générations postérieures de grand mécène ou s'il s'agit d'une réalisation du riche patricien et mégalomane qui fit fortune dans le sucre de betterave (rappelons que c'est en Basse-Silésie, à Konary, qu'est née la première usine en 1799). Mais il est certain que la fondation artistique exprimant l'idée de donatio et memoria, était dictée par l'envie de nobilitation et le désir de marquer spatialement sa présence dans la communauté citadine ainsi que souligner le statut de sa propre famille au sein de la bourgeoisie locale. Adolf Liebich aurait cherché son identité et le raffermissement de sa position sociale en faisant appel aux modèles connus de la Renaissance qui par ricochet l'auraient fait décider à pratiquer le mécénat. Les écrits lyriques dédiés aux deux frères Liebich parus dans la presse locale confirment cette hypothèse. Il en résultat que l’œuvre de Karl Schmidt était y qualifiée de « principale parure de la ville ». Il coûta à Liebich 71 000 thalers en argent alors que le budget de la ville s'élevait à cette époque à 30 000 thalers.

On y installa un restaurant et un café, on planta sur les pentes des érables, acacias, lilas, cornouillers, spirées et vinettiers. L'endroit devint le lieu de promenade et récréation qui permettait par le beau temps de voir les montagnes sacrées de Silésie. La Ślęża à 718 mètres d'altitude (Monte Silentii au XIIe et Slezie au XIIIe qui avait donné le nom au peuple slave vivant ici au Xe siècle, les Slézanes, en polonais Ślężanie et au-delà, de la région, Silésie, en polonais, Śląsk. Et les Sudètes, distants d'une centaine de kilomètres au sud de la ville.

Lors de Festung Breslau les souterrains de l'endroit servirent d'abri à l'état-major de la défense et de ce fait, les militaires ordonnèrent la destruction de la tour et des pavillons et la coupe de nombreux arbres.

Après la guerre la colline portait jusqu'en 1948 le nom de l'Amour (confusion avec le verbe allemand lieben, aimer). On a reconstruit partiellement l'endroit et on a installé un petit planétarium. Les pentes servaient en hiver aux enfants de terrain de glissade en luge alors que le fossé gelé en bas, de patinoire comme avant la guerre. Les travaux de conservation ont été entamés en 1973-74, après l'écroulement des escaliers, puis à partir de 1990 par l'entreprise Retropol à qui la ville a cédé l'ensemble pour 40 ans pour une exploitation commerciale. L'entreprise qui s'appelle de conservation de monuments, de production, commerce et services n'a pas fait grand-chose en ce qui concerne la conservation mais gagne de l'argent en louant certains locaux (club de jazz, restaurant, café). Cet état de choses a poussé la ville à lui entamer le procès en vue de la restitution.

C'est une autre illustration des conséquences de la fin du communisme en Pologne et des déboires des autorités municipales avec le patrimoine mal entretenu, dévasté voire abandonné durant la période du pouvoir « démocratique populaire ».

L'été dernier la colline a repris sa fonction de récréation en plein-air avec toute sorte d'activités y compris Vratislavie-plage (comme à Paris).














Projet de revitalisation et de rénovation de la Colline des Partisans (ancien belvédère de Liebich)



De là vous pouvez atteindre la place Dominikański soit en descendant vers le fossé municipal et en la logeant jusqu'à la rue Oławska soit en revenant sur vous pas à la rue Piotra Skargi (Taschenstrasse en allemand). Piotr Skarga, prêtre jésuite polonais, orateur et écrivain de renom et prédicateur à la cour de Pologne, il fut une des figures majeures de la Contre-Réforme en Pologne et Lituanie, au temps de la République des deux nations à la fin du XVIe et au début du XVIIe). La rue porte son nom depuis 1945. Dans la partie que vous allez parcourir, il ne reste que quelques bâtiments d'avant la guerre sans intérêt. Mais derrière le bâtiment moderne au croisement avec l'axe est-ouest que vous avez eu l'occasion de traverser deux fois dans votre périple (si vous venez de la promenade le long du fossé, il vous faudra emprunter le passage souterrain en gardant le même trottoir) vous attend une petite surprise. Un petite église (c'est la dernière sur votre parcours de la Vieille-Ville), saint Christophe, vous donne une idée des temps difficiles de l'après-guerre et de l'évolution de mentalités au cours de la période plus récente. Il s'agit d'un lieu de culte de la petite communauté protestante germanophone.  
Elle est située sur la place du même nom (świętego Krzysztofa) et est signalée en tant que telle au milieu du XVe comme étant du début de ce siècle et dédiée à Marie l’Égyptienne (une sainte palestinienne du Ve). Elle desservait à cette époque le cimetière de la paroisse de la Madeleine car elle avait été hors les murs de la première enceinte du XIIIe. Au XIVe elle était entourée du quartier de pelletiers, quartale pellificum, (dont la guilde avait financé l'autel principal) qui profitaient ici du confluent de deux rivières Oława et Czarna Oława (noire). Ces eaux allaient servir à la création des fossés municipaux. Le petit bâtiment du gothique tardif est composé d'une seule nef divisée en trois travées et dont les murs sont soutenus par les contre-forts. Le chœur à cinq côtés est séparé du reste par une arcade brisée. Les voûtes d'ogives, en réseau dans la nef et à croisée d'ogives dans le chœur sont les marques de cette époque alors que la tour est surmontée d'un heaume baroque. Le culte de saint Christophe était associé aux mourants. Le saint représenté comme un géant transportant au-dessus des eaux pleines de monstres apparaissait comme patron des passants d'un monde à l'autre. On croyait que la vue de son icône évitait la mort soudaine. Comme l'église dépendait de celle de la Madeleine, elle devint le temple protestant dans les années 1530, son intérieur fut adapté au nouveau culte et équipé, dès 1560, d'orgues. Cinq cloches acquises au cours des trois siècles sonnaient pour appeler les fidèles aux offices. Des trente épitaphes il ne reste que cinq visibles à l'extérieur.

Dans les années 1770 le cimetière liquidé laissa la place au marché et l'église s'appelait « église de pomme de terre ».

Ce qui paraît intéressant c'est que cette église était fréquentée par la population polonophone. En 1411 un document signale un prédicateur polonais et l'acte de fondation de 1416 le prouve aussi. Elle habitait cette partie de la ville et venait aussi des villages à l'est des fortifications. La présence de livres de prière, de catéchèse et d'exemplaires de bible mis à la disposition des fidèles déjà protestants et polonais était mentionnée ainsi que celle des pasteurs polonophones locaux ou venus de Pologne (du XVIe jusqu'à la fin du XIXe siècle). On peut par exemple signaler Michael Kush ou Kusz (1600-1654), l'auteur du dictionnaire germano-polono-latin (1646). Les prêches et les offices y sont encore signalés à la fin du XIXe siècle.

L'église a été détruite à 75% et peu de l'équpement d'avant s'est conservé. Reconstruite par phases (1947-49 et 1957-58) et protégée par des paneaux et planches pendant les années 1960. Elle a été rendue aux habitants germanophones restés à Vratislavie après les vagues d'expulsion (cf. Histoire de la ville) en 1958 sans pour autant en faire une paroisse à part. Le pasteur de la communauté, Wolfgang Meissler a consacré de nouveau ce lieu de culte qui devait servir mais pour combien de temps, personne ne la savait. Elle a été équipée de décors provenant d'églises protestantes supprimées ou détruites de la Basse-Silésie (par exemple du triptique maniériste du XVIe qui sert d'autel) . En 1966 l'élevation a été renovée et quatre ans plus tard, la tour a reçu un heaume. Pendant 48 ans la minorité évengélique allemande a vécu avec une incertitude quant à son sort mais le pas fodamental a été fait en 1993 lorsqu'elle a obtenu le statut de paroisse et un local pour les services administratifs et pastoraux. Elle fait partie, avec d'autres paroisses, du diocèse évangélique de Vratislavie.

La communauté allemande protestante s'y réunit comme dans une autre église à Sępolno (cf. Quartiers est du Centre-Ville) que vous allez peut-être visiter. Elle dispose d'une école de chant (Zeggerteum-Kantorat) et collabore avec les institutions ecclésiastiques et artistiques en Allemagne. Elle organise des concerts le lundi et chaque année, le 21 mars pour commémorer la naissance du compositeur, la Messe de Bach. C'est une occasion unique de participer à une liturgie qui date d'avant la réforme de l'Eglise protestante opérée par le roi Frédéric Guillaume III sous l'influence du calvinisme.

Pour toute les informations touristiques et culturelles vous pouvez vous adresser au bureau de la paroisse ulica Partyzantów 60 (Quartiers est du Centre-Ville) ou téléphoner au71  348 73 17 Le site de la paroisse est en allemand et polonais: http://www.stchristophori.eu/

Dans le voisinage de l'église saint Christophe (ulica Wierzbowa 30) se trouve l'hôtel particulier d'Oppersdorf du XVIIIe dont il ne reste que la façade au beau portail. L'édifice a été rénové et englobé par une masse de verre du complexe de bureaux Dominikański réalisé par l'entreprise Skanska. La résidence de la contesse Anna Maximiliana Louisa von Oppersdorf construite par Christophe Hackner vers 1725 fut entourée d'un grand jardin. Or c'est sur cette parcelle que se trouvait au XVIe siècle le jardin du botaniste Laurentius Scholtz von Rosenau – noble de Bohême et médecin à la fois qui y cultivait des agrumes, figuiers, grenadiers et pistachiers mais aussi plantes rapportés par les voyageurs des Amériques et d’Asie. 
   
Le bâtiment baroque était déjà au début du XIXe entre les mains de l'Office supérieur de mines qui le vendit à une imprimerie en 1895. Transformé, le jardin liquidé, le bâtiment, en partie détruit en 1945, a perdu tout le décor de ses originnes. Il est devenu la Maison de l'imprimeur dont les occupants ont continué le travail de dévastation . Seule la façade évoque la splendeur d'antan. O tempora o mores comme dirait Cicéron.
Vous reprenez le passage souterrain pour la sortie Oławska puis suivez cette rue piétonne jusqu’à la rue Szewska. L'ulica Oławska est aussi une vieille artère médiévale qui menait à la porte du même nom, située à l'emplacement de ce grand carrefour que vous avez traversé (cf. illustration). Il ne reste rien de son aspect médiéval soit à cause de constructions antérieures à la guerre soit à cause de destructions de 1945 et plus tard. Comme il a été expliqué ci-dessus (cf. plac Dominikański au débouché de la rue Wita Stwosza) cette partie de la Vieille-Ville a perdu sa disposition urbanistique d'origine suite aux travaux de démolition et de récupération de briques (cf. la Poste centrale) ce qui a laissé la place vide (et certains bâtiments à l'état de squelette) jusqu'aux travaux de la création de la rocade permettant d'éviter la place du Marché à partir de 1977 (Trasa W-Z, ouest-est en polonais). Ce n'est pas du tout un projet inconsidéré du régime communiste. Il reprend en fait les projets, de 1919 des urbanistes Maks Berg, Richard Konwiarz et Ludwig Moshamer, et qui animèrent les débats dans la période de l'entre-deux-guerres. Ils reprenaient comme c'est le cas aujourd'hui, le tracé des premiers fossés municipaux du XIIIe qui avaient été asséchés et comblés après l'épidémie de choléra de 1866 selon la conception de l'architecte municipal, Carl Johann Christian Zimmermann. Comme au début du XIXe c'étaient les quartiers d'indigents aux rues étroites (cf. la rue Psie Budy que vous avez vue dans les Quartier des quatre temples), ils constituaient pour les autorités un problème social et d'hygiène. Au milieu du XIXe leur caractère pittoresque fut apprécié et ils devinrent le sujet pour les artistes et les photographes. Mais certaines parties furent démolies pour y élever des bâtiments d'utilité publique comme de la Caisse d'épargne et de la Bibliothèque municipale ou encore des grands magasins comme celui de Geschäfts und Bürohaus Bielschowsky (vous en avez vue un autre rue saint Nicolas) construit en 1930 (et démoli lors des travaux de l'axe) par Carl Friedrich Hermann Wahlich, auteur apprécié d'autres bâtiments Sécession et modernistes dans la ville ainsi que co-auteur de la cité-jardin de Sępolno (cf. Quartiers est du Centre-Ville).

La rocade du centre historique est devenue l'axe le plus chargé intra-muros et a provoqué la coupure de la rue historique Świdnicka. Le tracé est-ouest commence au pont Grunwaldzki, et emprunte les anciennes rues qui ont été élargies (et leurs immeubles démolis), et se termine au pont Pomorski et plus loin le pont Uniwersytecki. Une partie est dirigée par la rue saint Nicolas vers la place de Jean-Paul II (Königsplatz avant 1945, que vous avez aperçue) d'où vient l'autre partie du trafic par la rue Ruska.

Les projets municipaux prévoient d'y réduire le trafic et en faire un axe prioritaire pour les tramways, les cyclistes et les piétons.

La rue Oławska présente aujourd'hui peu d'intérêt mais si vous êtes amateur de l'architecture moderne vous pouvez jeter un coup-d'œil sur les bâtiments à gauche comme au numéro 27-29, Dom Towarowy "Łada" ancien Julius Sckeyde Eisenwaren HDG de 1907, et surtout sur celui du magasin Rudolf Petersdorf (angle de la rue Szewska). Observez la conception d'Erich Mendelsohn de 1927-28. Le bâtiment, sauvé et rénové, a continué sa fonction de magasin durant la période communiste sous le nom Kameleon. A l'extérieur, c'est la saillie à l'angle qui surprend dans la façade dominée par le verre et décorée de travertin et de bronze. La structure en acier et béton permit à l'édifice de survivre aux bombardements.


Erich Mendelsohn fut un architecte allemand connu pour ses bâtiments expressionnistes, les premiers du genre, autant que pour avoir développé un fonctionnalisme dynamique dans ses projets de magasins et de cinémas. Il fut, à côté de Ludwig Mies van der Rohe et de Walter Gropius, un des membres fondateurs d’un mouvement architectural moderniste appelé Der Ring. En 1924, c’est avec enthousiasme qu’il découvrit l’Amérique et ses édifices récents, comme il le consignait dans sa correspondance ; à travers ce voyage, il se lia d’amitié avec Frank Lloyd Wright en tant qu’hôte de l’atelier communautaire de Taliesin, avec qui il partagea son intérêt pour cette pensée organique américaine qui faisait écho à l’expressionnisme architectural dont il était le fer de lance en Allemagne : « Il a vingt ans de plus que moi. Mais nous sommes devenus amis dans l’instant même, ensorcelés que nous étions par l’espace, tendant nos mains dans l’espace l’un vers l’autre : même chemin, même but, même vie, je crois. Nous nous sommes entendus immédiatement comme des frères [...]. Wright dit que l’architecture du futur sera, pour la première fois dans l'histoire, complètement architecture, espace en lui-même, sans modèles préétablis, sans enjolivements — mouvement pur à trois ou quatre dimensions…». Au retour en Allemagne, son œuvre de résumait le consumérisme de la république de Weimar, plus particulièrement dans ses magasins, ici à Vratislavie ou à Chemnitz (fameux magasins Schocken).

Face à la montée de l’antisémitisme en Allemagne à laquelle il opposait un regard lucide et anticipateur, il émigra au Royaume-Uni au printemps 1933, préférant se désister de projets d’importance. Par la suite sa fortune considérable sera saisie par les nazis ; il sera également radié de l’ordre des architectes allemands et exclu de l’Académie prussienne des arts. 
 
Tournez à droite pour prendre la rue Szewska puis tournez à gauche pour atteindre le Rynek. La rue Kurzy Targ (du marché aux poules) est aussi un exemple d'activités commerciales au Moyen Age. Comme son nom indique elle servait aux vendeurs de volaille et autres produits (œufs et plumes, lait et gibier, légumes, fruits et livres). Le côté gauche occupe le magasin Feniks, déjà décrit tandis que le côté droit les vieilles maisons dont celle au numéro 4 qui est occupée par le Musée de la pharmacie. La pharmacie Au double aigle d'or est l'une des plus ancienne de la ville. Elle a fonctionné sans interruption depuis le milieu du XIIIe siècle jusqu'en 1951 lorsqu'elle a été collectivisée et transférée au Rynek.

Vous avez terminé votre tour de la Vieille-Ville. Vous avez remarqué un peu partout la présence de gnomes qui sont la manifestation d'une tradition en marche. Ils commémorent un mouvement et manifestent sa continuité au-delà de la chute du communisme. Ils font référence à l'Alternative orage.


Alternative orange 

La Pomarańczowa Alternatywa est le nom d’un mouvement clandestin anarchiste. Il provient d'une revue publiée pendant la grève d'étudiants en 1981 dont le principal dirigeant était Waldemar Fydrych, connu comme « Major » (railleur-usurpateur « Commandant de la Festung Breslau »). Il a été l'auteur du Manifeste du surréalisme socialiste dans le cadre du mouvement Nowa Kultura (nouvelle culture) de l'Université de Vratislavie.

L’Alternative orange, inspirée en partie par le mouvement hollandais « Provo », organisait des happenings, peignait des graffitis absurdes en forme de lutins sur les murs de la ville et était un des éléments les plus pittoresques de l’opposition polonaise contre le régime communiste de la République populaire de Pologne.

Particulièrement active durant la période 1987-1988, l’Alternative orange et à la différence des autres mouvements qui poursuivaient des buts nationalistes et économiques, elle ne faisait pas de demandes explicites : elle adoptait une stratégie plus radicale, celle de défier directement la vérité d’État dans les rues.

Sa démarche était à la fois d’ordre politique, artistique et culturel. Elle avait pour finalité une esthétique de libération, prétendait n’appartenir à aucun courant préexistant et se voulait un mode d’expression libre destiné à rompre avec le normativisme social, culturel et politique dominant à l’époque en Pologne.

Parmi ses premières actions on peut signaler :
  • Tuby, czyli zadymianie miasta (Tubas ou remplissage de fumée) - 1er avril 1986;
  • Święto Garnków (Fête de casseroles) -1er avril 1987;
  • Krasnoludki na Świdnickiej (Les gnomes à la rue Świdnicka) - 1er juin 1987);
  • Precz z U-Pałami (A bas la canicule, un jeu de mot où le 2e élément veut dire matraques) - juillet 1987;
  • Czyn Antywojenny (Acte anti-guerre, faisant référence aux appels du régime aux actions pour construire le socialisme) – le 1er septembre 1987 (anniversaire de l'attaque de la Pologne par l'Allemagne).
Les happenings se terminaient par l'arrestation des participants par la milice citoyenne (police) pour le trouble à l'ordre public. La provocation allait jusqu'à l'arrestation des personne déguisée en Santa Claus (saint Nicolas et non Père Noël, populaire en Pologne) ou de toutes les personnes portant la couleur orange.
Le moment décisif a été la publication en automne 1987 dans The Village Voice, hebdomadaire new-yorkais de tendance plutôt libérale, de l'article annonçant la distribution du papier de toilette, marchandise déficitaire du régime au moment du Festival du théâtre ouvert à Vratislavie. De ce fait l'Alternative orange a été l'objet d'intérêt de la presse nationale et étrangère.

Dans les interviews le Major commentait ses activités et celles de ses amis en disant que les Occidentaux seront plus attentifs à son arrestation pour avoir distribué aux femmes des serviettes hygiéniques que la lecture de livres ou articles écrits par d'autres opposants. Ou encore, comment considérer ou respecter un représentant de l'ordre qui pose la question suivante : »Pourquoi participez-vous illégalement dans la manifestation de gnomes ? » Et enfin, « En Pologne il n'y a que trois endroits où l'homme peur se sentir libre:à l'église amis seulement dans la prière, en prison mais tous ne peuvent pas se retrouver en prison, dans la rue, les rues donnent le plus de liberté ».

L’Alternative orange s’inscrivait dans la continuité du paysage artistique contestataire des années 1960-70 : pop art aux États Unis (Le Living Theater), le San Francisco Mime Troup, le Bread and Puppet, etc.
L’originalité de cette expérience polonaise est qu’elle est intervenue à une époque où la société civile semblait avoir été chloroformée par la reprise en main politique du Parti communiste. Ses manifestations originales et dérangeantes à la fois, avaient pour but de réveiller l’esprit critique de la société polonaise, société normalisée et lobotomisée à la suite de 40 ans de communisme, à la suite aussi de l’état de guerre du 13 décembre 1981. Le mouvement voulait aborder la res politica avec un regard empreint de dérision et de détachement.

La référence au mouvement surréaliste et au dadaïsme est très nette. Que ce soit au niveau de la terminologie utilisée ou de la place donnée à l’acte spontané, toute la démarche des « Oranges » tendait à montrer la place importante accordée à l’esthétique surréaliste. Cette dimension esthétique, en étroite symbiose avec la logique protestataire, concourrait à inciter la jeunesse polonaise à rejeter le marasme et la grisaille ambiante et à refuser de céder à la tentation fataliste.

Dans toutes ses actions, l'Alternative orange bénéficiait d’une popularité et d'un soutien de la population très importants (à certaines occasions, plus de 13 000 personnes participaient aux happenings). Cela était dû à sa façon de ridiculiser les autorités, habituées à servir une seule version de la Vérité et qui, cette fois ci, confrontées à une nouvelle forme de protestation, ne savaient pas comment y répondre.

Malgré des critiques initiales de la part du reste de l’opposition polonaise, qui craignait que les happenings de l’Alternative orange salissent la réputation des mouvements d'oppositions polonais, son évident succès auprès de la population qui appréciait de pouvoir exprimer sa volonté de contestation sans néanmoins être obligée d’assumer le style de vie d’un militant révolutionnaire, est parvenu à obtenir le soutien des opposants principaux du groupe « Paix et Liberté » et du Parti socialiste polonais.

Pour ses activités le mouvement a reçu en décembre 1988 le prix d'Andrzej Wajda en présence des représentants de l'opposition politique.

Ce mouvement a été actif aussi à Łódź, Varsovie et Lublin et au-delà des frontières il a inspiré des mouvements en Tchécoslovaquie et Hongrie.

Parmi les dernières actions on peut signaler :
  • Karnawał Żebraczy (Carnaval des gueux) – 12 février 1990;
  • Pogrzeb Krasnoludków (Enterrement des gnomes) – 1er juin 1990.
Après une interruption fin 1990, l'Alternative orange a repris son activité en 2001 à l’occasion du happening « Le Lutin pour la Présidence », organisé au moment de l’élection présidentielle et portant des slogans tels que « votez lutins – seuls les lutins peuvent sauver le pays ! »

En décembre 2004, l'Alternative orange a pris part activement à la Révolution orange d'Ukraine, organisant des happenings en soutien à l'équipe du candidat Viktor Iouchtchenko.

Les gnomes de Vratislavie

Les petites figurines représentant des nains, généralement en bronze, placées dans les rues de la ville depuis 2001. Leur nombre n'a fait qu'augmenter et désormais elles forment incontestablement l'une des curiosités. À ceux qui aiment combiner leurs visites touristiques à Vratislavie avec la recherche des gnomes sont proposés des brochures spéciales et des visites guidées. Leur nombre dans les rues n'est pas fixé, de nouveaux apparaissent chaque année, une partie d'entre eux sont volés ou vandalisés malgré la protection des autorités. Pour le moment il y en a plus de 300 .

En 2001, pour commémorer le mouvement de l'Alternative orange, une figurine de gnome, symbole du mouvement, a été officiellement placée dans la rue Świdnicka, où le groupe avait l'habitude de se réunir. Il s'agit d'un des très rares cas où un groupe subversif est honoré par les autorités de la ville, qui ont recommandé le placement d'une statue de gnome dans son centre historique. En 2003, le maire, dans le but de poursuivre cette nouvelle tradition, a dévoilé une petite plaque sur la porte du musée des gnomes. Elle est visible à hauteur des genoux sur le mur de la maison historique appelée Jaś située entre la place du Marché et l'église sainte Élisabeth. 

 
Les figurines de gnome, qui sont plus petites que le monument de l'Alternative orange dans la rue Świdnicka, ont été semées dans différents quartiers de la ville. Les cinq premières, conçues par Tomasz Moczek, diplômé de l'Académie des Arts et du Design, ont été placées en août 2005. Ce sont l'escrimeur près de l'université, le boucher dans la ruelle Jatki, deux « Sisyphe » dans la rue Świdnicka et le gnome laveur près du most Piaskowy (pont de sable). Le nom du dernier est lié à Pracze Odrzańskie (laveurs d'Oder), un quartier à la périphérie de la ville. La cérémonie d'inauguration de deux nouveaux a eu lieu le 18 juin 2008, devant l'entrée de l'Hôtel de ville. Ils sont : dans une chaise roulante, sourd-muet et aveugle. Ils font partie de la campagne de « Vratislavie sans obstacles », qui vise à attirer l'attention sur les personnes handicapées. Cinq jours plus tard, à la clinique d'hématologie et d'oncologie pédiatrique, un autre gnome a été érigé. C'était la troisième femme naine : Marzenka (diminutif d'un prénom populaire, Marzena qui fait un jeu de sens avec le mot rêve), dont la conception a été basée sur le logo de l'association Mam marzenie (j'ai un rêve).

Depuis ce temps, le nombre de gnomes n'a cessé d'augmenter, surtout dans la Vieille-Ville. Pour les touristes accompagnés d'enfants c'est un moyen d'attirer leur attention et de les distraire lorsque les adultes observent autre chose. Les visites guidées gratuites les week-ends des vacances d'été sont proposées à partir de l'Hôtel de ville sans inscription préalable mais seulement en polonais (pour l'instant). Avis aux amateurs courageux.

















 

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